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Vanina Ickx, ex-pilote automobile : « Chaque fois qu’on met le casque, on doit dépasser ses limites, atteindre celles de la voiture »

Appuyer sur le champignon, c’est (quasi) fini. A présent, elle virevolte dans les airs. Lever de drapeau sur le circuit de l’ex-pilote automobile à succès Vanina Ickx.

Ni piste automobile, ni crissements de pneus. Juste le bruit des moteurs de petits avions et d’hélicoptères sur le tarmac... La douce Vanina Ickx, fille du champion de F1 Jacky, nous accueille dans son bureau de l’aérodrome de Namur qu’elle gère, depuis deux ans, avec son mari passionné d’aviation.

Après quinze ans de courses et un beau palmarès vous avez décidé, en 2011, de ranger, officiellement, la combinaison et le casque. Pas de regret ?

Non, ma boucle était bouclée. Arriver 7e au classement des 24 h du Mans, en 2011, était le plus beau résultat que je pouvais obtenir. Puis, j’ai rencontré mon mari en 2012 avec qui on a très vite décidé d’avoir un enfant. La famille l’a emporté sur le reste. D’ailleurs, je n’ai jamais rêvé d’être pilote automobile mais cela m’a permis de gagner ma vie. C’est aussi très stressant, exigeant mentalement et physiquement : chaque fois qu’on met le casque, on doit dépasser ses limites, atteindre celles de la voiture. On laisse un peu de soi sur le circuit... En plus, je suis passionnée de conduite, de pilotage, mais pas de voitures ! Je n’y connais rien en modèles grand public : quand on me demande mon avis sur une nouvelle voiture, souvent j’ignore à quoi elle ressemble ! (rires) Je n’irai pas sur un circuit si je ne roule pas, enfin rarement... Je suis récemment allée voir le DTM à Zolder. J’avais le coeur qui battait d’entendre tous ces moteurs démarrer dans les stands, de sentir l’odeur des pneus et des plaquettes de freins... J’aurais bien fait un tour, j’avoue...

JE N’Y CONNAIS RIEN EN VOITURES GRAND PUBLIC !

Comment êtes-vous arrivée dans le sport automobile ?

A 21 ans, j’ai croisé par hasard, dans une salle de sport, une fille qui avait commencé la course automobile. Comme elle était enceinte, elle m’a proposé de la remplacer et je n’ai pas hésité une seconde car je suis très curieuse de tout. Sauf que je n’avais aucune expérience en course automobile... Papa m’a envoyée faire un stage dans le sud de la France pour avoir un peu de maîtrise automobile. Puis, j’ai fait l’essai avec la voiture de course et c’était parti ! Il est évident que l’association femme-nom-talent a constitué une magnifique combinaison.

Que pensaient vos parents de votre choix ?

Maman n’était pas trop pour car, à l’époque, elle craignait pour la vie de papa à chaque grand prix. Papa était très surpris mais il ne m’a pas dit non. Ce n’est qu’après ma première participation aux 24h de Spa qu’il a commencé à me prendre au sérieux car j’avais fait une belle performance.

Ca représentait quoi de s’appeler Ickx à vos débuts ?

Sûrement un atout puisque cette discipline doit être financée. Après, cela met un peu de pression comme on est sous le feu des projecteurs. Je n’ai pas pu démarrer tranquillement incognito mais ça ne m’a pas causé trop de problèmes.

Et par rapport aux autres pilotes ?

Tant que j’étais derrière, on avait tendance à m’épauler, à me conseiller, mais à partir du moment où je passais devant c’était moins le cas ! Une fois, en championnat Ferrari Challenge, un des concurrents de la course a menacé de me faire sortir de piste si j’osais à nouveau le dépasser mais à la course suivante, je suis malgré tout passée devant lui ! (rires) Les pilotes voulaient montrer à leurs femmes qu’ils se défendaient bien avec leur belle grosse voiture mais quand je finissais devant eux, ils faisaient moins les fiers devant elles. Deux d’entre eux ont même revendu leur voiture !

Un monde de machos...

Oui mais ça commence à changer. Aux Etats-Unis, ils ont bien compris l’intérêt de soutenir des femmes depuis leur jeune âge dans cette discipline. En Europe, cela traîne mais, depuis cette année, le RACB (Royal Automobile Club Belgium) s’implique grâce à une impulsion de la FIA (Fédération Internationale de l’Automobile) qui veut amener les femmes dans le sport auto via le programme de recrutement  » The Girls on Track « .

Que diriez-vous aux mauvaises langues qui disent que les femmes ne savent pas conduire ?

De venir me voir pour que je leur montre ! J’ai aussi beaucoup entendu  » Femme au volant, mort au tournant « . Mais pas uniquement à mon encontre.

Y-a-t-il aujourd’hui d’autres femmes pilotes belges remarquables ?

Oui, Sarah Bovy et Caroline Grifnée sont très douées mais elles ont peu d’endroits où s’exprimer. Il faut de tels budgets pour rouler sur la scène internationale ! C’est difficile, comme à l’époque, de trouver un annonceur qui se contente d’un retour en visibilité.

