
Rencontre avec Bertrand Caroy, le policier préféré des Belges
Tant dans la circulation qu’à la télévision, le quinquagénaire montois est devenu une star. Qui est l’homme sous le calot? Interrogatoire agréable.
Depuis une vingtaine d’années, de nombreux téléspectateurs suivent les contrôles routiers de Bertrand Caroy dans l’émission «Enquêtes» (RTL-TVi). L’inspecteur -qui a son fan club, oui, oui- nous reçoit à l’Hôtel de Police de Colfontaine. Après avoir salué son fidèle collègue qui partage son bureau, on s’amuse des décorations au mur: des montages photos mettant en scène le policier sans doute le plus populaire de Belgique dans la peau des héros de la mythique série américaine «Chips». Le responsable du service circulation routière de la police boraine évoque son parcours.
A quand remonte votre amour pour la police ?
Mon grand-père et mon père étaient policiers. Ce métier était un sujet récurrent aux réunions de famille et d’amis. Au Carnaval à l’école et ailleurs, je me déguisais en policier avec des pièces d’uniforme de mon papa. Quelle fierté! J’ai toujours été fasciné par les interventions policières et les feuilletons comme «Chips» qui me faisaient rêver… D’ailleurs, c’est marrant: Ponch et John roulaient sur autoroutes mais leurs uniformes restaient pimpants. Moi qui suis aussi motard, j’ai souvent des mouchettes sur ma chemise. Entré avec conviction à la police, je viens travailler avec amour. Sur mes trente-quatre ans de carrière, j’ai pris quinze jours de maladie et j’utilise mes congés pour mes émissions de police à l’étranger.
D’où vient l’envie spécifique de sensibiliser à la sécurité routière ?
J’ai toujours voulu être motard et je suis attiré par cette fonction permettant de remettre les personnes dans le droit chemin et d’éviter des drames. Mon grand frère, Christian, a été tué à 14 ans par un chauffard ivre. Un gendarme qui a percuté son vélo... J’avais 7 ans, je vivais dans une famille équilibrée. Je me souviens des cris, des feux bleus dans la rue… Ce drame a bouleversé ma vie, celle de ma sœur et il a détruit le couple de mes parents. La blessure ne s’est jamais refermée... On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres, mais non, la vie peut basculer du jour au lendemain. La mauvaise expérience que j’ai vécue m’aide à sensibiliser différemment. Si à travers nos heures de contrôles routiers, on sauve une vie, deux vies, tout le monde a gagne. Je donne une explication à chaque personne que je verbalise: au-delà du côté répressif, il y a un aspect humain. Parfois, certains nous lancent: «Ah ouais, vous avez besoin d’argent, on doit payer votre salaire», alors que celui-ci est déterminé par la loi, pas par le nombre de PV. Lors des contrôles, on aide aussi des automobilistes en détresse (grosse dépression, problèmes financiers, etc.) en les dirigeant vers un service compétent.
Quelle évolution vous frappe ?
Il n’y a plus de respect pour rien, pour personne, que ce soit le policier, l’instituteur... C’est triste! Une dérive arrivée, je pense, avec les réseaux sociaux via lesquels on insulte dans tout les sens. Ceux qui ne connaissent pas réellement le métier vont critiquer l’uniforme, la manière d’agir, insulter. Ça fait mal… La bonne nouvelle, c’est que le respect et la gentillesse ne se sont pas perdus chez les personnes plus âgées. On peut critiquer la police, mais on en aura toujours besoin. Je me suis notamment donné pour mission de réinstaurer le respect vis-à-vis de l’uniforme… Le respect, pas la crainte. Quand j’arrête un automobiliste et qu’il me demande d’engueuler son enfant à l’arrière car il n’a pas sa ceinture, je refuse. Le but n’est pas qu’il ait peur du policier. L’éducation revient au papa.
Les infractions qui vous irritent le plus ?
Tout ce qui est lié à la drogue. On constate, lors de nos contrôles, une hausse de la consommation de cocaïne. Cette banalisation m’interpelle et me choque! En revanche, il y a une amélioration au niveau de l’alcool: de plus en plus de jeunes conduisent sans en avoir consommé. Une prise de conscience qui fait plaisir!
C’est quoi une bonne journéede travail ?
Une journée où on va contrôler des véhicules et rentrer avec zéro PV car tous les automobilistes auront respecté les règles. Mais cette journée idéale... n’est pas encore arrivée! (rires) En réalité, c’est d’avoir pu faire le bien autour de moi via ma fonction sur le terrain.
Quels retours recevez-vous des gens que vous contrôlez ?
Beaucoup sont contents même s’ils sont en infraction. «J’aime bien être contrôlé(e) par vous car vous dialoguez; Vous avez raison, j’ai joué, j’ai perdu. Vous, vous avez fait votre boulot», me dit-on. Ces gens n’ont aucune rancœur à mon égard. Ils savent que je ne joue pas un personnage. Je suis dans la vie comme au boulot. On me demande parfois un selfie. Lors des interventions, je suis gentil, poli, mais force est à la loi. Bien sûr que je reçois aussi des critiques mais elles me laissent de marbre.
