Vendre de la seconde main: faut-il déclarer ses revenus au fisc?
Le marché de la seconde main est en plein essor. Les magasins de dépôt-vente cartonnent, tout comme les plateformes en ligne. Que dit le fisc à ce sujet ? Plus Magazine a mené l’enquête.
La vente d’articles d’occasion a le vent en poupe. Alors qu’il y a une quinzaine d’années encore, beaucoup de Belges regardaient de haut les objets usagés, le vintage est aujourd’hui un vrai succès. Cette tendance se traduit non seulement par la popularité croissante de plateformes comme Vinted, mais aussi par la multiplication des boutiques et brocantes de seconde main.
Une étude récente initiée par l’Alliance pour le Réemploi (groupement de divers acteurs du secteur) auprès de 2000 Belges confirme l’ampleur du phénomène : près d’un Belge sur deux a vendu au moins un objet d’occasion l’an passé. L’image de la seconde main s’est d’ailleurs nettement améliorée : 77% des Belges considèrent désormais positivement l’achat d’articles d’occasion (contre 74,9% en 2024), et le même pourcentage estime aussi la revente sous un jour favorable.
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En mode plus réfléchi
«La consommation circulaire devient la nouvelle norme», explique Linde Brewaeys du collectif d’entreprises sociales et circulaires flamandes Herwin, connu notamment pour ses Kringwinkels (magasins d’occasion).
«Le succès croissant du secteur s’explique par plusieurs paramètres, poursuit Linde Brewaeys. De plus en plus de gens vendent eux-mêmes leurs affaires via des plateformes comme Vinted ou 2ememain.be (tout comme 2dehands.be, les deux noms désignant le même site web, NDLR). Les jeunes et les jeunes parents, notamment, achètent davantage d’occasion, car c’est moins cher – surtout pour des biens temporaires comme les jouets, les vêtements ou le matériel pour enfants. Les consommateurs achètent de manière plus réfléchie et sont plus sensibles à l’impact environnemental de leurs choix. Quant à nos magasins, nous avons beaucoup investi ces dernières années dans l’expérience client, en offrant un assortiment plus large, des espaces plus agréables et une mise en scène inspirante qui rendent la visite encore plus plaisante.»
Par dons
Les Kringwinkels constituent une réussite à part entière. On en compte plus de 140 en Belgique, combinant économie circulaire et emploi social. En 2024, ils ont accueilli 8,13 millions de clients, soit un million de plus que l’année précédente. Précisons que ces magasins n’achètent pas les objets qu’ils vendent : ils se fournissent exclusivement via les dons des particuliers, qu’ils viennent même collecter gratuitement à domicile. Les meilleurs articles sont ensuite mis en vente.
Près d’un Belge sur deux a vendu des biens de seconde main en 2025.
S’ils ne poursuivent pas un but commercial, les Kringwinkels sont néanmoins un excellent baromètre de la popularité croissante du réemploi. Fait notable : les plus gros donateurs sont les 55 ans et plus (74% d’entre eux donnent des objets, contre 72% chez les jeunes).
Les jeunes en tête
L’engouement pour la seconde main touche toutes les générations, mais à des degrés différents. Les moins de 34 ans sont les plus actifs : 63,1% d’entre eux ont vendu des objets d’occasion l’an dernier, contre 28,1% chez les plus de 55 ans. Le constat est le même pour les achats : 52,3% des jeunes ont acheté d’occasion, contre 27,9% chez les seniors.
Les plateformes comme Vinted et 2ememain.be y sont pour beaucoup car elles permettent de proposer facilement des articles à des millions d’acheteurs potentiels. Avec Vinted, par exemple, vos vêtements sont visibles par pas moins de 100 millions de consommateurs dans 21 pays.
En Belgique, la plateforme compte trois millions d’utilisateurs inscrits. Le fonctionnement est simple et gratuit. Les femmes y sont les plus actives : 50% des annonces concernent des vêtements féminins, un peu plus de 30% se rapportent à la catégorie enfants et environ 10% s’adressent aux hommes.
Ce que dit le fisc
Mais vendre d’occasion ne vous exonère pas nécessairement de toute imposition. Tant que vous ne vendez pas dans un but lucratif, la fiscalité reste simple : la revente d’objets personnels relève de la gestion normale du patrimoine privé. Autrement dit, revendre une robe ou un meuble dont on ne veut plus ne pose aucun problème.
En revanche, acheter des articles pour les revendre avec profit vous catégorise alors comme commerçant. Pour distinguer les particuliers des professionnels, la législation européenne impose désormais aux plateformes de vente en ligne de transmettre les transactions aux autorités fiscales du pays de résidence du vendeur. Le fisc peut alors décider de qualifier ces revenus de «revenus divers», imposés dès lors à 33%.
Exonération Vinted
Afin d’éviter que les vendeurs occasionnels ne soient imposés, le gouvernement fédéral a introduit une «exonération Vinted», qui entrera en vigueur en 2026.
Les plus gros donateurs des Kringwinkels sont les 55 ans et plus
Concrètement, si vos ventes annuelles n’excèdent pas les2000 €, vous ne serez pas taxé. Cette limite s’applique à l’ensemble de vos ventes, tous canaux confondus. Chaque plateforme doit ainsi signaler les comptes atteignant 2000 € ou plus, ou plus de 30 transactions par an.
La charge de la preuve
Rien ne dit cependant que l’administration fiscale vous imposera automatiquement si vous dépassez ce montant de 2000 €.
Il appartient en effet au fisc de prouver qu’il n’y a pas de «gestion normale de votre patrimoine privé», et qu’il peut donc vous imposer sur les bénéfices. Sachez toutefois que le fisc vous surveille et que vous risquez de devoir répondre à des questions émanant de l’administration fiscale.
La grande question reste de savoir comment le fisc va pouvoir déterminer le bénéfice que vous réalisez sur la vente d’objets privés d’occasion. Car en pratique, peu de particuliers conservent les preuves d’achat de tous leurs biens personnels. Et il est par ailleurs impossible pour le fisc de vérifier quels biens vous vendez en dehors de ces plateformes en ligne. C’est le cas, par exemple, d’un vide-grenier ou d’une vente de tout bien personnel à un autre particulier dans le cadre d’une brocante ou encore via les réseaux sociaux.
Le succès de la seconde main en chiffres
– Pourcentage de Belges ayant vendu des biens d’occasion en 2024: 46,2%
– Nombre de biens vendus par Belge: 8,3
– Pourcentage de Belges ayant acheté des biens d’occasion en 2024: 39,5%
– Nombre de biens achetés par Belge: 6,7
Source : enquête 2025 Alliance du Réemploi (2000 Belges), herwin.be
Auteur: Johan Lambrechts
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