
Inflation: adoptez la bonne stratégie pour sauver votre épargne
Un compte d’épargne ne suffit plus. Il faut ouvrir ses horizons pour préserver son capital en période d’inflation. Flex invest plan ou épargne fiscalisée, on vous explique comment adapter votre stratégie selon vos objectifs et votre profil.
Imaginez la scène: un banquier pose devant vous trois billets: 5€, 10€ et 20€. Lequel prenez-vous? Comme tout le monde, vous optez pour le billet de 20€. Logique. Sauf qu’en laissant votre argent dormir sur un compte d’épargne, vous prenez en réalité le billet de 5€. Une image pour illustrer un phénomène invisible, mais bien réel: l’érosion de votre argent par l’inflation.
Chaque année, votre épargne perd un peu de sa valeur, grignotée par la hausse des prix. Pour mesurer concrètement l’impact de l’inflation sur votre épargne, un outil simple existe: le calculateur d’inflation disponible sur le site Wikifin.be. Il vous permet d’estimer la perte de valeur de votre argent au fil des ans. À titre indicatif, l’inflation annuelle moyenne en Belgique oscille autour de 2% depuis le milieu des années 80, malgré des variations parfois marquées à la hausse ou à la baisse. Même avec une inflation «modérée» de 2 %, les effets sur votre pouvoir d’achat à long terme sont loin d’être négligeables. Résultat, 10.000€ ne vaudront plus que 8.204€ dans dix ans, et 6.730€ dans vingt ans alors que vous n’avez rien dépensé. Alors, comment protéger vos économies de ce lent appauvrissement masqué?
Adieu les rendements faciles
Il y a encore deux ans, le paysage financier était radicalement différent. Les taux d’intérêt étaient très bas, parfois même négatifs. Pourtant, même dans ce contexte, il existait déjà des alternatives plus intéressantes que le simple compte d’épargne, comme les comptes à terme ou d’autres instruments à rendement un peu plus élevé.
Les assureurs proposent plusieurs profils de fonds, allant du défensif au très dynamique.
À l’époque, certaines solutions à courte échéance, sur 6, 12 ou 18 mois, permettaient de «verrouiller» un capital dans des conditions relativement attractives. Mais depuis, le marché a basculé. Les taux ont chuté à nouveau, et les opportunités de ce type se sont raréfiées. Aujourd’hui, miser uniquement sur son compte d’épargne revient à se bercer d’illusions. Le rendement est trop faible pour compenser la perte de valeur liée à l’inflation.
Option 1. Investir régulièrement
«En matière d’argent, ne rien faire est la pire des décisions, avance Thomas Ruelle, directeur personal banking chez ING et trop d’épargnants l’apprennent à leurs dépens, souvent trop tard. Si on comprend cela, alors même un simple ordre permanent pour un investissement mensuel, c’est déjà un énorme pas en avant. Peu importe le montant. Ce qui compte, c’est la régularité. Pourquoi? Parce que l’investissement périodique permet de lisser le prix d’achat dans le temps. Concrètement, vous évitez d’acheter toujours au plus haut ou de paniquer au plus bas.
Le mythe du market timing
Si les marchés boursiers vous tentent pour combattre l’inflation, attention... «Beaucoup pensent qu’il suffit d’acheter au bon moment et de vendre juste avant que ça ne chute, poursuit Thomas Ruelle. Une belle idée, mais irréaliste. Le market timing n’existe pas. Personne ne peut, de façon répétée et sur le long terme, acheter avant une hausse et vendre avant une baisse. C’est la base de ce qu’on appelle l’hypothèse des marchés efficients: toutes les informations disponibles sont déjà intégrées dans les prix. Autrement dit, le moment idéal pour investir, c’est maintenant. Et le refaire régulièrement est souvent la meilleure stratégie.»
