Toute articulation peut être touchée, mais le genou arrive largement en tête. © Getty Images

Arthrose: causes, douleurs, sport, traitements… Faut-il vraiment éviter de bouger?

PlusMagazine.be Rédaction en ligne

De plus en plus de Belges sont confrontés à l’arthrose. «Les patients pensent qu’ils ne doivent pas trop bouger, explique notamment la professeure de rhumatologie Margreet Kloppenburg. Au contraire, des muscles solides protègent les articulations.»

Pas moins d’un Belge sur deux souffrira un jour d’arthrose. Et ceux qui vivent suffisamment longtemps n’y échapperont même pas... Mais faut-il bouger quand on a de l’arthrose? Y a-t-il un risque que cela s’aggrave? Une experte en rhumatologie nous aide à faire le point.

Quelles sont les causes de l’arthrose?

La professeure de rhumatologie Margreet Kloppenburg étudie depuis des années les causes et le traitement de l’arthrose, et voit des patients au quotidien dans sa pratique. «Beaucoup de gens pensent qu’il s’agit d’usure, mais je trouve ce terme trompeur. L’arthrose n’est pas un simple processus d’usure, comme un vieux placard de cuisine dont les charnières grincent.

C’est une maladie de l’articulation elle-même. Quelque chose s’est produit – un stimulus mécanique, important ou minime – qui a endommagé l’articulation. Cela peut être une ancienne lésion du genou, mais aussi de microtraumatismes répétés durant des années. Le corps tente de réparer ces dommages, mais il n’y parvient pas parfaitement. L’ensemble de l’articulation se modifie : le cartilage s’amincit ou disparaît localement, l’os sous-jacent change, et parfois une légère inflammation apparaît. C’est ainsi que surviennent douleur, raideur et parfois gonflement. L’arthrose est donc un processus actif.»

Où apparaît-elle le plus souvent?

Le genou arrive largement en tête. Viennent ensuite les mains, puis les hanches. L’arthrose du gros orteil est aussi fréquente. En fait, toute articulation peut être touchée. Elle concerne aussi beaucoup plus souvent les femmes que les hommes. Et de nombreuses femmes développent des symptômes autour de la ménopause. Nous ignorons encore si — et quels — hormones jouent un rôle, mais c’est un axe important de recherche.

Comment développe-t-on l’athrose?

Le surpoids est l’un des plus grands facteurs de risque, surtout pour le genou. Et c’est logique : des kilos en trop exercent plus de pression sur les articulations. Mais le tissu adipeux fait plus que cela : il produit des substances qui favorisent les inflammations et perturbent l’équilibre de l’articulation. Les personnes en surpoids souffrent aussi plus souvent d’arthrose de la main, ce qui est sans rapport avec le poids du corps. Cela montre qu’il existe aussi un effet biochimique. Maigrir aide en réduisant la production de ces substances pro-inflammatoires.

Pourquoi l’arthrose augmente-t-elle aussi le risque de maladies cardiovasculaires?

Les personnes qui souffrent d’arthrose sont effectivement plus souvent touchées par ces maladies, et ce lien fait l’objet de nombreuses recherches. La question est de savoir si l’un provoque l’autre, ou s’il existe des mécanismes sous-jacents qui favorisent à la fois l’arthrose et les problèmes cardiaques. Certains facteurs de risque classiques, comme le surpoids, sont aussi plus fréquents chez les personnes souffrant d’arthrose. Et ces personnes sont souvent moins actives en raison de la douleur, ce qui augmente aussi le risque cardiovasculaire.

L’activité physique a-t-elle un rôle positif?

Bouger est extrêmement important, même si cela paraît contre-intuitif. Je tiens à ce que les gens comprennent que cette idée d’usure est fausse. Notre instinct nous dit d’éviter les mouvements, alors que des muscles forts protègent au contraire les articulations. La natation est excellente, et la marche, le vélo et la musculation légère conviennent aussi. Tout ce qui est ‘trop’ — trop lourd, trop intense, trop long — n’est pas idéal. L’essentiel est de choisir une activité qui plaît et qu’on peut maintenir. Beaucoup craignent d’abîmer leursarticulations en bougeant, mais c’est une idée reçue.

Quand faut-il consulter son médecin généraliste?

Lorsque les symptômes persistent ou s’aggravent, pour savoir ce qu’il se passe. Comprendre l’arthrose aide à mieux la gérer. Votre médecin peut élaborer avec vous un plan pour perdre du poids de manière adaptée, connaître les exercices appropriés ainsi que les aides ou dispositifs utiles. Et la kiné permet d’apprendre à bouger en toute sécurité et à ménager ses articulations.

L’alimentation joue-t-elle un rôle?

Il n’y a aucune preuve que certains aliments provoquent ou réduisent l’arthrose. L’important, c’est un poids sain : c’est la meilleure protection pour les articulations. Pour le reste, les conseils généraux s’appliquent : alimentation variée, limitation des produits ultra-transformés, et suffisamment de fruits et légumes.

«Un poids sain est la meilleure protection pour les articulations»

Et les compléments?

Beaucoup d’études ont été menées, mais les résultats sont décevants. La glucosamine, par exemple, n’a pas d’effet perceptible. Les recommandations officielles ne préconisent donc pas ces compléments. Mais chacun peut les essayer. Si on a l’impression que cela aide, c’est très bien.

Quels antalgiques sont efficaces et lesquels éviter?

Pour une douleur légère, le paracétamol est un médicament sûr et efficace, même s’il n’agit pas de la même manière chez tout le monde. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens — les AINS, comme l’ibuprofène ou le diclofénac — fonctionnent souvent mieux, mais présentent plus d’effets secondaires. On recommande donc de les utiliser seulement temporairement, lors des poussées douloureuses, et à condition qu’il n’y ait pas de contre-indication.

Une bonne alternative réside dans les crèmes et gels anti-inflammatoires. Dans des études contrôlées par placebo, ils se sont révélés très efficaces pour la main et le genou, avec moins d’effets secondaires en raison de leur action locale. Même les personnes qui ne peuvent pas prendre d’AINS par voie orale, comme certains patients cardiaques, peuvent souvent les utiliser sans danger après avis médical.

De nouveaux traitements sont-il développés?

Une technique intéressante est la distraction du genou, où l’on écarte temporairement l’articulation à l’aide de broches. Les premiers résultats sont prometteurs : la douleur diminue et le cartilage semble même se régénérer partiellement. C’est encore un traitement lourd, mais il permet de conserver son articulation. On étudie aussi des médicaments qui modulent les réactions inflammatoires, comme la colchicine et les inhibiteurs d’interleukines. Desrecherches portent aussi sur la thérapie génique et les traitements par cellules souches. Aucun de ces traitements ne s’est encore traduit par une thérapie largement applicable, mais cela évolue rapidement.

Et les médicaments contre le surpoids?

Les nouveaux médicaments — les agonistes du GLP-1, connus via Ozempic — sont très intéressants. Certaines données suggèrent qu’ils n’aident pas seulement à perdre du poids. Ils ont aussi un effet bénéfique direct sur les articulations. Une étude teste leur injection directe dans l’articulation. Nous en entendrons beaucoup parler dans les prochaines années.

Quel rôle joue l’intelligence artificielle dans la recherche?

Nous collectons d’énormes quantités de données : IRM, analyses sanguines, informations génétiques… L’IA permet de combiner ces données pour identifier plus rapidement des schémas. Un grand projet européen, PROBE, y travaille activement. L’objectif final est de personnaliser les traitements : ne plus considérer l’arthrose comme une seule maladie, mais déterminer précisément le type d’arthrose de chaque individu et proposer un traitement sur mesure.

Texte: Franca van Dalen

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