Si votre petit-fils vous lance un "Tu as dead ça !", c’est un compliment positif. © Getty Images

Parlez-vous le « nouveau » français? Le lexique pour décoder vos petits-enfants

Nicolas Evrard Journaliste

Le français évolue constamment, et les jeunes générations contribuent largement à son renouvellement. Histoire de ne pas être trop « largué », voici un lexique clair – du moins le plus clair possible – des mots et expressions du « nouveau français » qui circulent aujourd’hui.

Il y a des jours où parler avec un ado ou un jeune adulte donne l’impression d’avoir raté une mise à jour linguistique : entre les « c’est cringe », les « tu forces » et les « banger », on ne sait plus très bien si on doit rire, s’offusquer… ou demander la traduction. Rassurez-vous : vous n’êtes pas seul. Le français évolue, tout comme l’argot « jeune ». C’est normal, et ce petit lexique vous aidera simplement à suivre le mouvement – sans devoir retourner dans les cours d’école.

Si nous avions déjà épinglé quelques anglicismes sur ce site par le passé, voici un complément de néologismes venus de l’anglais (impossible d’y couper), de l’arabe, du tsigane… ou 100 % francophones. Car la langue française ne fait pas que s’inspirer des autres langues : elle sait aussi faire preuve de créativité !

Adulescent

Contraction des mots « adulte » et « adolescent ». Un adulescent, c’est grosso modo un adulte qui aurait raté la marche de la maturité, en continuant à se comporter comme un gamin de seize ans. En caricaturant : il dépense tout son salaire comme s’il s’agissait d’argent de poche, en figurines de manga, en city-trips ou en jeux vidéo ; vit toujours chez ses parents ou en colocation ; passe son dimanche à cuver les excès de la veille et papillonne sans jamais s’engager. De quoi agacer les parents qui, au même âge, avaient déjà acheté une maison et fait trois enfants. Sauf que la société a changé, et que ce comportement masque souvent une souffrance ou une difficulté à se projeter dans un avenir incertain. Pas si drôle, finalement. Les milieux publicitaires, en revanche, adorent cette catégorie de population hyperconsommatrice.

Avoir le seum

De l’arabe « summ », qui signifie « venin ». Avec une telle étymologie, on se doute que le terme ne fait pas référence à quelque chose de très positif... « Avoir le seum », c’est éprouver un mélange de colère, de tristesse, de jalousie, de rancœur, de dégoût, en partie ou tout à la fois. Rien que ça. La meilleure illustration du seum – celle qui a fait rentrer durablement le terme dans le langage courant dans notre pays  – est le sentiment qui a saisi les Belges à la gorge après la défaite des Diables Rouges face à la France lors de la demi-finale du Mondial 2018. C’est vrai, quoi, on méritait de gagner, les Français n’étaient pas fair-play et si Mbappé n’avait pas…  Oups, ça y est, j’ai le seum !

Banger

Parfois prononcé à l’anglaise, ou supposé comme tel (« Bèngueuw »), un « banger » est initialement un morceau de musique au rythme soutenu, avec de bonnes grosses basses, auquel il est difficile de résister sur le dancefloor. Par extension, un « banger » sert à qualifier quelque chose d’excellent ou qui « déchire », quelque chose de vraiment bien, donc. On cherche encore le rapport avec l’origine du mot, puisqu’en anglais, « banger » servait auparavant à nommer un vieux tacot ou… un vulgaire saucisse-purée (« banger and mash »).

BDH/BDG

On préfère vous prévenir d’emblée, ces sigles recouvrent des termes assez grossiers, mais puisqu’ils sont assez utilisés... Versions modernes de « chaudasse » et de « chaud lapin », une BDH est une « bandeuse d’hommes », tandis qu’un BDG est un « bandeur de gadji ». Sachant qu’une gadji est à l’origine un terme tsigane, servant à qualifier des femmes ou des filles extérieures à la communauté des gens du voyage. On vous avait prévenu, c’est pas joli-joli. Mieux vaut continuer à utiliser le sigle, finalement.

