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Intéressant, le viager?

Une partie non négligeable des personnes qui choisissent de mettre leur bien en viager le font pour des raisons économiques. Pour d’autres, qui n’ont pas d’enfants, le viager peut être envisagé comme un moyen de planification successorale.

L’immobilier est le quatrième pilier de pension des Belges, et la rente viagère s’inscrit dans cette optique. Entretien avec Alexandre Gelfged (Viagerbel), expert immobilier spécialisé.

Quel est l’intérêt d’une rente viagère?

Il varie selon chaque situation. Car le viager, au final, ce n’est qu’un contrat entre deux parties. On couche sur le papier ce qu’on désire comme accord même s’il y a des usages en Belgique. Il existe plusieurs types de viagers: occupé, libre, mais aussi des alternatives comme la vente à terme libre et la vente à terme occupé. Sans oublier la vente de pleine propriété contre bail à vie. Mais pour recentrer le débat, disons qu’il y a essentiellement le viager occupé et le viager libre.

Et quelles sont les différences?

Le viager occupé, qui représente l’écrasante majorité des contrats, est une vente de nue-propriété avec réserve d’usufruit à vie. Cela signifie que la personne vend la propriété qui est nue, mais il garde les clés de l’habitation pour l’occuper ou la louer. C’est l’usufruit. Il existe aussi le viager libre, la vente de pleine propriété. On vend tout: la pleine propriété et l’usufruit. Dans les deux situations, le prix n’est pas payé en une fois. Il y a un bouquet et des rentes qui sont limitées dans le temps en Belgique, non par la loi, mais par les usages.

Un bouquet de 30.000€, une rente de 1.000€ par mois

Imaginons une personne de 75 ans, généralement une femme seule selon les statistiques, qui veut mettre son bien de 300.000€ de valeur vénale en viager. Combien va-t-elle toucher?

Le calcul va se baser sur une quinzaine de variables, dont le sexe, l’âge, les statistiques de l’espérance de vie... On va y intégrer d’autres paramètres comme l’inflation, les taux OLO (obligation linéaires) à 10 ans, 15 ans, etc. L’espérance de vie d’une femme née en 1948 sera statistiquement de 14 ans. Mais on conseillera une durée de 15 ans pour un viager occupé.

Le calcul donnera un bouquet de l’ordre de 30.000€ (10%) et une rente mensuelle d’environ 1.000€ par mois. Sauf exception, cette rente sera indexée sur l’indice des prix à la consommation afin de compenser l’inflation. Si la personne n’est pas décédée après 15 ans, elle pourra rester à vie dans sa maison sans payer de loyer. C’est aussi important de le souligner. Car si vous tombez sur une doyenne de l’humanité, vous n’entrerez pas de sitôt dans votre habitation qui ne vous rapportera rien en attendant.

C’est donc fini, les rentes à vie?

Oui, il n’y a plus d’arrière-pensées à la Jeanne Calment. Cette doyenne de l’humanité qui est morte à l’âge de 122 ans. Mais à ses 90 ans, sans héritier, elle avait décidé de vendre son appartement en viager à un notaire de 47 ans qui est décédé avant elle! Aujourd’hui, le viager est essentiellement un placement pour le débirentier, soit l’acquéreur d’un bien immobilier vendu en viager. Et c’est un moyen rassurant pour le crédirentier (le vendeur) de rester dans ses murs tout en ayant des revenus mensuels supérieurs.

La première raison qui pousse les gens à vouloir bénéficier d’une rente viagère c’est...

Cela fait plus de vingt-cinq ans que je suis dans le métier et j’observe qu’aujourd’hui environ 60% de viagers sont demandés par des personnes qui veulent augmenter leur pouvoir d’achat, car leur pension n’est pas ou plus assez élevée par rapport au coût de la vie. Ils n’avaient pas prévu de vivre aussi longtemps. Ils n’avaient pas souscrit d’assurances complémentaires, notamment pour les soins de santé. Ils se retrouvent à devoir payer des charges, des soins médicaux, ou tout simplement ils ont envie d’encore profiter de la vie et de garder un certain train de vie. Cela concerne tous les publics de pensionnés: ils ont été ouvriers, employés, cadres supérieurs... L’immense majorité de ces crédirentiers n’ont pas d’enfants. Donc, ils se disent qu’ils peuvent vendre leur bien tout en continuant à y habiter et ne rien changer à leurs habitudes. Ils deviennent rentiers tout en bénéficiant d’un cadre juridique sécurisant. Précision d’importance: tant la rente que le bouquet sont « net » d’impôts.

Le viager s’adresse à ceux qui recherchent un placement garanti, sans gestion.

Est-ce aussi un moyen de planification successorale?

