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Délit de fuite: ce qu’on risque!

Si la plupart des auteurs sont retrouvés, bien des victimes se retrouvent démunies. Explications et conseils pour faire face.

Quelque 4.800 accidents corporels avec délit de fuite sont recensés par an. Ça signifie que, chaque semaine en Belgique, 92 accidents impliquant des blessés ou des victimes mortelles surviennent sans que l’auteur ne s’arrête. Parmi eux, 19 personnes ont perdu la vie et 5.300 ont été blessées. Un phénomène loin d’être marginal, s’inquiète Benoit Godart, le porte-parole de l’Institut Vias (sécurité routière). Le délit de fuite concerne désormais un accident sur huit! C’est une augmentation de plus de 15% en dix ans. Et c’est d’autant plus préoccupant que, dans le même temps, le nombre d’accidents en général a baissé. Le phénomène prend particulièrement de l’ampleur à Bruxelles où près d’un accident corporel sur cinq implique un délit de fuite.

Outre des logiques d’ordre psychologique que vous pourrez lire plus loin dans ce dossier, Shirley Delannoy, chercheuse à l’Institut Vias, a identifié des raisons pour lesquelles «on» prend la fuite. Dans 6 cas sur 10, ce sont des gens qui ont quelque chose à se reprocher. Les accidents avec délit de fuite sont souvent liés à d’autres infractions. Des conducteurs sont sous l’effet de l’alcool et/ou de substances illicites et ne se rendent même pas compte de ce qu’ils ont provoqué. D’autres prennent délibérément la fuite parce qu’ils roulent sans permis ou sans assurance. Des personnes ayant déjà un casier judiciaire cherchent à échapper à des sanctions supplémentaires. Les pires conducteurs cumulent les infractions.

C’est quoi un délit de fuite ?

Juridiquement parlant, qu’est-ce qu’un délit de fuite? «Le droit belge le définit comme la fuite d’un usager de la route pour échapper aux constatations utiles, sachant que l’usager en question vient de causer ou occasionner un accident de la circulation dans un lieu public. Et ce, même si l’accident n’est pas imputable à sa faute», explique Olivier Evrard, avocat namurois spécialisé depuis plus de vingt ans en droit de la circulation routière. Notons que le délit de fuite concerne l’accident en lui-même, mais également les manœuvres pour échapper aux vérifications de la police après cet accident pour des raisons d’alcool, de drogue, de défaut de permis de conduire, de contrôle technique, etc.

Il ne suffit donc pas de constater qu’une personne a quitté les lieux d’un accident pour conclure automatiquement à un délit de fuite. Car le conducteur doit avoir conscience de son implication dans cet accident. «Il se peut que le choc ait été léger et que l’usager de la route ne s’en soit pas rendu compte, ajoute l’avocat spécialisé. Il ressort de la pratique judiciaire que certaines affaires autorisent le doute quant au délit de fuite et justifient l’acquittement de la personne poursuivie.»

Infraction instantanée

«Par ailleurs, le délit de fuite est une infraction instantanée, précise Me Evrard. Ce qui signifie que seul sera examiné le comportement de celui qui quitte les lieux de l’accident dans les instants immédiats de l’accident. Ainsi, on peut admettre que la personne sous le choc de l’accident parcourt encore quelques mètres avant de s’arrêter. Le délit de fuite pourra être retenu pour celui qui continue sa route pendant plusieurs dizaines de mètres ou revient sur les lieux plusieurs minutes après ou se présente spontanément le lendemain aux services de police.»

Surtout à Anvers, Bruxelles ou Liège

La situation géographique des délits de fuite montre qu’ils sont fortement concentrés dans les zones urbaines, particulièrement à Bruxelles mais aussi à Anvers, Gand, Courtrai, Liège et Mons. Les accidents avec délit de fuite ont lieu davantage la nuit que la journée.

Source: Federale Politie/DGR/DRI/BIPOL et Statbel (Office belge de statistique).

On a endommagé ma voiture sur un parking

Les délits de fuite ne concernent pas uniquement des accidents avec blessés, fort heureusement. Parmi les cas fréquents, il y a ces véhicules en stationnement et percutés la nuit, sans que le responsable ne se manifeste. Ou encore ces voitures abîmées sur le parking d’un commerce par un auteur qui a «oublié» de laisser ses coordonnées.

Que faire? Il est recommandé de prendre des photos des dégâts sous différents angles afin de disposer de preuves solides. Et si possible, de rechercher des témoins ou des caméras de surveillance ayant pu enregistrer la scène. Il faut déposer une plainte à la police et espérer qu’elle recueille des indices pour identifier l’auteur des dommages causés au véhicule. Parallèlement, un constat d’assurance sera envoyé à l’assureur, mais à condition de disposer d’une assurance omnium.

Quand il n’y a que des dégâts matériels, si la victime n’a pas d’omnium et si l’enquête ne permet pas de retrouver le coupable, il n’y a pas de remboursement.

Que risquent les auteurs?

Un homme était récemment poursuivi devant le tribunal correctionnel de Neufchâteau. En se garant sur le parking d’un supermarché, il avait heurté un autre véhicule. Estimant que le choc était insignifiant, il s’était contenté de donner son numéro de plaque avant de repartir. Or, comme l’a rappelé le tribunal de police, un conducteur impliqué dans un accrochage doit communiquer son identité et ses coordonnées, et pas seulement sa plaque d’immatriculation.

Résultat: il a été condamné à 1.600 € d’amende (dont la moitié avec sursis) et à quinze jours de déchéance du droit de conduire. Sur le plan civil, il a également dû verser 1.100€ pour les dommages causés au véhicule et 600€ d’indemnité de procédure à la victime.

