Spa est désormais classée à l’Unesco. De quoi donner un nouveau souffle aux lieux. © Frédéric Raevens

Spa, le “café de l’Europe”: que faire dans cette ville d’eau et de prestige?

Nicolas Evrard Journaliste

Durant presque 3 siècles, Spa fut the place to be. Têtes couronnées, artistes et personnalités s’y pressaient pour prendre les eaux. Désormais classée à l’Unesco, la ville renoue peu à peu avec son passé prestigieux

Il règne toujours une ambiance un peu mélancolique dans les villes dont l’âge d’or est révolu. C’est peut-être encore plus le cas à Spa. En pénétrant dans la cité par l’Est – la voie normale pour quiconque emprunte l’autoroute – on se rend instantanément compte qu’elle a connu des jours meilleurs. Difficile d’imaginer qu’autrefois, à la belle saison, de riches attelages parcouraient les rues, déversant un flot presque ininterrompu de dandys et d’intrigantes. Et pourtant… il n’existe pas tellement de villes dont la renommée fut un jour tellement éclatante qu’elles en sont devenues des noms communs !

Pourquoi Spa est-elle si célèbre?

«Ah, c’est qu’il en est passé, des personnalités, à Spa...», confirme d’emblée notre guide du jour, Johnny Lejeune, en nous accueillant au bureau touristique. «Nous avons même un livre d’or un peu particulier… Suivez-moi !»

Derrière les bureaux, une impressionnante toile de près de 9 mètres de long court sur toute la largeur du mur. Peinte à la fin du XIXe siècle, elle représente une partie des hôtes illustres de la cité. Parmi la centaine de portraits, on reconnaît des têtes couronnées (de Charles II d’Angleterre au Shah de Perse), des artistes (Alexandre Dumas, Victor Hugo, Jacques Offenbach…) ou des figures célèbres (Pauline Bonaparte, le Duc de Wellington, René Descartes…). «Et il manque tous ceux qui sont venus après la réalisation de la peinture...», ajoute le guide.

On en vient vite à se demander pour quelle raison tout ce beau monde se retrouvait ici. «Pour boire de l’eau, évidemment !» Déjà mentionnées par Pline l’Ancien, les sources de la région, qu’on appelle ici «pouhons», ont la particularité d’être carbogazeuses et parfois très riches en fer, ce qui leur donnerait des propriétés thérapeutiques. Petit à petit, un thermalisme s’y développe à partir de la Renaissance. Mais c’est le séjour, en 1717, de Pierre Le Grand, Tsar de toutes les Russies, qui permet à Spa de prendre son essor. Un fameux coup de pub, qui attire rapidement tout le gratin européen !

Spa est désormais classée à l’Unesco.

Le principe consiste alors à séjourner dans la ville quelques semaines, à la belle saison, afin de parcourir les différentes sources pour ingurgiter de grandes goulées d’eau ferrugineuse à heures fixes. Un beau prétexte... Dans les faits, Spa devient vite «Le café de l’Europe», qu’on fréquente avant tout pour voir et être vu. Casinos, salons, concerts philharmoniques, courses de chevaux (Spa comptera jusqu’à 4 hippodromes !), tout est là pour rendre le séjour plus intéressant.

Johnny Lejeune se propose de nous montrer ce qu’il en reste, non sans se saisir au passage d’un petit gobelet en plastique. «Vous prendrez bien un petit verre d’eau sur le parcours, non ?», glisse-t-il avec un sourire.

Une histoire prestigieuse, un patrimoine

Alors que nous cheminons dans le vieux centre, on ne compte plus les maisons ornées d’une plaque, listant les hôtes illustres y ayant logé.

Surprise : assez souvent, il s’agit d’hôtels particuliers ou de maisons bourgeoises, parfois charmants, mais loin de la débauche de luxe. Comme si le gotha avait pris plaisir à loger ‘à la dure’, le temps de son séjour. La demeure jadis occupée par Casanova s’avère même très rustique, avec sa façade en tuiles de bois.