Lisser les risques, gagner en sérénité
«Prenons un exemple, développe l’expert, vous investissez aujourd’hui, les marchés baissent demain? Pas grave: vous restez investi. Le mois suivant, vous réinvestissez à un meilleur prix. Et quand les marchés repartent, votre portefeuille en profite pleinement. Ce mécanisme simple permet d’entrer progressivement sur les marchés, sans chercher à anticiper leurs mouvements. De nombreuses études le prouvent: sur le long terme, investir de manière régulière, même de petits montants, surpasse souvent l’investissement unique. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait. Quel que soit l’actif ou la période analysée, l’investissement périodique ressort très souvent gagnant. En somme, inutile d’attendre le moment parfait pour investir. Il ne viendra jamais. Mais démarrer, même modestement, peut tout changer.»
Qu’est-ce qu’un investissement flex-invest ?
«Le flex invest plan (FIP), proposé par la plupart des banques, permet d’investir automatiquement dans un ou plusieurs fonds (jusqu’à cinq) selon un montant et une périodicité choisis, explique Marinka Vangenck, media relations auprès de la banque Belfius. L’objectif? Constituer un capital sur le long terme, sans se soucier du bon moment pour investir. Cette approche s’adresse avant tout aux épargnants à la recherche de régularité, notamment ceux qui souhaitent préparer leur retraite. Grâce à la technique du «cost averaging», l’investisseur achète à des prix variables, ce qui limite les effets des fluctuations de marché.»
Concrètement, comment ça fonctionne? Vous choisissez un montant à investir chaque mois (par exemple, 30, 50 ou 100€), et ce montant est automatiquement prélevé de votre compte à date fixe pour être investi dans un ou plusieurs fonds sélectionnés. Pas besoin de vous en occuper chaque mois: c’est automatisé. À long terme, la force du FIP réside dans l’effet des intérêts composés. Imaginez une boule de neige qui dévale une pente. Les intérêts composés sont un concept puissant en finance où les intérêts que vous gagnez sur un capital initial sont réinvestis, et ces nouveaux intérêts génèrent à leur tour des intérêts supplémentaires.
Mais attention: comme tout investissement en fonds, il y a un risque de perte en capital. Ce n’est donc pas un produit garanti comme un compte d’épargne. Quant aux frais, ils varient entre 2% et 3,5%. Côté fiscalité: les revenus sont en général soumis à un précompte mobilier de 30%. Les plus-values restent exonérées pour les particuliers, sauf changement prévu en 2026 avec la future taxe de solidarité. Enfin, une taxe boursière s’applique à chaque transaction (jusqu’à 1,32 %). Mais à long terme, ces investissements ont historiquement tendance à offrir un meilleur rendement que l’épargne classique.
Vraiment intéressant ?
Oui et pour plusieurs raisons.
- Accessibilité: on peut commencer avec de très petits montants.
- Simplicité: vous n’avez pas à suivre les marchés ou à prendre des décisions fréquentes.
- Effet de lissage: comme vous investissez progressivement, vous achetez parfois quand les marchés sont hauts, parfois quand ils sont bas. Cela réduit le risque d’investir tout votre argent au mauvais moment.
- Souplesse: vous pouvez généralement arrêter, modifier ou suspendre votre plan à tout moment, sans frais.
L’expérience paie !
Alors que la guerre commerciale relancée par Donald Trump a fait faire les montagnes russes aux fortunes d’Elon Musk, Jeff Bezos ou encore Mark Zuckerberg, Warren Buffett, 94 ans, a su tirer son épingle du jeu. À l’heure où nous écrivons ces lignes, depuis janvier, sa fortune a grimpé de 19,2 milliards de dollars. Comment? En anticipant. Dès 2024, Buffett a vendu massivement des actions très exposées à la Chine, comme Apple ou Bank of America, accumulant 334 milliards de dollars en cash. Résultat: alors que les valeurs chutent, lui encaisse. Fidèle à sa stratégie de long terme, il mise désormais sur des secteurs plus résilients: assurances, services publics, chemins de fer. Une approche prudente, mais payante. Buffett montre qu’en temps de crise, l’expérience et la sagesse demeurent de solides remparts.
