Le Zurenborg, l’autre carte postale d’Anvers: que faire, que voir?
À l’écart du centre-ville, les abords de la petite gare de Berchem recèlent un curieux quartier, presque inchangé depuis la Belle-Époque. Un joyeux fatras de styles mêlant Art nouveau, palazzi vénitiens et cottages normands.
Certains quartiers semblent avoir été conçus pour la flânerie. Ils se parcourent le nez en l’air, à pas lents, en traversant sans cesse les rues pour se dégager des perspectives et observer les façades. À Anvers, il faut s’aventurer dans les faubourgs pour tomber sur une de ces petites merveilles. Coincé entre le ring et le chemin de fer, à 40 minutes à pied de la Grand-Place, le Zurenborg s’y savoure comme un catalogue architectural de la Belle-Époque.
Le quartier des aristocrates
Ce quartier, créé de toutes pièces en quelques décennies à peine, raconte l’optimisme d’une métropole en plein essor, au tournant des XIXe et XXe siècles. «Au Moyen Âge, il n’y avait ici que des terres ingrates et marécageuses, raconte Muriel Roosens, guide de la ville. Mais avec le développement du port, Anvers va petit à petit déborder de ses murailles… Les nantis cherchent alors à acquérir des maisons de plaisance pour s’éloigner du centre.»
Flairant la bonne affaire, deux grandes familles anversoises, les Cogels et les Osy, décident de s’associer en 1881 et d’acquérir des terrains à proximité du chemin de fer, pour y développer un tout nouveau quartier. «L’objectif est de proposer un espace résidentiel complet, avec bureau de poste, commissariat de police, cafés…, poursuit la guide. Autour d’une place centrale dont les bâtiments sont inspirés du château de Chambord, des maisons sont bâties et proposées à la location. La demande est là : expatriés, officiers de la ceinture des forts Brialmont, notables en tout genre y trouvent un cadre tranquille et distingué.»
Un solide melting-pot
Pour créer ces maisons, la «Société anonyme pour la construction du quartier Est d’Anvers» fait appel à un éventail d’architectes triés sur le volet. Appelés à tour de rôle, il leur est demandé de prévoir des façades qui en jettent, pour donner du cachet au quartier et séduire les éventuels locataires. Moyennant le respect de quelques contraintes techniques, ils sont autorisés à laisser libre cours à leur fantaisie… à condition de ne pas se montrer trop avant-gardistes. L’Art Nouveau sonnant comme trop libéral, ils sont priés d’opter pour un style «éclectique», courant architectural un peu fourre-tout, alors en vogue dans les cercles catholiques que fréquentent les Cogels et les Osy.
Il en résulte un improbable patchwork architectural, où cohabitent tant bien que mal néo-gothique, néo-Renaissance flamande, inspirations italiennes ou arabisantes, voire touches normandes ou Tudor. «Plusieurs ensembles homogènes sont tout de même prévus, afin de souligner l’impression de majesté : vu de la rue, on a l’impression de se retrouver face à un palais vénitien, par exemple, alors qu’il s’agit en réalité de quatre maisons contiguës.»
La Cogels-Osylei (lei signifiant avenue) en devient, encore aujourd’hui, presque écrasante, d’une exubérance aussi folle que surchargée.
Par petites touches
Reste que la demande finit par s’essouffler. Les terrains à bâtir restants sont alors cédés à des particuliers : c’est à ce moment que l’Art nouveau s’invite enfin dans le décor. «Nous ne sommes pas dans de l’art total, comme à Bruxelles : l’Art nouveau se présente ici le plus souvent par petites touches et est souvent cantonné à la façade, pas au mobilier», tient à préciser Muriel Roosens. Mosaïques dorées, sgraffites, briques colorées, balcons de métal et de verre, ferronneries aux entrelacs végétaux font alors leur apparition, se rajoutant à la cacophonie architecturale. En à peine 30 ans, le Zurenborg acquiert, à peu de choses près, sa physionomie actuelle.
Mais au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le quartier perd de sa superbe. La haute bourgeoisie s’éloigne toujours un peu plus des centres-villes, optant petit à petit pour des résidences à la campagne. Un temps, il est même envisagé de mettre à terre tout le quartier, au profit d’un ensemble de buildings d’affaires typique des années 60. Face à la levée de boucliers, le projet est abandonné, tandis que les grandes maisons urbainesredeviennent petit à petit à la mode. Loin du brouhaha del’hypercentre, il en résulte aujourd’hui un îlot de calme, auxaccents bourgeois-bohème. Et s’il existe encore quelques demeures en mauvais état, les chantiers de rénovation se succèdent, et les cafés-restaurants tendance refont leur apparition, redonnant au Zurenborg tout son cachet d’antan. Raison de plus pour partir à sa découverte, en promenade solo ou, mieux, avec un guide !
En pratique
Y accéder: Situé à proximité du ring, le Zurenborg est facilement accessible en voiture mais le parking n’est pas toujours aisé. En train, la gare de Berchem se situe à proximité immédiate. La zone la plus intéressante se situe dans le triangle Waterloostraat, Transvaal-straat et Cogels-Osylei.
Visites guidées: Avenue Cogels-Osy : perle architecturale de la Belle-Époque, visite guidée en groupe (2h, de 1 à 20 personnes), à partir de 130 €. Plus d’infos : www.antwerpcityguides.eu
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