Un manque de reconnaissance de ce sport en Belgique ?

Le monde change et de plus en plus de jeunes ne s’intéressent pas aux voitures, ils ne passent même pas leur permis alors que nous, on en rêvait pour avoir la liberté ! Et puis, les soucis écologiques prennent beaucoup d’importance, ce qui est logique. Le sport auto belge ne se porte vraiment pas bien. Il y a moins de championnats qu’avant.

Vanina Ickx, ex-pilote automobile :
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Pour quelle(s) course(s) reprendriez-vous le volant ?

La 25 Heures VW Fun Cup, une course de Coccinelle à Spa, que je referais bien chaque année en famille. C’est très amusant et il ne faut pas de préparation physique intense. Il y a aussi des propositions que je ne peux pas refuser comme la course de côte Pikes Peak à laquelle j’ai participé en 2018 ou encore une course que j’ai faite cette année au Sénégal. Un de mes circuits préférés mais c’est une  » courseke  » avec zéro enjeu ! On a bien rigolé, entre copains. On roule là-bas comme on roulait ici il y a trente ans.

N’avez-vous jamais eu peur pour votre vie ?

Non. Peur de casser la voiture, oui. J’en ai cassé beaucoup !

C’est dur de respecter les limitations de vitesse ?

Quand j’étais jeune c’était plus difficile. Maintenant, les radars nous font un peu passer l’envie d’appuyer sur le champignon car les amendes sont salées... J’ai fait quelques petits excès de vitesse. Je roule en Audi S1 et j’ai une Austin Sprite de 1961, parfaite pour ma taille. Très chouette !

Laissez-vous votre mari conduire ?

Benjamin conduit tout le temps ! Ca ne m’amuse pas de conduire sur la route puis j’aime bien me faire conduire. (sourire)

Votre fils de 6 ans est-il passionné de voitures ?

Ado aligne ses petites voitures sur des lignes de départ et il les anime. Parfois, je suis au volant d’un des jouets et papa aussi. Il ne connaît pas vraiment notre histoire mais quand il pose des questions on lui dit que son grand-père était un grand champion. En tant que famille d’accueil, nous avons aussi une fillette de 2 ans, Khadija, qui est arrivée chez nous en septembre. Elle aime beaucoup les voitures de son frère...

Aimeriez-vous qu’Ado prenne la relève ?

S’il veut se lancer, je ne pourrai pas lui dire non mais je pense qu’il n’y aura plus de courses. J’ai l’impression que c’est en sport en voie de disparition pour des raisons financières et sociétales. Ce n’est plus de bon ton...

Aujourd’hui, votre vie est ici à l’aérodrome de Namur.

Oui, après avoir mis officiellement fin à ma carrière automobile, j’ai fait une maîtrise de management pour revenir un peu dans la vie réelle. L’opportunité de l’aérodrome s’est présentée, par hasard comme souvent dans ma vie, en 2017. Mon mari et moi nous sommes fixé comme objectif d’en faire le plus bel aérodrome d’aviation générale d’Europe ! On a déjà construit une nouvelle piste, un nouveau hangar où une filière de la Sonaca assemble l’unique avion biplace belge. Nous sommes hyper fiers ! Maintenant, notre grand chantier c’est de moderniser et d’agrandir le bâtiment principal. On essaye de créer de l’emploi ici. L’aérodrome est super bien situé car il est en plein milieu de la Belgique !

Vous êtes passée du pilotage de bolide au pilotage d’avion... Quelle différence ?

Même si on décolle, l’avion offre beaucoup moins de sensations. Le facteur altitude m’impressionne mais ne m’excite pas du tout. Cela dit, je suis contente d’avoir décroché, l’an dernier, ma licence de pilote privé pour voler à vue. Mon mari la possède aussi. Je m’exerce à décoller et atterrir avec un Piper 28 quatre places. L’idée est d’aller en vacances en avion avec les enfants en faisant quelques stops.

Envie d’emmener votre père Jacky en avion ?

Non, il dirait qu’il n’a pas traversé toutes ses années dangereuses pour aller perdre la vie dans un petit avion de tourisme !

L’aviation est devenu une passion ?

Non, pas encore. Il faudrait que je pratique plus. Mais, bon, qui sait ? Peutêtre que je deviendrai championne du monde de la Red Bull Air Race, une course aérienne qui consiste à virevolter entre plusieurs pylônes gonflables tout en allant le plus vite possible ! (rires)

VANINA ICKX

1975 : Naissance à Bruxelles

1996 : 1ère course en BMW Compact Cup

2000 : Victoire au Ferrari Challenge (EU)

2000 : Rallye Paris-Dakar avec son père Jacky

2004 : Mariage avec Benjamin de Broqueville

2008 : 1ère aux 12 Heures de Spa

2011 : 7e aux 24H du Mans

2013 : Naissance d’Ado

Depuis 2017 : gestionnaire de l’aérodrome de Namur

2018 : 34e à la course de côte de Pikes Peak

2018 : Arrivée de Khadija dans sa famille

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