BFF

Encore un sigle, mais bien plus innocent cette fois. Un(e) BFF, c’est simplement un(e) « Best Friend Forever », un(e) meilleur(e) ami(e) pour toujours. Comme dans la phrase « On dirait qu’on serait meilleures amies pour toujours, qu’on se dirait toujours tout et qu’on ne se quitterait jamais ! ». Ça sent la licorne et la guimauve rose à plein nez, ça appelle forcément à de fortes désillusions dans le futur, mais c’est tellement plus mignon que BDH/BDG qu’on ne va pas faire la fine bouche.

Carré

Bien sûr, le terme « carré » existe depuis des siècles dans la langue française, mais il possède désormais une signification supplémentaire dans l’expression « C’est carré ». Celle-ci sert à exprimer l’accord ou l’approbation, et constitue une autre façon de dire « Ok » ou « ça roule ». Par ailleurs, si quelque chose est « carré », c’est que c’est bien compris, clair, parfait, cadré et/ou bien organisé. Un peu comme un carré, finalement. En tout cas davantage qu’un tridécagone irrégulier.

Charo

Diminutif de « charognard », un « charo » est un homme accumulant les conquêtes amoureuses, un dragueur compulsif, un coureur de jupons. Mais à la différence du « tombeur » autrefois tant admiré, le terme « charo » recouvre une connotation négative de séducteur sans scrupules. Enfin, vu l’origine du mot, on présume que vous l’aviez deviné.

Cringe

De l’anglais « to cringe », qui signifie « se recroqueviller de gêne ». On vous promet qu’on a essayé de trouver un maximum de termes positifs dans ce lexique, mais force est de constater que le langage ado laisse une belle place aux termes plutôt défavorables… Rien d’étonnant, quand on y réfléchit : l’adolescence est par essence l’âge du mal-être où l’on se cherche et où le regard des autres importe énormément. Quelque chose de cringe, c’est donc quelque chose d’embarrassant, de gênant, de malaisant. Oui, on peut dire « malaisant ». La preuve : le mot se trouve plus bas dans le lexique.

Dead ça (souvent précédé de « tu as » ou « j’ai »)

Avoir « dead ça » signifie avoir réussi brillamment, avoir bien géré une situation, avoir fait de son mieux. Si votre petit-fils vous lance un « Tu as dead ça ! », c’est donc un compliment positif : il est fier de vous, admire une de vos réussites. Pas la peine de le déshériter.

Débunker (verbe et substantif)

De l’anglais « debunker », qu’on pourrait traduire par « démystificateur ». A une époque où les fake news (infox, en bon français) pullulent en ligne, un débunker est une sorte de chevalier blanc parcourant sans relâche les réseaux sociaux et les sites plus ou moins fiables afin de rétablir la vérité. Sa tâche : « débunker » les supercheries et les fausses informations. Soit les mettre à nu et les contredire par des faits sourcés, vérifiés. Entre les ovnis, la propagande russe, les antivax… autant dire qu’il y a du boulot. Plus d’un y a d’ailleurs laissé sa santé mentale.

Être en PLS

La PLS, c’est la « position latérale de sécurité », un geste de premier secours visant à placer une personne inconsciente sur le côté, afin de dégager ses voies respiratoires et éviter l’étouffement. Sachant cela, vous vous doutez bien qu’ »être en PLS » n’est pas synonyme de bien-être et de félicité. Et de fait, cela signifie tout simplement ne pas se sentir bien, être tétanisé par la honte, au bord du malaise ou au bout du rouleau.

Flexitarien

Un flexitarien est une personne qui a fortement réduit sa consommation de viande et de poisson, sans pour autant y renoncer totalement. En d’autres termes, il se nourrit au quotidien comme un végétarien (légumes, féculents, œufs, fromages…) en s’autorisant de temps à autre un petit écart (ou parfois un gros, comme une côte de bœuf au resto ou de la dinde à Noël). Cette réduction massive – mais pas totale – de consommation de produits carnés se fait généralement pour des raisons environnementales ou philosophiques. Finalement, ce régime alimentaire s’avère assez proche du régime alimentaire de nos ancêtres, pour qui la viande était loin d’être au menu tous les jours.