Absolument, c’est le cas pour environ 30% des cas. Les crédirentiers n’ont pas nécessairement besoin d’argent, mais ils se disent qu’ils peuvent donner l’argent de leur bouquet à l’une ou l’autre personne qu’ils apprécient, mais qui n’est pas en ligne directe. Le viager est alors un instrument pour réduire l’impôt sur la succession. Enfin, et cela représente environ 10% des cas, le viager peut servir pour déshériter ses enfants, pour diverses raisons qui leur sont propres notamment quand il n’y a plus de contact. C’est tout à fait légal puisqu’il s’agit de vente immobilière. Et libre aux parents d’utiliser leur argent comme ils le désirent par la suite.

Quant à la durée de la rente, elle est désormais de quinze ans, non?

Il n’y a pas de règles en réalité, mais les personnes qui vendent en viager ont souvent entre 70 et 75 ans. La durée de la rente sera alors d’une quinzaine d’années. Nous travaillons avec les Statistiques du SPF Économie comme les banques et les compagnies d’assurances. En fonction de l’âge de la personne ou du couple (si le viager est sur deux têtes), l’âge, le sexe, on va noter que la personne a encore X années d’espérance de vie. On rectifie les données en sachant que les tableaux statistiques ont deux années de retard et qu’on vit plus longtemps qu’avant.

Viager, qui entretient le bien?

Les grosses réparations de l’habitation (structure du bien, étanchéité, etc.) sont à charge du nu-propriétaire. Mais ce dernier peut désormais exiger de l’usufruitier qu’il contribue proportionnellement aux frais des grosses réparation. Les petites réparations d’entretien (peintures et autres) qui doivent préserver la valeur du bien sont exclusivement à charge de l’usufruitier.

Et quel est l’intérêt d’acheter en viager?

L’actualité bancaire (Crédit Suisse, etc.) peut être anxiogène. Certains se demandent si ce n’est pas un coup de semonce avant une nouvelle crise bancaire. Il existe une méfiance envers le système financier. Idem pour les placements boursiers. Alors certains se disent: « J’ai trop d’argent en banque et il y a une inflation galopante. Si je laisse cet argent dormir, cela me coûte. » Le viager s’adresse à ceux qui recherchent un placement garanti, sans gestion. Le débirentier place son argent pour plus tard, dans l’immobilier en plus! Le tout est réglementé pour les deux parties. La loi veille notamment à ce que toutes les garanties soient prises pour ne pas exposer le vendeur à une éventuelle insolvabilité de l’acheteur.

Vendre et rester chez soi sans passer par le viager?

« On appelle ça une vente immobilière avec réserve d’usufruit. Il s’agit d’une technique pour vendre son bien tout en restant dans ses murs et sans passer par une vente viagère », analyse Pierre Tonon, agent et expert immobilier spécialisé en la matière. Pour lui, ce type de vente particulière permet de passer d’un régime fiscal de succession à un régime fiscal de donation mobilière bien plus avantageux.

La vente immobilière avec réserve d’usufruit? Il s’agit techniquement d’une transaction immobilière dans laquelle le vendeur cède la propriété d’un bien immobilier à un acheteur en se réservant le droit de continuer à habiter dans ce bien pour une période déterminée ou jusqu’à son décès. Ce droit d’habitation est énoncé dans l’acte de vente. En d’autres termes, le vendeur transfère la propriété du bien à l’acheteur, déduction faite de la valeur de l’usufruit, et conserve donc le droit d’y vivre pour une période convenue. Cela signifie que l’acheteur acquiert la pleine propriété du bien, mais ne peut pas y habiter tant que le vendeur exerce son droit d’habitation. Une fois que ce droit expire, généralement au décès du vendeur, l’acheteur peut prendre possession complète du bien et en jouir pleinement.

« C’est un type de vente qui s’adresse principalement à des gens qui n’ont pas d’enfants, poursuit Pierre Tonon. Elle intègre l’idée d’un viager (dans le sens de l’occupation du bien), mais le prix est payé en une seule fois dès le départ. Le vendeur va pouvoir disposer de cette somme d’argent immédiatement à la signature de l’acte authentique. Et il aura donc la libre jouissance ou la liberté de donation s’il le souhaite. Ce qui est un moyen d’éviter des droits de succession colossaux. À titre d’exemple, le régime des donations mobilières en région bruxelloise, quand il n’est pas en ligne directe, c’est du 7%. Les droits de succession seraient de 80% au-delà de 175.000€. » Mais attention le droit d’habitation pourrait ne pas être loué, tout dépend de ce qui se négocie entre le vendeur et l’acheteur.

« Enfin, conclut l’expert, l’acquéreur achète un bien dont il ne sait pas quand il aura la jouissance. » Quel est l’intérêt de l’acquéreur, le prix de sa patience? « Comme il est désavantagé, on va essayer de trouver un équilibre. C’est alors que débute une négociation sur la valeur de la nue-propriété et de l’usufruit. On va donner à l’usufruit une valeur plus importante qui va intervenir en dégrèvement du prix payé pour acquérir la propriété de ce bien immobilier (dégraissement de la valeur vénale du bien). Ici, il n’y a pas de règle, pas de tableau statistique, c’est un consensus entre deux parties qui doivent, chacune, y trouver leur intérêt. »

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