
« Madame était à la tête d’une fortune colossale »
Pour un notaire, la réception d’un testament est un acte délicat, sensible et personnel. Il doit être à l’écoute de son client, le comprendre, le raisonner (parfois) et le conseiller (toujours).
Depuis plus de dix ans, une petite dame, au caractère bien affirmé, toujours très élégante et coquette, se rendait deux ou trois fois par an en notre étude pour modifier, peaufiner, compléter ou tout simplement relire son testament.Elle n’avait plus de famille. Elle était très seule.
Lors de chaque visite, elle échangeait d’abord longuement avec la concierge de l’immeuble puis avec les collaboratrices avant d’entrer en salle d’acte.
Toujours assise à la même place, son petit chien sur les genoux, elle s’inquiétait d’abord de ma santé, de celle de mes proches puis demandait des nouvelles de mon prédécesseur.
Ensuite, au gré de ses humeurs, parfois changeantes, de ses rencontres ou de ses déceptions, de ses passions ou de ses angoisses, elle me détaillait les corrections qu’elle souhaitait apporter à son dernier testament, pourtant très récent.
Lors d’un de ses derniers passages, elle m’expliqua vouloir léguer une grande partie de son patrimoine à une oeuvre tout en gratifiant certaines personnes d’une belle somme d’argent.
Suivant mes conseils, elle décida alors de réaliser un « legs en duo« . Elle légua son patrimoine à une fondation d’utilité publique, faiblement taxée en droits de succession, à charge pour ladite fondation de supporter les droits de succession dus par les particuliers à qui elle avait légué une jolie somme.
Peu de temps après, elle prit un nouveau rendez-vous pour me dire, pour la toute première fois et avec un grand sourire, que son testament lui plaisait et qu’elle ne souhaitait pas en modifier une virgule.
Je ne l’ai plus jamais revue.
Cette dame est décédée du Covid. Seule dans son appartement.
Lorsque, quelques semaines après son décès, j’ai contacté la fondation d’utilité publique pour annoncer la nature du legs qui lui avait été consenti, mon interlocutrice eut littéralement le souffle coupé.
C’est que la dame était à la tête d’une fortune colossale, héritée de ses parents.
Grâce à elle, la fondation d’utilité publique a pu consacrer des montants faramineux au développement de ses magnifiques projets. Et ses proches ont recueilli un montant net de droits de succession.
Je voulais simplement vous dire: « merci Madame! ».
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