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Le sans alcool décolle !

Le thé devient-il le nouveau vin et l’eau la nouvelle bière ? Oui, on peut désormais faire la fête sans alcool sans passer pour un bonnet de nuit ! Car les alternatives sont de plus en plus et diversifiées...

Les alternatives à l’alcool sont de plus en plus nombreuses : bières et vins peu ou pas alcoolisés, erzats de gin, mocktails, sessions cocktails (contenant peu d’alcool), thés, infusions et eaux aromatisées.  » La tendance est apparue il y a une dizaine d’années et se répand à travers le monde occidental, du Dry January apprécié des Anglais, jusqu’aux raves sans alcool aux Etats-Unis, analyse Herman Konings, chasseur de tendances. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène typiquement belge, même s’il a connu une belle accélération, chez nous, depuis la création de Tournée Minérale (un mois sans alcool, en février) « .

Ceci dit, les boissons festives non alcoolisées ne datent pas d’hier. La différence, c’est que jusqu’à présent, elles n’avaient que très peu de succès.  » C’est exact, mais cela tenait beaucoup au goût et à l’image de ces boissons. L’offre se limitait à des boissons très sucrées, comme le classique virgin mojito, à des jus de fruits et des mousseux trop doux. Les adultes n’étaient pas franchement séduits, notamment parce que tout cela leur évoquait trop les mousseux pour enfants. Grâce aux progrès scientifiques et technologiques, notamment les procédés de distillation, les choses ont évolué.

On voit apparaître de plus en plus d’alternatives tout à fait valables, entre autres pour le gin, le vin et la bière. Leur saveur se rapproche souvent de leurs cousins alcoolisés, au point de s’y tromper. C’est ce qui est apparu lors des tests consommateurs menés par Crodino, un apéritif italien que les testeurs auraient juré être alcoolisé. « 

Un défi technologique

Le défi technologique n’est pourtant pas mince, puisque l’alcool fait partie intégrante des saveurs recherchées dans les boissons alcoolisées.  » Il participe à l’équilibre d’un vin, et plus encore d’un vin blanc, confirme Fabrizzio Buccela, directeur de l’école de dégustation Inter Wine & Dine, chroniqueur et spécialiste du vin et de la bière. C’est lui qui va donner le gras, la rondeur, et qui va contrebalancer l’acidité. Un peu comme le sucre dans un dessert au citron. D’ailleurs, l’alcool vient du sucre... « 

Un vin désalcoolisé – qui, pour pouvoir être appelé de la sorte, doit nécessairement être du vin dont on a retiré l’éthanol – n’est donc jamais très bon au départ.  » Il faut remodeler le produit pour pallier à l’absence d’alcool : on y ajoute du sucre, du glycérol, des tanins...  » Le problème se pose moins avec les bières légères de type  » pils « , pour lesquelles l’éthanol joue un rôle gustatif moindre : son absence est plus facile à masquer au palais.

Mais au final, pour les professionnels, les résultats s’avèrent-ils vraiment convaincants ?  » Nous avons fait le test avec des étudiants en oenologie (vin) et en zythologie (bière), répond Fabrizzio Buccela. Dégustées en compagnie d’autres vins ou bières, les boissons sans d’alcool sont difficiles à repérer.  » Mais de là à dire qu’il est possible d’obtenir de grands vins sans alcool...

 » Ce sont des vins très courts, puisque la persistance aromatique intense [la  » longueur « , ndlr] d’un vin est justement due à l’alcool. Et puis il manquera toujours cette petite sensation de chaleur, ce léger brûlant lors de la première gorgée... « 

Le sans alcool décolle !
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Un thé, s’il vous plaît !

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le vin de demain pourrait fort bien être... le thé ! Cette boisson se taille lentement mais sûrement une place de choix à table, pour accompagner toutes sortes de mets. C’est qu’il ne manque ni d’atouts, ni de variété au rayon goût ! Le thé est un vrai caméléon, qui s’accommode avec tout.

En Chine, au Japon et en Inde, le thé accompagne les repas depuis toujours. C’est également le cas en Grande Bretagne, où son usage est entré de longue date dans le vocabulaire.  » Le high tea indique un repas pris en début de soirée et arrosé de thé. Le thé peut être comparé à du vin à bien des égards, assure Jess Van Humbeeck, sommelier en thés qui propose des accords mets-thés pour plusieurs grands restaurants. Le Camellia Sinensis se décline dans une palette de saveurs aussi large et complexe que celle des cépages. Ici aussi, le terroir, le climat et la récolte des feuilles de thé sont déterminants, puisqu’ils varient d’année en année. Il est donc possible de marier n’importe quel plat avec du thé, une tisane ou une infusion. On peut déguster le thé chaud, tiède ou froid. S’il est servi dans de jolis verres à vin, l’expérience sera totale. « 

Pour que cet accord fonctionne, il faut respecter quelques principes de base. D’une manière générale, le thé vert accompagne les mets traditionnellement servis avec du vin blanc : poissons, fruits de mer et volaille. Un thé noir, lui, remplace le vin rouge avec les viandes et les gibiers.  » Il faut également tenir compte des ingrédients spécifiques. Le thé ne doit surtout pas prendre le dessus sur le plat ou inversement. Ils doivent se révéler mutuellement. Pour cela, trois règles : chercher la correspondance des notes et des saveurs, sélectionner des saveurs proches qui vont se renforcer ou choisir des saveurs opposées pour créer un mariage explosif.

