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Chagrin d’amour toxique: “Mon ex était devenu une obsession”

PlusMagazine.be Rédaction en ligne

Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne en affaire de rupture. Pourquoi le chemin est-il long et difficile pour certains ? Et que faire lorsque le chagrin d’amour envahit toute votre vie ?

Une rupture douloureuse a fait s’effondrer le monde d’Eric. « Pendant douze ans, Sarah* et moi étions comme le yin et le yang. Nous faisions tout ensemble : voyages, sport, sorties avec des amis… J’étais convaincu à 100% qu’elle était la femme de ma vie. »

« Elle a mis fin à notre relation il y a deux ans. Un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Il est vrai que je n’étais probablement pas au mieux. Ma mère venait de décéder et, professionnellement, j’étais perdu. Mais je ne comprenais rien à sa décision. Quelques mois avant la rupture, nous visitions encore une maison ensemble. Il s’est avéré que, à cette époque, elle me trompait déjà avec un autre homme. »

Eric ne savait plus quoi faire de son chagrin. Pendant un an et demi, il a essayé de reconquérir Sarah. En vain. «Je croyais fermement que tout mon avenir dépendait d’elle. Comment reprendre le cours de sa vie quand la personne qui en est le centre ne veut plus de vous ? Je n’en savais rien. »

Désarroi (a)normal

Que faire lorsqu’une rupture met votre existence comme en suspens pendant des mois, voire des années ? Comment faire face ? La psychologue et médecin américaine Cortney Sonderlin Warren mène des recherches sur les causes et l’impact du chagrin d’amour prolongé. Elle s’appuie sur ses recherches et sur son expérience. «Mon ex aussi était une obsession, voire une addiction », explique-t-elle. Dans un livre, elle raconte comment, après la rupture, elle a lutté pendant des années contre une tristesse prégnante. « Je me sentais vide, je continuais à désirer un contact et je m’accrochais à des souvenirs. Prendre de la distance semblait impossible.»

J’avais l’impression que tout mon avenir dépendait de Sarah.

« Il est normal d’être désemparé après une rupture. Presque tout le monde passe par là et presque tout le monde s’en remet. Toutefois, certaines personnes souffrent beaucoup plus longtemps que la moyenne, ou alors, la douleur de la perte est d’une intensité insupportable. Le chagrin d’amour toxique est un cercle vicieux d’émotions et de pensées bloquantes. On observe souvent des symptômes de sevrage, similaires à ceux ressentis par les personnes dépendantes lorsqu’elles arrêtent l’alcool ou la drogue : insomnie, anxiété, sautes d’humeur ou crises de larmes. »

« Le fait d’être amoureux modifie une série de neurotransmetteurs dans le cerveau, notamment les niveaux de dopamine et de sérotonine, modification qui provoque des sentiments d’euphorie. Après une rupture, ce mécanisme se dérègle. Mais votre cerveau continue à avoir envie de la personne ou de la chose qui vous a fait ‘planer’. Tout comme dans le cas d’une addiction, les personnes souffrant d’un chagrin d’amour toxique aspirent à soulager ces symptômes. Elles recherchent leur ex, ce qui conduit à des confrontations douloureuses. Ou elles se livrent à des comportements autodestructeurs, tabagisme et alcoolisme, par exemple. »

Cet amour toxique, comme un antidote

Après sa rupture, Eric a beaucoup bu. « Heureusement, cela n’a jamais posé problème, précise-t-il. Je buvais seulement quand je sortais avec des amis. Plus que d’alcool, j’avais constamment besoin de contacts et de distractions. La course à pied m’a également beaucoup aidé. Après la rupture, je me suis mis à postuler comme un fou jusqu’à trouver un travail qui me plaise. Travailler me donnait de l’énergie, me distrayait de ma tristesse. Le fait de me ressaisir, tant sur le plan professionnel que privé, était en soi positif. Mais j’avais une autre motivation. En reprenant ma vie en main, j’espérais que Sarah reviendrait. Je voulais lui montrer que j’étais toujours le même homme dont elle était tombée amoureuse 13 ans plus tôt. Mais en agissant ainsi, on continue en partie à vivre en fonction de l’autre. Et ce n’est pas très sain. »

Désormais, je choisis ce qui me procure du plaisir et de l’énergie

Le docteur Warren poursuit : « Les personnes souffrant d’un chagrin d’amour toxique ont du mal à retrouver leur propre identité. Si vous vous identifiez complètement à votre relation ou à votre ex, il est difficile de prendre un nouveau départ. Le risque de souffrir d’un chagrin d’amour toxique n’est pas nécessairement plus élevé après une relation longue ou une relation dans laquelle des enfants sont impliqués. Ce qui joue, c’est votre style d’attachement personnel et d’éventuels traumatismes subis pendant l’enfance. Souvent, les deux sont liés. Une personne qui a manqué de figures d’attachement sécurisantes dans son enfance est plus susceptible de s’accrocher de manière malsaine à son partenaire.