Mais lorsqu’il y a des blessés, les sanctions sont bien plus sévères. En cas d’accident sans blessé, l’auteur d’un délit de fuite risque quinze jours à six mois de prison, une amende de 1.600 à 16.000€ et une suspension de permis de huit jours à cinq ans. Si une victime est blessée ou décède, la peine peut aller jusqu’à cinq ans de prison et 40.000€ d’amende, avec un retrait de permis à vie.

En cas de récidive dans les trois ans, l’amende est doublée et la suspension de permis est d’au moins cinq ans.

Quid de l’assurance ?

Il faut tout d’abord déclarer l’accident à la police pour obtenir un procès-verbal, indispensable pour prouver le délit de fuite. Transmettez-le ensuite à votre assureur avec un constat européen d’accident.

Qui prend en charge les dommages?

Si l’auteur reste inconnu, votre assurance RC auto ne peut rien faire. Elle n’indemnise que les victimes des accidents que vous provoquez. Votre assureur protection juridique peut néanmoins vous aider à retrouver l’auteur. Si vous avez souscrit une omnium, celle-ci va couvrir les dégâts matériels, bien qu’une franchise puisse s’appliquer.

Notons qu’un accident causé par un tiers inconnu alors que le véhicule est en stationnement n’entraîne pas de malus ni d’augmentation de la prime d’assurance pour la victime.

Pour les dommages corporels, si vous en possédez une, vous pouvez vous tourner vers votre assurance protection conducteur. Il existe aussi un Fonds commun de garantie belge (FCGB), un fonds qui est alimenté par l’ensemble des compagnies d’assurance peut indemniser les victimes d’un accident survenu en Europe. Vous avez cinq ans après l’accident pour déposer un dossier incluant le procès-verbal de police réalisé sous trente jours. Les dommages matériels ne sont pris en charge que dans des cas exceptionnels: décès ou invalidité permanente d’au moins 15 %.

Pourcentage de délits de fuite par rapport au nombre d’accidents avec dommages corporels, par commune (2010-2021)

Comment les auteurs sont-ils retrouvés ?

Un conducteur sur quatre n’était pas identifié il y a dix ans. Aujourd’hui, c’est un sur six. La grande majorité des auteurs de délits de fuite (85 %) sont effectivement identifiés. Cette amélioration s’explique en très grande partie par la multiplication des caméras, aussi bien dans l’espace public que privé (lire plus bas «La dascham ? une vraie bénédiction»).

Lorsqu’aucune caméra n’a filmé la scène, la police mène son enquête «à l’ancienne» si l’accident est grave. Des témoins sont interrogés ou des preuves récoltées. Récemment, un automobiliste de Saint-Trond a été incarcéré pour son implication dans un accident mortel avec délit de fuite. Un piéton de 76 ans avait perdu la vie devant son domicile. Les enquêteurs ont pu remonter jusqu’au suspect grâce à des débris de son véhicule retrouvés sur les lieux de l’accident.

Et quand il n’y a pas de plaque?

Il ne faut pas nécessairement être conducteur d’un véhicule motorisé (voiture, camionnette, moto...) pour être accusé de délit de fuite. Un piéton ou un cycliste pourraient être poursuivis pour un délit de fuite s’ils sont à l’origine d’un accident.

Ces cas restent cependant extrêmement rares. Les piétons et les cyclistes sont avant tout les principales victimes de ces infractions. Les statistiques sont hélas là pour le rappeler: les victimes dans un délit des pour 21% des piétons et pour 14 % des cyclistes.

Quelques faits

• Un accident sur huit avec blessé concerne un délit de fuite!
• 92 accidents par semaine impliquant des blessés ou des victimes mortelles.
• Les délits de fuite ont augmenté de 15% en dix ans.
• 85 % des auteurs de délits de fuite sont retrouvés.
• Dans 6 cas sur 10, les fuyards avaient déjà quelque chose à se reprocher.
• Quand il y a des blessés, les piétons, les cyclistes et les cyclomotoristes sont le plus souvent victimes d’un délit de fuite.
• A Bruxelles, près d’un accident corporel sur cinq implique un délit de fuite.

“La dashcam ? Une vraie bénédiction !”

Les dashcams, installées sur le tableau de bord ou le pare-brise, enregistrent en permanence la circulation et sauvegardent la séquence en cas de collision grâce à un capteur de mouvement. Leur usage est libre, mais les images restent privées et ne peuvent être rendues publiques sans accord des personnes filmées. En cas de délit de fuite, elles peuvent néanmoins être transmises à la police ou à l’assurance qui jugeront leur recevabilité selon l’angle de vue, la position GPS, etc. Cette technologie s’avère souvent précieuse, comme l’a constaté Patrick, un Bruxellois d’une soixantaine d’années.

Le délit de fuite est une infraction instantanée.

«Il y quelques jours, explique-t-il, je circulais paisiblement sur une voie à deux bandes lorsque le véhicule situé à ma droite a brusquement déboîté devant moi sans mettre son clignotant. Le hic, c’est que le conducteur a mal calculé son coup et a heurté mon aile avant droite. Il a marqué un bref temps d’arrêt avant de continuer et de s’arrêter au feu rouge tout proche. J’ai pensé qu’il allait sortir de son véhicule pour venir vers moi, mais non. Dès que le feu est passé au vert, il a démarré assez vivement… J’en suis resté comme deux ronds de flanc! Je me suis félicité d’avoir acheté une dashcam qui a filmé toute la scène. Je n’ai eu qu’à me rendre au commissariat de police pour porter plainte et transmettre la vidéo de l’accident. Face à la preuve en images, impossible pour le conducteur indélicat de nier les faits. Le policier qui enregistré ma plainte m’a d’ailleurs confirmé qu’installer une dashcam était une excellente idée…»

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