Anouk Buelens - Terryn
Éloge de fin de repas
Membre du personnel universitaire, chroniqueuse et médecin généraliste, Anouk Buelens – Terryn écrit sur la pratique quotidienne. Cette fois-ci, elle a réalisé le difficile exercice de définir sa profession.
Des éclats de rire fournis résonnent quelque part dans le sud de la France. En cause ? Le titre de la nouvelle fonction d’une de nos amies. Les regards fuyants des convives autour de la table trahissent le fait que ce titre n’évoque absolument rien à la majorité d’entre eux. «Prépare une présentation pour le repas du soir, ce sera l’occasion de se coucher moins bête !»
Nous voilà donc en train de déguster notre mousse au chocolat tout en interrompant sans cesse notre conférencière improvisée du jour et en la bombardant de questions. Notre hôtesse rayonne : elle apprécie visiblement le fait que nous en sachions plus sur son histoire et son travail. Elle regarde les convives autour d’elle. «À qui le tour ?» J’essaie de me dérober car je suis plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral. Je prétexte que tout le monde a un médecin généraliste et a donc une assez bonne idée de ce que je fais. Le groupe ne l’entend pas de cette oreille... Je passe donc la matinée suivante derrière le portable que j’ai emporté, tandis que les autres profitent de la piscine.
Le soir, pendant le repas, je montre une capture d’écran de mon agenda hebdomadaire anonymisé. J’essaie ainsi de leur donner un aperçu de mes tâches. Car mes journées ne sont pas uniquement rythmées par les consultations. Les suivis téléphoniques, les tâches administratives, les concertations avec les collègues et le traitement des rapports prennent également beaucoup de temps. À cela s’ajoutent encore les formations continues et les services de garde.
Soigner, c’est aussi ce qu’il se passe entre les consultations.
Un ange passe avant que quelqu’un ose m’interrompre. Contrairement au temps où je faisais des exposés à l’école, personne ne me demande de parler plus lentement. L’assistance pose des questions au sujet de la convention à laquelle les médecins peuvent adhérer, et une discussion s’engage sur la rémunération des médecins généralistes. Mes convives expriment leur frustration de ne plus pouvoir demander des prescriptions par téléphone.
Peu à peu, je prends de l’assurance. À l’aide d’un patient test dans notre dossier médical, je montre comment se déroule habituellement une consultation : de la plainte initiale aux préoccupations supplémentaires que je juge importantes d’aborder. Des questions qui ne peuvent être traitées par téléphone. Avec enthousiasme, je montre, à l’aide du tableau de bord d’un dossier test quelconque, combien d’éléments nous traitons simultanément lors d’un contact avec un patient.
«J’espère avoir démontré tout ce que nous, médecins généralistes, faisons pour vous», dis-je pour conclure cette présentation. «Rectification, m’interrompt mon mari, tout ce que tu fais toi en tant que médecin généraliste !» Je reste silencieuse un instant, touchée d’être reconnue par mon partenaire et confrère médecin spécialiste. Après coup, il me chuchote : «Tu as vraiment bien vendu ton métier. J’ai presque regretté de ne pas avoir choisi la médecine générale».
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