grootvader met drie kleinkinderen spelen een spel kaarten.
L’adolescence, avec son lot de turbulences, met parfois la patience des grands-parents à l’épreuve. © Bahnmuller Frank

Rester connecté avec ses petits enfants: comment faire?

Comment garder un lien fort avec ses petits-enfants lorsqu’ils prennent peu à peu leur envol? Alfons Vansteenwegen, grand-père de 13 enfants et psychologue de formation, en est convaincu: ce sont les petits rituels qui font les grands liens.

Alfons Vansteenwegen, professeur de psychologie et thérapeute de couple, est un grand-père comblé. À 84 ans, il veille avec son épouse Maureen sur une tribu de 13 petits-enfants, âgés de 8 à 22 ans. Il partage ici son expérience et son regard tendre sur la transmission.

«Le contact étroit avec chacun d’eux s’est instauré dès la naissance, et c’est essentiel, commence-t-il. Les premières années jettent les bases d’un lien solide. Nous avons aussi la chance qu’ils habitent tous à proximité. Cela facilite les visites, mais cela exige aussi une vraie disponibilité. Nous avons toujours fait le choix de leur accorder du temps, quitte à mettre nos propres activités entre parenthèses.»

Des rituels et des souvenirs

Alfons se souvient comme si c’était hier des années où il sillonnait 3 écoles différentes à Louvain et à Bruxelles pour aller chercher les petits-enfants. «Nous avions même gardé une deuxième voiture rien que pour ces transports ! Et c’étaient de merveilleux moments de conversation. Les mercredis après-midi sont vite devenus une tradition : il arrivait que nous recevions 8 petits-enfants à la fois.»

Le plus beau, c’est de voir naître de vraies amitiés entre cousins.

Autre rituel devenu sacré entre les grands-parents et les petits-enfants: les séjours à la mer. «Deux fois par an, nous partons encore avec presque tous les petits-enfants pour 2 semaines complètes de vacances. Tout a commencé avec notre premier petit-fils, puis cela s’est étendu tout naturellement. Nous louons 2 appartements, et nous nous partageons les tâches avec Maureen : cuisiner,  encadrer, écouter… Ces moments de vie commune, du matin au soir, resserrent les liens d’une manière unique. C’est parfois épuisant, mais terriblement enrichissant. Et ce que je trouve le plus beau, c’est de voir naître de vraies amitiés entre cousins.»

Chaque lien est unique

Beaucoup de grands-parents redoutent de ne pas voir grandir leurs petits-enfants. «À la naissance de notre douzième petit-enfant, j’ai réalisé que je ne le verrais sans doute pas devenir adulte. J’ai donc voulu leur laisser un message, une trace qui aborde les grandes questions de la vie : la fidélité, la patience, la vérité, la satisfaction… Cela a pris la forme d’un petit livre de dialogues imaginaires avec Ella, notre petite-fille décédée à 9 ans après une longue maladie. »

Chaque jeune petit-enfant a reçu un exemplaire. «Je leur ai demandé de me dire, le mois prochain, ce qu’ils pensent de chaque thème, s’ils sont d’accord ou pas. C’est une manière simple d’ouvrir la discussion et de les amener à réfléchir. Peut-être cela inspirera-t-il d’autres grands-parents. Car parler, s’intéresser à leur univers et écouter sans juger, c’est là le cœur d’un lien solide.»

«Chaque petit-enfant est différent, donc chaque relation l’est aussi, souligne-t-il encore. Au-delà des conversations, faire des choses ensemble crée aussi du lien. Avec certains, j’ai écrit et illustré des histoires. D’autres préfèrent cuisiner ou bricoler. Ils savent que je marche 4 kilomètres chaque jour : ceux qui le souhaitent m’accompagnent. En réalité, nos activités s’accordent naturellement.»

Et à l’adolescence, comment garder ce lien?

L’adolescence, avec son lot de turbulences, met parfois la patience des grands-parents à l’épreuve. «C’est normal de voir les petits-enfants moins souvent à cette période : leur monde s’élargit, leurs priorités changent. Parfois, ils se heurtent à leurs parents, à l’école, ou vivent leurs premiers chagrins d’amour. Ce qui compte, c’est qu’ils sachent que notre porte reste ouverte. Nous sommes là quand ils ont besoin d’un refuge.»

