Adapter son logement: 12 aménagements pour vivre chez soi plus longtemps
On aimerait tous vivre longtemps autonome chez soi, mais rares sont les maisons qui y sont adaptées. Architecte, Éric Cloes a pris le problème à bras le corps en concevant une maison ajustée au vieillissement. Avec deux mots d’ordre: confort et souplesse.
La grande majorité du parc immobilier belge n’est pas adapté au handicap et aux limitations physiques liées à l’âge. Ce qui a poussé Éric Cloes à réfléchir son habitation autrement. « La plupart des gens ne pensent à cela que vers 70-75 ans, quand ils commencent à décliner. En réalité, c’est souvent trop tard: tout peut aller très vite à ce moment, et le risque est grand de devoir se contenter de solutions de dépannage ou d’un autre logement trouvé en urgence, qui ne plaît qu’à moitié. J’ai préféré me pencher sur la question dans un contexte où j’avais tous mes moyens et le luxe du temps. »
Si Éric Cloes a pu partir d’une page blanche, les préceptes qu’il a mis en place sont relativement accessibles et peuvent servir d’inspiration. « En soi, construire une maison adaptée au vieillissement ne nécessite pas d’aménagements très compliqués et ne coûte pas plus cher qu’une maison ‘normale’. Il faut juste penser les choses différemment. La réflexion peut aussi s’appliquer à un logement déjà construit, pour autant qu’on y songe dès l’avant-projet de réaménagement: le prix sera peut-être un peu plus élevé, ça demandera un peu plus de travail, mais pas de façon exponentielle. »
Une maison accessible à tous
Pour l’architecte, une maison adaptée au vieillissement tient à quelques grands principes simples, dont l’accessibilité et la mobilité. « Le critère de départ est un critère de confort: tout ce que l’on fait doit être facilité par une conception et un aménagement réfléchis, afin de demander le moins d’efforts possible. »
Les détails ont ici toute leur importance, et cela dès l’entrée: les seuils ne dépassent pas un centimètre, extérieur et intérieur sont donc pratiquement toujours au même niveau. Chaque accès est couvert d’un porche, pour éviter d’être trempé par une averse en manipulant ses clés.
La loi du moindre effort
Les meubles de rangement, disposés sur toute la longueur du séjour, sont fixés au mur: ils montent maximum à hauteur d’épaule, ce qui peut s’avérer pratique en cas de tendinite ou de difficultés à lever les bras. L’absence de pieds, elle, facilite le ménage. « Si on veut se fatiguer, on fera des choses intéressantes, mais on ne va plus perdre notre énergie à se mettre à quatre pattes pour nettoyer derrière un meuble », sourit l’architecte.
La hauteur des interrupteurs et des prises est, elle aussi, adaptée. « Nous avons repris les normes conseillées pour les logements PMR: les interrupteurs sont plus bas (90cm plutôt qu’1,10m) et les prises plus hautes (40cm plutôt que 30), ce qui limite ici aussi l’amplitude des mouvements à fournir. » L’escalier a été conçu le moins pentu possible, pour limiter les risques de chute. « On oublie souvent que l’escalier est bon pour les personnes plus âgées, c’est de l’exercice physique qui fait entre autres appel à l’équilibre. »
Enfin, la durabilité de l’habitation entre également dans les critères de confort. « Il est important d’avoir une maison qui ne coûte presque rien pour se chauffer, s’éclairer, avoir de l’eau chaude ou se faire à manger: la retraite entraîne automatiquement une baisse des revenus. »
Anticiper les éventuels problèmes de santé
Anticiper les gestes du quotidien pour accompagner le vieillissement est une chose. Mais que se passe-t-il le jour où la santé flanche? Là encore, la maison a été pensée pour rester vivable et rassurante, quoi qu’il arrive. Exemple avec le rez-de-chaussée principalement constitué d’un seul volume où cohabitent salon, cuisine et salle à manger. La porte du sas qui y mène est en verre transparent. « Quand on vieillit, on entend et voit moins bien: un espace ouvert facilite le contrôle social interne, une chute ou un malaise sera vite remarqué par l’autre occupant. » Cela explique également la présence de grandes baies vitrées allant jusqu’au sol, côté jardin: de l’extérieur, il est facile de constater si quelque chose cloche à l’intérieur.