Et vous, quel genre de conducteur êtes-vous ?
Je respecte les règles mais un instant de distraction peut arriver à tout le monde. Je ne suis pas meilleur qu’un autre. J’ai reçu deux petits PV: je dépassais la vitesse autorisée de très peu. Par ailleurs, en voiture, je ne veux plus être à la place du passager parce que j’ai vécu un grave accident au début de ma carrière. Le véhicule s’est retourné et j’étais le passager d’un collègue en train de mourir. Ça m’a fort marqué…
«Beaucoup sont contents que je les contrôle même s’ils sont en infraction.»Bertrand Caroy
Comment êtes-vous devenuun visage médiatique ?
Avant la réforme des polices en 2001, j’expliquais une fois par mois les modifications du code de la route au JT de Télé MB. Je rédigeais aussi des articles pour des revues locales, dans une démarche sécuritaire. Une fois la réforme installée, notre chef de corps a été contacté par RTL et j’ai commencé l’émission «Enquêtes».
Je suis souvent avec Alain ou un autre collègue et le caméraman suit notre travail au quotidien. Le but est de montrer les situations auxquelles nous sommes confrontées et d’écouter ce que les automobilistes ont à dire, mais jamais de les dénigrer. D’ailleurs, il faut retenir que beaucoup de conducteurs contrôlés sont en ordre! Et je précise ne pas être payé pour intervenir dans l’émission. Je le fais parce que j’aime mon travail.
Puis, vous êtes une star sur lesréseaux sociaux !
Un ami m’a un jour appris que j’avais un fan club sur Facebook. Ce groupe a été créé par deux étudiants en droit puis d’autres personnes se sont aussi proposées comme administrateurs. Il y a plus de 75.000 membres. C’est vraiment énorme!
Ça fait quoi d’être le policier le plus connu de Belgique et qu’a changé la célébrité ?
Eh bien, ça fait toujours plaisir! Je suis peut-être le plus connu, mais les collègues travaillent aussi bien que moi. Il faut rester humble… Je mets plus de temps pour faire mes courses puisque je réponds aux personnes qui me saluent. Certains, n’osant pas aller au commissariat de peur de ce qu’on pourra penser d’eux, m’ont déjà interpellé dans la rue ou dans un magasin pour confier avoir été victimes de violences ou d’une arnaque financière sur internet. Je les dirige alors vers le service adéquat, en brisant la barrière entre l’autorité et le citoyen par rapport à cette «gêne». Je suis allé en Espagne, au Canada et aux Etats-Unis pour les émissions «Bertrand Caroy en patrouille» et «Bertrand Caroy sur la Route 66». On m’a aussi reconnu là-bas. Même en plein désert. Ça m’a scotché!
Que vous inspirent vos immersions chez vos collègues étrangers ?
C’est une richesse incroyable de voir comment cela fonctionne ailleurs et de partager les idées. Au Québec, les policiers se sont rendu en uniforme dans une école avant de s’habiller en civil et de cuisiner pour les enfants. Quelle vision de proximité incroyable! Il faut aller vers les jeunes, les adultes de demain. En Espagne et dans d’autres pays, les véhicules de police circulent avec les feux bleus allumés et fixes. Une bonne idée qui procure un sentiment de sécurité.
Quels sont vos projets ?
Je pars bientôt au Mexique puis il y aura l’Afrique et l’Asie pour cette émission d’immersion « Bertrand Caroy en patrouille ». Peut-être que je sortirai un deuxième livre axé sur mes expériences de terrain. Dans le premier, je souhaitais qu’on comprenne qui j’étais réellement et dévoiler les coulisses d’une profession parfois mal comprise. Je voulais expliquer les souffrances qu’on peut connaître aussi bien en civil qu’en uniforme. Pour le reste, je souhaite profiter davantage de ma passion pour la moto Harley-Davidson. Je suis d’ailleurs le directeur du club de Mons. Fréquenter d’autres personnes, de divers horizons, me ressource.
Pour terminer, une petite anecdote lors de contrôles ?
Il y en a plein! Les gens n’ont parfois aucune limite pour tenter d’excuser leurs infractions. Un jour, j’ai interpellé un homme qui roulait sans permis: il s’est mis à prier à genoux en me disant qu’il n’avait pas tous ses esprits. Je lui ai répondu que je n’étais ni le Saint-Esprit, ni Jésus. Souvent une touche d’humour permet de mieux faire passer un message. Un autre fois, j’ai arrêté un automobiliste, très gentil, dont la voiture fumait énormément. Je lui ai lancé qu’on se croirait en discothèque et qu’il manquait juste la musique!
Bertrand Caroy
-1969: Naissance à Mons
-1991: Service militaire
-Depuis 1992: Inspecteur de police
-1999: Naissance de sa fille Elsa
-Depuis 2001: Emission «Enquêtes»
-2004 et 2015: Deux gros accidents de moto en service
-2023: Livre «Bertrand Caroy. Dans l’angle mort» (Ed. Kennes)
-Depuis 2024: Emission «Bertrand Caroy en patrouille»
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