Son rôle de grand-père diffère alors clairement de celui des parents. «Je peux être plus indulgent. Ils viennent parfois ici pour se confier. Il m’arrive ainsi d’agir comme médiateur entre eux et leurs parents, pour favoriser un peu plus de compréhension. Je n’impose jamais de conseils. Par mes questions, je les aide à trouver leurs propres solutions. Et c’est toujours un grand signe de confiance quand ils viennent me présenter leur premier amour. Cela prouve qu’ils savent qu’on est là pour les soutenir.»

Ce qui compte, c’est qu’ils sachent que notre porte reste ouverte.

En grandissant, les petits-enfants s’envolent vers leur propre vie. Le lien évolue, mais ne se rompt pas. «Il faut apprendre à rester proche… à distance. Autour de leurs 18 ans, j’invite chacun pour un dîner en tête-à-tête. Cela permet de se reconnecter, de parler de leurs projets, de leurs doutes, de leurs rêves. Ces moments d’échange sont très différents des réunions de famille. Récemment, un petit-fils m’a proposé une journée de marche rien que tous les deux, pour discuter de ce qui le tracassait. Ce fut un moment rare, précieux.»

Et de conclure, avec un sourire serein : «J’espère garder un lien aussi fort avec chacun d’eux. Mais on ne peut pas forcer les choses : il faut simplement rester ouvert».

Usage excessif du smartphone? Nos conseils

Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’UMons, a sorti un livre sur la manière d’opérer une douce cure de désintox numérique en famille (Moins d’écrans, plus de liens. Pour une déconnexion en famille et en douceur, aux éditions Racine). Il y explique comment quelques règles simples concernant l’utilisation des écrans permettent de préserver les liens et la complicité avec ses petits-enfants, sans passer pour un grand-parent ennuyeux.

Accompagner, pas bannir

Beaucoup de grands-parents expriment ce désarroi face à des petits-enfants ‘connectés en permanence’. Un constat d’autant plus déroutant quand un lien fort s’est tissé dès l’enfance. «C’est un fait, le smartphone a tendance à ‘atomiser’ les liens : on ne regarde plus ensemble, on ne commente plus, la conversation s’éteint, explique Bruno Humbeeck. Or, les grands-parents connaissent les bienfaits d’une vie sans écrans individuels et ont donc un rôle à jouer pour aider leurs petits-enfants à la déconnexion, pour retrouver une relation plus saine. Le danger serait de faire des écrans un ennemi à bannir en leur présence : le combat serait perdu d’avance. Le but va être d’éviter les abus, pas les écrans en soi.»

L’expert conseille une approche en douceur, dans laquelle le grand-parent cherche d’abord à s’intéresser à ce que ses petits-enfants font sur leur écran. «C’est ce qu’on appelle la pédagogie inversée : on leur demande ce qu’ils font sur leur smartphone, ce qu’ils aiment y faire. On laisse ainsi au petit-enfant le rôle d’expert. Partager l’écran le transforme en un espace d’échange, pas d’isolement.»

Une fois le dialogue ouvert, des règles peuvent être posées. «Il faut éviter les interdictions abruptes telles que ‘chez nous, pas d’écrans’ !, l’idéal est d’instaurer des moments déconnectés, bien balisés, comme ‘durant le repas, pas de téléphone’. Ce type de règles fonctionne souvent mieux chez les grands-parents qu’avec les parents qui sont généralement pris dans leurs propres contradictions en reprochant à leurs enfants ce qu’ils font eux-mêmes. L’enfant comprend très bien que les règles changent selon les territoires.»

Un lien supplémentaire

Mais même en promouvant un usage raisonné du smartphone, le grand-parent ne risque-t-il pas de braquer ses petits-enfants ? Bruno Humbeek se veut ici rassurant. «La génération née après 2010, parfois appelée génération de verre, a déjà souffert des méfaits de l’hyperconnexion, et beaucoup recherchent des espaces déconnectés. Ce qui compte, c’est le compromis : mettre en place des espaces déconnectés, et des moments où la connexion est possible.»

Cette non-diabolisation peut aussi faire du smartphone un lien entre générations, via des messageries telles que WhatsApp. «Les enfants ont souvent besoin d’un confident extérieur à leurs parents. Les grands-parents peuvent jouer ce rôle-là, en étant présents sans être envahissants. Un ‘je suis là, tu peux m’écrire quand tu veux’ peut créer de véritables espaces de confiance et de connivence.»

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