À cet instant de la visite, seule l’église – inspirée de celle de Coblence – en impose vraiment. «Les funérailles de la reine Marie-Henriette, l’épouse du roi Léopold II, ont eu lieu ici. Elle a terminé sa vie ici, dans une villa toute proche : elle est tombée amoureuse des lieux, qui lui rappelaient sa Hongrie natale…».

Malgré son histoire prestigieuse, la ville a longtemps gardé profil bas. Le patrimoine est bien présent, en ville comme dans la campagne alentour, mais n’a pas toujours été mis en valeur.

Spa classée à l’Unesco

Reste que les choses évoluent depuis 2021. À l’instar d’autres grandes villes du thermalisme européen (Vichy, Bath, Baden-Baden…), Spa est désormais classée à l’Unesco. De quoi donner un nouveau souffle aux lieux.

Cela se ressent alors que nous descendons la rue Royale, où plusieurs grands chantiers de rénovations viennent ou sont en passe d’être achevés. La rue fut aménagée lors du second âge d’or de la ville, entre 1870 et la Première Guerre mondiale.

Par endroits, il suffit de peu pour avoir l’impression de replonger en pleine Belle Époque. «Vous avez devant vous le plus ancien casino encore en activité au monde, puisqu’on a commencé à y jouer en 1763», raconte notre guide. Encore aujourd’hui, il reste possible d’y taper la carte, sous les ors et les lambris du bâtiment, reconstruit au début du XXe siècle.

Une eau radioactive

À côté, les anciens «Bains de Spa» ont été remis à neuf en 2025. Ils abritent désormais un hôtel de luxe : s’il faut montrer patte blanche pour y accéder, on ne peut que vous conseiller d’aller boire un verre au bar ou de vous installer dans l’un des restaurants, situés dans les anciens salons. De la poignée de fenêtre aux splendides fresques du plafond, en passant par une improbable borne à eau radioactive (qu’on pensait fortifiante au début du XXe siècle), tout a été restauré dans son état originel. Même quelques salles de bains, avec leurs baignoires en cuivre, ont été conservées ! Mais n’essayez pas d’accéder aux lieux en simple curieux : les consommations, ici, sont obligatoires…

Spa a pris son essor grâce au séjour en 1717 de Pierre Le Grand.

À deux pas de là, la Galerie Léopold II vient elle aussi de bénéficier d’un lifting complet. Cette longue galerie couverte de 130 mètres permettait autrefois aux élégantes et aux messieurs de prendre l’air quel que soit le temps. Une véritable ode au fer forgé, bordée de petits pavillons, qui s’ouvre sur le «Parc des sept heures», où les bobelins (voir encadré page 50) venaient se dérouiller les jambes après le repas du soir.

Aujourd’hui, c’est de là que part le funiculaire conduisant aux nouveaux bâtiments des thermes, qui accueillentencore plus de 30.000 curistes par an. Sur le chemin, notre guide désigne un pouhon à ciel ouvert, pour que j’y remplisse mon gobelet. L’eau est fraîche mais âcre, au goût de métal. Quand je lui demande pourquoi il n’en boit pas, la réponse fuse : «Je suis un vrai spadois, j’en ai beaucoup bu, mais mon médecin m’a dit d’arrêter : j’ai désormais trop de fer dans le sang !»

En pratique

Il serait dommage de visiter Spa sans s’intéresser à ses environs. La nature alentour regorge de promenades pittoresques, parfois créées à l’époque romantique pour les riches curistes, avec cascades, points de vue, rocailles et petits ponts. Outre une nature luxuriante, elles offrent l’accès à tout un petit patrimoine : luxueuses villas, belvédères, pouhons aménagés…

Itinéraires et visites guidées: www.visitspa-hautesfagnes.be

Les termes: l’accès aux thermes est réservé aux plus de 15 ans, la réservation est vivement conseillée. Infos : www.thermesdespa.com

Casino de Spa: www.casinodespa.be

Hôtel des Bains de Spa: www.lesbainsdespa.com

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