Option 2. Les épargnes fiscalisées
Quand on parle de préparer sa pension, on pense souvent à l’épargne-pension ou à l’épargne à long terme. Ces formules d’épargne fiscalisées peuvent jouer un rôle central dans une stratégie de placement, notamment pour lutter contre l’inflation. Il est souvent judicieux d’opter pour une stratégie plus prudente à quelques années du départ à la pension. Cela passe par des placements plus sûrs, comme un fonds mixte composé d’actions et d’obligations ou un produit à taux garanti (branche 21), qui permettent de sécuriser une partie du capital.
«La stratégie doit être adaptée à votre situation personnelle, explique Ruth Bosmans, manager product & portfolio management vie chez La Baloise. Nous recommandons donc toujours à nos clients de consulter un courtier, capable de proposer une approche sur mesure. En la matière, les produits fiscalisés comme l’épargne-pension et l’épargne à long terme ont également l’avantage de permettre une réduction d’impôt annuelle pouvant atteindre 30%, en plus d’une fiscalité favorable au moment de la récupération du capital. Pour en bénéficier, il faut toutefois respecter certaines conditions, notamment laisser les fonds investis jusqu’à votre 60e ou 65e anniversaire.»
Les formules 21 et 23
Le fonds d’épargne-pension (via une banque) investit directement en Bourse. Vous profitez alors du rendement du fonds, mais sans garantie de capital. Comme expliqué plus haut la solution du flex invest, est particulièrement pertinente. L’assurance épargne-pension et l’épargne à long terme (via une compagnie d’assurances) permettent d’opter soit pour un taux garanti (branche 21), soit pour un fonds d’investissement (branche 23), ou une combinaison des deux.
Attention! Comme tout investissement en fonds, il y a un risque de perte en capital.
La branche 21 vous offre un rendement garanti et la protection du capital. Ce type d’épargne est donc apprécié des profils prudents. Bonne nouvelle: ces dernières années, les taux garantis ont à nouveau progressé, ce qui leur permet dans certains cas de suivre, voire de rattraper l’inflation. À l’inverse, la branche 23 consiste à investir dans des fonds sans garantie de rendement. Elle s’adresse à ceux qui acceptent plus de volatilité en échange d’un rendement potentiellement supérieur. Les assureurs proposent en général plusieurs profils de fonds, allant du défensif au très dynamique.
Enfin, il est possible de combiner les deux dans une même police, via un contrat hybride. Cette formule offre à la fois la sécurité de la branche 21 et les perspectives de rendement de la branche 23. «En optant pour une épargne fiscalement avantageuse, vous pouvez non seulement faire croître vos économies, mais aussi profiter d’un levier fiscal intéressant, qui aide à atténuer l’effet de l’inflation», conclut Ruth Bosmans.
Demandez un meilleur rendement
Garder une réserve sur son compte d’épargne est une précaution de bon sens. Les experts recommandent de conserver l’équivalent de six mois de dépenses courantes pour faire face aux imprévus: panne de voiture, frais médicaux, perte d’emploi… Il arrive aussi qu’on veuille garder un capital disponible à court terme, par exemple pour acheter un bien immobilier. Dans ce cas, il ne faut pas investir cet argent. Il vaut mieux le placer sur des comptes d’épargne sûrs, même faiblement rémunérés.
Mais attention: ce n’est pas une raison pour accepter n’importe quel taux d’intérêt. Trop souvent, les épargnants laissent leur argent dormir sur des comptes qui rapportent très peu, faute d’avoir vérifié les conditions. Or, toutes les banques ne se valent pas. Prenons un exemple concret: chez BNP Paribas Fortis, le compte d’épargne classique affiche un taux global de 0,60 % (soit un taux de base de 0,40% et une prime de fidélité de 0,20%). Ce taux s’applique également aux comptes pour indépendants. Mais il existe des options plus rémunératrices: le Compte d’épargne Plus, par exemple, propose une prime de fidélité plus généreuse, à 1,00%, en plus d’un taux de base de 0,25% — soit 1,25% au total, sous conditions.
Moralité: surveiller régulièrement les taux et les conditions de votre compte d’épargne peut faire une vraie différence sur le long terme. Et surtout, n’hésitez pas à interpeller votre banque: demander un meilleur rendement pour votre argent, c’est gratuit… et c’est votre droit.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici