
Réduflation: comment les supermarchés vous font payer plus pour moins de produits
La hausse des prix des denrées alimentaires et la « réduflation » se sont durablement installées dans les rayons des supermarchés. Plus Magazine analyse la situation et, en collaboration avec Testachats, vous donne les conseils nécessaires pour y faire face.
Imaginez qu’une personne soit entrée pour la dernière fois dans un supermarché en 2022. En refaisant ses courses en 2025, pas de doute qu’elle serait totalement déconcertée face aux prix des produits alimentaires. Une tablette de 100 grammes de chocolat noir? 1,80 euros en janvier 2015 contre 1,01 euro en janvier 2022! Un litre de jus d’orange? 1,70 euro en janvier 2022 et 2,40 euros aujourd’hui.
Les hausses de prix qui ont suivi l’épidémie de Covid-19 sont sans précédent. Leurs raisons sont multiples. La pandémie, et surtout la période qui l’a suivie, a créé une énorme demande de biens et de services à un moment où l’offre était perturbée et où l’économie avait besoin de se redresser. C’est une loi économique : plus la demande est forte et l’offre faible, plus les prix grimpent. À cela s’ajoutent la guerre en Ukraine, la crise énergétique et l’augmentation du coût du travail. Résultat : ces dernières années, les hausses de prix dans les supermarchés belges sont inédites.
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Depuis 2022, alors que l’inflation est élevée, l’organisation de consommateurs Testachats suit l’évolution des prix de plus de 3.000 produits dans sept chaînes de supermarchés de notre pays : Albert Heijn, Carrefour, Colruyt, Cora, Delhaize, Aldi et Lidl. Chaque mois, elle calcule ainsi l’inflation des prix des denrées alimentaires. Et les résultats sont clairs.
« En soi, il est normal que les prix des produits augmentent toujours un peu », déclare Laura Clays, porte-parole de Testachats. Une croissance de 2% est considérée comme saine. Mais depuis janvier 2022, l’inflation dans les supermarchés n’a jamais été inférieure à 2%. En mars 2023, nous avons même enregistré une inflation allant jusqu’à 20,62% par rapport aux prix de l’année précédente. Les prix ont également continué à augmenter au cours des derniers mois. L’année dernière, en juin, nous étions autour de 2%. Mais depuis le début de l’année, nous dépassons à nouveau largement les 3% et nous avons entre-temps une inflation de près de 5%. Et tout cela s’ajoute aux augmentations considérables de 2022″.
Le consommateur change de comportement
« Nous savons que nos prix ont fortement augmenté, mais nous ne pouvons pas faire autrement », répondent les producteurs. Les entreprises ressentent également les effets des coûts élevés de l’énergie, de l’augmentation des prix des matières premières et des coûts de la main-d’œuvre. Les fabricants estiment qu’ils n’ont pas d’autre choix que de répercuter ces coûts sur les clients. Mais un certain nombre de consommateurs ne supportent plus cette situation. Le passage des marques A aux marques des distributeurs en est la preuve la plus évidente.
Jamais les supermarchés n’ont vendu autant de marques de distributeurs qu’en 2024. Les chiffres du cabinet d’études NielsenIQ montrent qu’elles représentent actuellement une part de marché de 41% dans notre pays, le chiffre le plus élevé jamais atteint. Cette popularité croissante est en partie due au prix. Les marques de distributeurs sont souvent 30 à 60% moins chères que les produits de marque ou les marques A. En outre, leur qualité s’est nettement améliorée ces dernières années. Les produits surgelés et les denrées alimentaires sont le plus souvent achetés sous marque de distributeur, les produits d’hygiène et l’alcool le sont moins. Les producteurs de marques constatent encore qu’un grand nombre de consommateurs ne reviennent pas au produit de marque d’origine: après avoir testé la marque de distributeur pour des raisons budgétaires, ils la trouvent tout à fait correcte et continuent à l’acheter.
4 exemples de “réduflation”
1. Printemps 2025: la marque américaine de chips Lay’s introduit une nouvelle SnackBox en carton refermable à côté du sac en plastique traditionnel pour certaines variantes. Si l’on convertit le prix des chips striées, par exemple, par kilogramme, un sachet coûte 12,92 euros le kilo. Le nouveau paquet de chips en boîte coûte 19,12 euros par kilo. L’augmentation est considérable : 48 % ! Mais comme il est très difficile de voir l’augmentation du prix parce que la SnackBox a un poids différent (140 grammes) de celui du sac traditionnel (170 grammes), l’organisme néerlandais de surveillance des aliments Foodwatch a parlé de « pure tromperie ».
2. Au Royaume-Uni, le producteur de chocolat Toblerone a allégé sa célèbre « barre de montagne » de 10 %. Pour ce faire, il a augmenté la distance entre les triangles de chocolat. Il y a donc plus d’air et moins de chocolat, mais le prix reste le même.
3. D’autres barres chocolatées sont également devenues plus petites ces dernières années. Pensons aux barres Mars et Snickers, ainsi qu’à la barre Dairy Milk de Cadbury, dont le poids a été réduit de 10 % depuis 2022.
4. Une barquette de Becel ProActiv ne contient plus 250 g de margarine comme auparavant, mais seulement 225 g, soit 10 % de moins. Le prix du nouvel emballage ? Presque 30% plus élevé que l’ancien !
L’inflation par rétraction ou la réduflation
Que peut faire un fabricant si le consommateur refuse de payer plus? Eh bien, il peut maintenir son prix, tout en jouant sur la quantité. C’est ce que l’on appelle la réduflation : le fabricant réduit la taille de l’emballage, mais demande le même prix, voire un prix plus élevé, pour son produit, afin de compenser l’augmentation de ses propres coûts. Et comme il n’en dit rien au consommateur, ce dernier est souvent induit en erreur.
Pour nous, consommateurs, il n’est de toute façon pas facile de comparer. Pourquoi? Laura Clays de Testachats explique : « C’est parce que les produits sont généralement rebaptisés lorsqu’il y a une perte de quantité. L’ancien produit disparaît des rayons pendant quelques mois. Puis il revient sur le marché avec un nouvel emballage et un nouveau numéro EAN (code-barres à scanner à la caisse, NDT). Cela rend la comparaison très difficile ». Mais heureusement, certaines modifications sont si frappantes qu’elles ne passent pas inaperçues et suscitent même parfois la polémique. Il existe des dizaines et des dizaines d’exemples.
3 conseils de Test Achats
1. Comparez le prix à l’unité: Le prix au kilogramme, au litre ou à la dose figure toujours sur l’étiquette dans le magasin. Cela vous permet de comparer correctement les prix de deux marques, quel que soit le volume. Vous pouvez ainsi choisir sciemment le produit le moins cher, ou une autre marque si vous constatez une perte de poids.
La même méthode permet également de comparer plus facilement le prix des grands maxi-packs avec celui des petits volumes. Avec ces grands conditionnements, on pense un peu trop vite que le prix sera moins cher parce que l’on achète en gros, mais ce n’est pas systématique. Loin de là ! Souvent, le grand emballage est encore plus cher à l’unité que le petit, car il y a plus de concurrence sur les petits volumes.
2. Soyez attentif aux promotions
Ne soyez pas trop impulsif face aux promotions. Car à quoi bon acheter une grande quantité d’aliments que vous n’arriverez pas à finir?
En revanche, pour les produits non périssables, comme les détergents, vous ne devriez les acheter que lorsqu’ils sont en promotion. C’est souvent le cas, et vous pouvez ainsi être sûr de ne jamais payer le prix fort.
3. Achetez des fruits et légumes de saison
Si vous achetez des fraises, par exemple, lorsqu’elles sont disponibles en grandes quantités sur le marché, elles seront de toute façon moins chères. En fait, il en va de même pour tous les fruits et légumes tout au long de l’année.
Un solide écrémage
Un autre phénomène récent est « l’inflation par écrémage » appelée skimpflation. Au lieu de réduire la taille des emballages, les fabricants commencent secrètement à modifier la qualité des ingrédients pour réduire les coûts. Autrement dit, ils remplacent certains ingrédients par d’autres, moins chers, tout en maintenant le prix de vente habituel. Par exemple, un producteur de lasagnes surgelées utilisera moins de viande dans ses préparations ou de la viande moins chère et de moindre qualité.
Il est très difficile de lutter contre ces pratiques car, en Belgique, les fabricants ne sont pas tenus d’indiquer sur l’emballage qu’ils ont adapté les quantités ou remplacé des ingrédients. Ce n’est que lorsqu’ils remplacent certains ingrédients par des produits allergènes qu’ils doivent le signaler explicitement. Ce serait par exemple le cas si on remplaçait l’huile d’olive par de l’huile de noix.
Aux Pays-Bas, le Consumentenbond a découvert, après enquête, un certain nombre de cas flagrants d’inflation par écrémage. Sur une période de cinq ans, l’organisation de consommateurs a contrôlé 600 produits de marques A ou de marques de distributeurs. Dans un produit examiné sur quatre, cette astuce de réduction a été constatée. Par exemple, dans le Pesto Rosso de Bertolli, la proportion d’huile d’olive est passée de 10 à 4 %. La teneur en huile végétale du Becel Crémeux est passée de 70 à 59 %. Mais en tant que consommateur, vous continuez à payer la même chose. « Il n’y a pas grand-chose à faire, conclut Laura Clays de Testachats. Nous avons souvent demandé des mesures par le passé, comme une sorte d’augmentation maximale et légale des prix des produits de base. Cela n’a jamais porté ses fruits. Pour l’instant, en tant que consommateur, il n’y a rien d’autre à faire que de faire attention à ce que l’on achète et à l’endroit où on l’achète ».
Augmentation du prix ces 3 dernières années (janvier 2022-mai 2025)
– Huile d’olive : +63,29%
– Viande de boeuf: +29,43%
– Pain : +24,15%
– Dosettes de café : +48,10%
– Biscuits au chocolat: +57,40%
– Chocolat noir : +84,73%
Evolution moyenne du prix des produits: + 31,04%
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