D’une certaine manière, ce partenaire comble le vide laissé par ses parents. Un grand amour est dès lors perçu comme une sorte d’antidote ou de solution à ce qui lui manquait dans le passé. Le revers de la médaille est un désarroi total lorsque cet amour disparaît. Certaines convictions profondes sur les relations, telles que ‘l’amour est conditionnel’ ou ‘je serai toujours abandonné’, peuvent renforcer ce sentiment de désarroi. Il en va de même pour les pensées idéalisantes. Ceux qui croient sincèrement que l’autre est ‘l’élu(e) de leur cœur’ se sentent plus rapidement perdus et ‘maudits’ après une rupture ». Le docteur Warren en arrive à sa conclusion : « Les vulnérabilités personnelles, la façon dont vous avez vécu la relation et le degré de dépendance que vous ressentiez envers votre partenaire déterminent votre sensibilité à un chagrin d’amour toxique ».

Un sentiment de sécurité

Eric a cherché et trouvé une aide professionnelle auprès d’une psychologue spécialisée dans les ruptures difficiles. « Grâce à elle, j’ai compris pourquoi cette rupture m’avait autant bouleversé. Enfant, j’ai dû très tôt me débrouiller seul et prendre des décisions importantes, ce à quoi j’arrivais sans trop de mal. Cela n’a plus été le cas à l’âge adulte quand j’ai progressivement ressenti un fort besoin de sécurité. J’ai besoin de rentrer dans un foyer chaleureux, de m’endormir dans une atmosphère agréable et Sarah répondait à ce besoin. Quand elle a mis fin à notre relation, je me suis effondré parce que cette sécurité avait disparu. Ce besoin était si fort que je l’idéalisais, ignorant ses défauts. Pour moi, elle et notre relation étaient parfaites, ce qui bien sûr n’était pas le cas. Mais je voyais les choses à travers un prisme particulier, celui de mon style d’attachement. »

Après un long processus de deuil et une thérapie, Eric s’est retrouvé. « J’imagine à nouveau un avenir sans elle. Il m’a fallu du courage et la volonté de travailler sur moi-même. Oser me concentrer sur des objectifs personnels, indépendamment d’elle, n’est pas facile. Mais il le faut, car la vie continue. Aujourd’hui, je choisis consciemment des choses qui me procurent du plaisir et de l’énergie. Le sport, voir mes amis, la musique et mon travail. C’est comme une boule de neige qui commence à rouler. Plus on prend soin de soi, plus on renforce ses bases et on est capable d’encaisser les coups. Ces derniers mois, j’ai repris confiance en moi. Je ne m’accroche plus à une personne ou à une relation, mais à l’amour lui-même. La sécurité que m’apportait ma relation brisée me manque énormément. Mais je sais que je peux la trouver auprès de quelqu’un d’autre. »

Des pensées qui n’aident pas

Le Dr Warren donne quelques exemples courants de schémas de pensée erronés:

  • Notre relation était parfaite. Vous ne vous souvenez que des aspects positifs et vous filtrez (inconsciemment) les tensions.
  • Je ne retrouverai jamais quelqu’un comme mon ex. À vos yeux, cette personne est irremplaçable. Il se peut que vous ayez une peur sous-jacente de la solitude.
  • Mon ex me comprenait comme personne.Vous vous accrochez à l’idée que votre ex était la seule personne apte à comprendre vos besoins, alors qu’il y avait probablement aussi des malentendus et des problèmes de communication.
  • Mon ex changera quand nous nous remettrons ensemble.Vous vous accrochez à l’idée fausse que votre ex corrigera certains de ses défauts, alors que le comportement passé est souvent un bon indicateur de ce à quoi vous pouvez vous attendre à l’avenir.

Thérapie cognitivo-comportementale

Une thérapie cognitivo-comportementale aide à modifier les schémas de pensée erronés. « Méfiez-vous des idées obsessionnelles ou idéalisantes et cherchez des contre-exemples concrets, explique le Dr Warren. Identifiez les situations qui alimentent les schémas malsains et brisez le cercle vicieux des ruminations excessives à l’aide de techniques d’arrêt. Concentrez-vous sur vos propres objectifs et valeurs pour trouver un nouveau sens à votre vie. Soyez indulgent avec vous-même. »

*Sarah est un pseudonyme

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