Construire une maison adaptée au vieillissement ne nécessite pas d’aménagements très compliqués.
Quid en cas de perte de mobilité et de passage à la chaise roulante? « Même si les espaces de circulation sont déjà calculés pour permettre le passage d’un fauteuil roulant, avoir une maison 100% adaptée au handicap n’a pas vraiment d’intérêt au départ: à l’heure actuelle, je n’ai pas envie d’avoir des toilettes surdimensionnées adaptées aux PMR, c’est de l’espace perdu inutilement. L’astuce est ici d’assurer une certaine souplesse à la maison, pour la modifier facilement si nécessaire. »
Concrètement, la maison ne compte aucun mur porteur intérieur, uniquement des cloisons légères. En cas de besoin, les toilettes peuvent par exemple être agrandies en empiétant sur le vestiaire voisin. « Cela ne demande que des travaux minimes, un jour ou deux au maximum, là où ouvrir un mur porteur nécessiterait un permis d’urbanisme et l’appel à un entrepreneur… »
Prolonger son autonomie
Pour accéder à l’étage, une structure métallique capable d’accueillir un ascenseur a été construite à l’extérieur, au cas où…
Quand on lui fait remarquer qu’il s’agit là de pensées un peu déprimantes, Éric Cloes répond, philosophe : « Tout qui est en bonne santé n’imagine pas être malade ou handicapé. Tout qui est jeune n’imagine pas un jour être vieux. Les gens qui vieillissent veulent rester jeunes dans leur tête et ne veulent pas penser à la vieillesse. Or, ce n’est pas parce que je pense à ma vieillesse que je me sens vieux. Au contraire, c’est pour que cette vieillesse handicapante et paralysante arrive le plus tard possible, et que je puisse profiter le plus longtemps possible de mon autonomie, avec confort et facilité. »
Un logement adapté à tous les âges: les 12 points à retenir
Éric Cloes a consacré sa thèse d’architecture à l’accessibilité et l’adaptabilité du logement. Voici les points à garder à l’esprit selon lui.
La situation géographique
L’une des plus grandes causes de perte d’autonomie liée à l’âge est l’isolement du logement. La situation géographique d’un bien est donc un critère capital dans le choix d’une habitation: privilégier un lieu facilement accessible, proche d’un centre-ville et de transports en commun.
Le confort et la sécurité
L’idée est ici de se faciliter au maximum la vie, pour limiter les tracas liés au vieillissement:
- Accès et portes : prévoir un porche, éviter au maximum les marches et privilégier les seuils bas ou les châssis affleurants. Cela nécessite parfois quelques aménagements (terrasse sur plots, par ex.) afin d’éviter les risques d’inondation en cas de forte pluie. Un carport en contact direct avec la cuisine permet d’éviter de devoir transporter les courses sur une longue distance.
- Communication: à l’intérieur, privilégier les espaces ouverts et les portes vitrées là où une intimité n’est pas nécessaire. Prévoir des baies vitrées jusqu’au sol au niveau du jardin.
- Électricité : rehausser les prises (40cm de hauteur) et abaisser les interrupteurs (90cm), ce qui limite l’amplitude des mouvements. Prévoir un éclairage nocturne (veilleuses) aux étages durant la nuit.
- Ameublement : privilégier les meubles bas et sans pieds.
- Escalier : le prévoir le moins pentu possible, avec des marches profondes et des angles droits.
- Durabilité : ne pas lésiner sur l’isolation et les nouvelles technologies énergétiques (panneaux solaires, pompe à chaleur, chauffe-eau thermodynamique…).
- Salle de bains : outre une douche à l’italienne, prévoir un espace sans meuble sous une des vasques d’évier. Cela permet de glisser une chaise, si vous ne vous sentez pas bien, ou un fauteuil roulant.
La souplesse
- Privilégier les cloisons légères pour les séparations intérieures, afin de pouvoir remodeler les pièces facilement en cas de besoin. Prévoir dès la conception que les toilettes et/ou la salle de bains puissent être agrandies.
- Prévoir une structure capable de recevoir un ascenseur. Impossible ? Prévoyez un escalier suffisamment large pour accueillir un éventuel monte-escalier.
- Au rez-de-chaussée, garder une pièce convertible qui puisse devenir une chambre si nécessaire.
- Prévoir une largeur minimale de 90cm au niveau des portes et des voies de circulation.
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