On peut même envisager des soirées fromages et thés ! Cela donne des associations extraordinaires, car le thé est, lui aussi, riche en tannins et il a de l’astringence. Le glühtee, un Masala Chai agrémenté de jus de pomme frais, de miel et d’anis étoilé est une excellente alternative au célèbre glühwein. On peut aussi terminer le repas avec un Pu-erh, un thé fermenté souvent âgé de dix à vingt ans, à la saveur douce et qui constitue un excellent digestif. « 

Comme les vins, les thés présentent des qualités et des prix très variables.  » Le thé en feuilles est nettement meilleur que les sachets prêts à l’emploi, car il a plus de profondeur et de complexité. A privilégier en tout cas pour un repas de fête. « 

La carte des eaux ?

L’eau, la boisson pure et simple par excellence, est en train de gagner ses lettres de noblesse, chez soi comme dans l’horeca, où des sommeliers spécialisés en eaux proposent une carte variée et des accords bien pensés. Depuis deux ans, un restaurant sur deux l’a constaté : les clients commandent nettement plus de bouteilles d’eau qu’auparavant. Bien souvent, le restaurateur propose au moins trois marques différentes pour accompagner ses menus et ses plats à la carte.

A cela s’ajoutent des eaux fruitées ou aromatisées. Ce succès n’est pas dû qu’aux campagnes Bob mais aussi au fait que les eaux affirment de plus en plus leur spécificité.  » Les différences sont très nettes. Il suffit de goûter une eau de Spa, une Wattwiller des Vosges ou une Voss norvégienne pour s’en convaincre. L’eau révèle les saveurs d’un plat mais elle peut aussi les modifier. On équilibre les saveurs en servant une eau plutôt riche en sodium, comme la Vichy Célestins, avec un plat pauvre en sel. Une eau riche en magnésium peut réveiller un chocolat noir et les bulles peuvent élargir le champ des saveurs d’un plat, détaille Erwin Decabooter, sommelier en eaux pour le restaurant Sophie’s Choice qui propose une carte de 15 eaux. Les eaux doivent leur saveur principalement à leur teneur en minéraux mais aussi au fait qu’elles sont plates, naturellement pétillantes ou gazéifiées. Le plus important pour un accord réussi, c’est le moment où on sert l’eau. A l’apéritif, il faut une eau gazeuse qui ouvre l’appétit. A mesure que le repas avance, on adapte le choix des eaux : pétillante, légèrement pétillante, puis perlante et enfin plate ou légèrement salée pour faciliter la digestion. « 

Les cocktails ou les eaux aromatisées maison accompagnent également toutes sortes de plats, et pas seulement en été, autour du barbecue. Il suffit d’ajouter dans une carafe des fruits, des herbes ou des épices, et de laisser infuser. Idéal pour ceux qui ont envie d’expérimenter et d’ajouter une note esthétique à l’eau servie à table.

Le sans alcool décolle !
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L’influence d’instagram

Les eaux infusées trouvent également leur place à table. Une jolie façon de casser leur côté monotone ? Agrémenter sa carafe d’eau ou son eau pétillante maison avec des morceaux de fruits, des herbes et des aromates à laisser infuser. C’est fou le nombre de livres de recettes et d’astuces qu’on trouve pour s’inspirer ! Parmi les valeurs sûres épinglons les rondelles de concombre, les quartiers de citron, les feuilles de menthe, les myrtilles, le pamplemousse, la pastèque et les cranberries. Tout est possible, ou presque. L’eau prend une petite saveur sucrée, sans les calories. Du coup, même les experts en nutrition n’y trouvent rien à redire. D’autant que ces eaux sont photogéniques présentées dans une jolie carafe ou une fontaine à eau. Instagram et Pinterest en regorgent. On en trouve aussi en grande surface. Les gros producteurs d’eaux en bouteille surfent sur la tendance et proposent de plus en plus de déclinaisons d’eaux fruitées. Les laboratoires du goût de géants tels que Coca Cola suivent la tendance de près, histoire de coller aux envies du moment.