Goat

Aucun rapport avec une chèvre (goat, en anglais) : dans ce cas-ci G.O.A.T. est tout simplement l’acronyme de « Greatest Of All Time », soit « le meilleur de tous les temps ». À nouveau, pas besoin de déshériter votre petit-fils s’il affirme « qu’en tant que grand-père/grand-mère, vous êtes vraiment le/la goat. » Il ne vous compare pas à un vulgaire caprin odorant, mais vous complimente avec – à ses yeux – une véritable affection.

Gow (go)

De l’ivoirien « go » (femme, fille). Une gow n’est rien d’autre qu’une petite amie, sans connotation négative. Le terme peut aussi servir à désigner une jeune fille.

Mon Pain

Oui, le terme « pain » est aussi vieux que le français. C’est sa signification qui a récemment évolué chez les jeunes. « Un pain », c’est une personne qui nous plait physiquement, qui nous attire, qui nous fait « craquer ». Par extension, « mon pain » peut signifier le flirt du moment. De quoi ouvrir tout un horizon de créativité métaphorique, dont on vous laisse imaginer la signification : « aller à la boulangerie », « un pain perdu », « une brioche »… Ne vous étonnez donc pas si votre petite-fille ou votre petit-fils se pomponne et s’apprête longuement pour « aller chercher du pain ». Surtout un samedi soir. Le terme « pain » semble petit à petit remplacer le terme « crush », toujours bien présent, mais en perte de vitesse.

Malaisant

Mot-valise combinant « malaise » et « gênant », « malaisant » est un adjectif décrivant une situation ou une parole embarrassante, qui met mal à l’aise. En règle générale, tout parent d’ado actuel a déjà été qualifié de « malaisant » par sa joyeuse progéniture. Surtout s’il continue à déposer son enfant juste devant l’entrée de l’école, avant de le gratifier d’un bisou sonore sur le front. Besoin d’utiliser ce terme sous la forme d’un nom commun ? Préférez alors le terme « gênance ».  

PNJ

Initialement, dans les jeux de rôle, un PNJ est un « personnage non joueur », soit un personnage contrôlé par l’ordinateur ou par le maître du jeu. Soit un figurant, quelqu’un qui ne prend pas réellement part à l’action. Être qualifié de PNJ, c’est donc faire partie du décor, en arrière-plan, être sans originalité, suivre le mouvement sans faire preuve d’initiative ou de spontanéité. Autant dire que ce n’est pas vraiment un compliment…

Wesh

De l’arabe algérien « Wech rak », « comment ça va ? ». Balancé à toutes les sauces, à tort et à travers, « wesh » regroupe quantité de significations possibles, suivant les intonations. Placé en début de phrase, il peut avoir un rôle d’exclamation, ou de renforçatif linguistique : il sert alors à capter l’attention, à renforcer l’énoncé, à camper le locuteur. Exemple : « Wesh, frère, il m’est arrivé un truc trop chelou hier ! ». Il peut aussi marquer l’étonnement, la surprise. Exemple : « Frère, il m’est arrivé un truc trop chelou hier ! » « Wesh !? ». Il peut aussi marquer l’interrogation (« Qu’est-ce qu’il y a ? »). Exemple : « Frère, il m’est arrivé un truc trop chelou hier ! » « Wesh wesh ? ». Il peut aussi simplement servir à appeler quelqu’un en le saluant. Exemple : « Wesh ! ». Bref, wesh est un peu un mot joker, passe-partout, qui est devenu chez certains un véritable tic de langage. Et comment appelle-t-on une personne employant « wesh » constamment, à votre avis ? Un « wesh wesh », pardi !

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