Autre phénomène dans le vent : les jus maison à base de fruits et d’aromates, et surtout de légumes. En témoigne le succès des slowjuicers, les extracteurs de jus. Leur fonctionnement plus lent et plus respectueux des aliments permet d’obtenir un jus plus riche en fibres, en vitamines et en minéraux qu’avec une centrifugeuse classique. Les jus qui en sortent ont plus de corps, presque de la  » mâche  » et se conservent mieux au réfrigérateur. Les audacieux se lanceront carrément dans les boissons fermentées.

Certains grands restaurants n’hésitent pas à servir des boissons à base de bactéries vivantes et de levures auxquelles on ajoute des légumes et des épices. Chez soi aussi, on peut réaliser ce type de boisson. L’ingrédient le plus hype du moment est le kombucha, à base de thé fermenté. Il figure déjà sur de nombreuses cartes. Sa saveur surette en fait l’accompagnement idéal des salades et des pizzas. Idem en ce qui concerne l’eau de kéfir. Comme son nom l’indique, cette eau est additionnée de grains de kéfir, de fruits et de sucre, avant de subir un processus de fermentation. On tient là une belle alternative aux sodas et aux jus classiques, avec en bonus de bons probiotiques.

Les 20 à 30 ans pensent santé

Ce ne sont donc pas les alternatives gourmandes qui manquent. Mais comment expliquer le fait qu’on soit de plus en plus enclin à passer outre la tradition de l’alcool, longtemps considéré comme un must sans lequel il n’y a pas de fête ou de soirée réussie ?  » C’est à rapprocher de la tendance healthy qui se généralise, répond Herman Konings. On jette un regard de plus en plus critique sur tout ce qu’on mange mais aussi ce qu’on boit. Paradoxalement, ce ne sont pas les quinquas qui embrayent le plus sur cette tendance mais les 20 à 30 ans. Parfaitement informés de l’impact de l’alimentation sur la santé, ils n’ont aucun mal à se passer d’alcool de temps à autre. J’y vois un paradoxe parce que dans ce groupe d’âge, on n’a en général encore aucun pépin de santé mais c’est par conviction qu’on décide de manger autrement – plus souvent végétarien – et de moins boire.

Les baby-boomers suivent la tendance, parfois sur les conseils de leur médecin qui leur recommande de diminuer le sucre et l’alcool. Mais tout le monde n’est pas aussi rigoureux. Seule une minorité bannit l’alcool. La plupart restent flexitariens, tant en matière de nourriture que de boisson. A cela s’ajoutent les articles dans la presse qui vantent les mérites des alternatives à l’alcool. Le thé et les eaux aromatisées se sont défaits de leur image baba cool pour devenir une vraie hype. « 

En ira-t-il de l’alcool comme de la cigarette ?  » On peut, en effet, comparer les deux phénomènes. C’est une tendance appelée à fluctuer mais l’époque où quasi tout le monde fumait est bien révolue. Il en sera bientôt de même pour l’alcool. Les raisons sont évidentes : les jeunes générations sont mieux informées des effets néfastes pour la santé à long terme, effets désormais bien visibles. Ce n’était pas le cas pour les babyboomers. Nous avons grandi entourés de films et d’émissions télé où tout le monde fumait et buvait. « 

Les sodas : de véritables expériences...

Rappelez-vous du rayon boissons au supermarché, il y a une vingtaine d’années : à part l’eau et l’alcool, on n’y trouvait que quelques jus basiques,  » à base de concentré « , quelques grandes marques de sodas et de colas, ainsi que leurs équivalents premier prix.  » Des produits très sucrés, souvent connotés comme étant destinés aux enfants, rappelle Christophe Sancy, rédacteur en chef du magazine Gondola, spécialisé dans le secteur de la distribution. Mais ces cinq dernières années, le rayon des boissons non-alcoolisées a connu davantage d’évolutions qu’en un demi-siècle : c’est aujourd’hui le secteur de la grande distribution le plus dynamique. « 

C’est que les désirs et les attentes des consommateurs ont changé : il y a d’abord eu un haro sur le sucre – d’où l’essor des boissons light -, puis une recherche de davantage de  » naturalité « .  » Une demande de produits plus adultes, plus sains, aux goût plus subtils, à l’aspect plus végétal a aussi fait son apparition.  » Un marché à saisir et passé initialement sous le radar des grandes marques, ce qui a permis l’émergence de quantités de start-up et de produits innovants. Le rayon soda s’est ainsi étoffé d’  » infusions  » pétillantes, de  » botanic drinks  » ou d’autres  » hydrolades « , autant de boissons aux goûts plus travaillés, faibles en calories, mettant en oeuvre des arômes plus exclusifs (géranium, fleur de sureau, rhubarbe...).  » L’idée ? Faire de la consommation de ces boissons un moment de plaisir, une expérience de consommation. « 

Les grandes marques tentent désormais de prendre le train en marche et se réorganisent : on peut donc encore s’attendre pas mal de nouveautés au rayon soda ! Sans parler des eaux aromatisées, appelées elles aussi à un bel avenir...

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