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Coupable d’un délit de fuite sans même le savoir

On associe souvent l’auteur d’un délit de fuite à un automobiliste qui heurte un autre usager et poursuit sa route sans s’arrêter. Mais on peut aussi se rendre coupable d’un tel délit sans même s’en rendre compte.

Si le délit de fuite semble écoeurant, c’est qu’il évoque l’image d’un cycliste laissé pour mort par un conducteur. Mais pas toujours... « J’ai reçu un coup de fil du commissariat, se souvient Ilse. Quelqu’un avait relevé la plaque d’immatriculation de ma voiture. Le conducteur, ma fille, avait heurté une voiture sans s’en rendre compte sur un parking. Le policier demandait qu’elle vienne au commissariat sous peine d’être accusée de délit de fuite avec une lourde sanction à la clé. J’étais effrayée. » L’histoire que raconte Michel semble, elle aussi, bien anodine: « J’avais provoqué une petite collision sans dommage apparent. La dame étant aussi pressée que moi, nous avions décidé d’en rester là. Mais par la suite, elle changé d’avis et porté plainte pour délit de fuite! »

« On commet un délit de fuite plus vite qu’on ne l’imagine, analyse Laura Liekens, avocate au bureau Dux I Law. Le cas le plus fréquent: vous heurtez un véhicule en quittant votre stationnement sans vous arrêter. Autre situation : vous emboutissez un poteau sur le domaine public. Ce genre d’incident doit impérativement être signalé à la police. »

Toujours rester sur place

Les délits de fuite auxquels les médias font le plus écho sont les plus graves mais aussi, fort heureusement, les moins fréquents: un automobiliste renverse quelqu’un, s’en rend parfaitement compte mais décide tout de même de poursuivre sa route. « D’un point de vue juridique, une double faute morale est requise pour qu’il soit question de délit de fuite », explique l’avocate. En premier lieu « savoir que l’on a causé ou occasionné un accident » et en second lieu « prendre la fuite pour échapper aux constations utiles » (circonstances de l’accident, ivresse, assurance). C’est ce que stipule l’article 33 de la loi de la circulation routière. Ce comportement est d’un autre ordre que celui imposé par l’article 52, paragraphe 2, dans le cas d’un accident n’ayant entraîné que des dommages matériels: rester sur place afin de faire en commun les constatations nécessaires ou, à défaut d’accord entre les parties, de permettre à un agent qualifié de procéder à ces constatations. « Il peut y avoir violation de cet article de la loi si l’une des parties, après avoir laissé ses coordonnées, reprend sa route sans attendre la police. La nuance est un peu difficile à saisir mais la différence est grande au niveau des sanctions. « Ne pas rester sur les lieux » est bien moins lourdement puni que fuir », souligne Laura Liekens.

Vous pouvez commettre un délit de fuite si vous n’avez pas causé l’accident, mais que vous quittez les lieux après l’avoir occasionné.

Vous pouvez également commettre un délit de fuite si vous n’avez pas vous-même causé l’accident mais que vous l’avez occasionné. Exemple: un piéton traverse inconsidérément la rue, obligeant une voiture à freiner brutalement ce qui entraîne une collision avec un autre véhicule. Ce piéton doit rester sur place.

« Le délit de fuite n’est pas ce que l’on appelle une négligence coupable, précise Laura Liekens. On confond souvent les deux quand, par exemple, l’automobiliste abandonne un cycliste gravement blessé. Vous êtes coupable de négligence grave si vous n’aidez pas une personne qui a besoin de secours, pour autant que vous ne mettiez pas votre vie ou celle d’autres personnes en danger. Le délit de fuite punit le citoyen impliqué dans un accident et qui, délibérément, ne reste pas sur les lieux. »

Accusé de délit de fuite?

« Il est vrai que Michel n’est pas resté sur les lieux mais il peut indiquer qu’il a échangé ses coordonnées avec l’autre partie en cause et, qu’ensemble, ils ont constaté qu’il n’y avait pas de dégâts », résume Laura Liekens. Et pour ce qui concerne la fille d’Ilse, devra-t-elle comparaître devant le tribunal de police? « Pas nécessairement. La police prendra sa déposition avant de transmettre le dossier complet au parquet du Procureur du Roi. Celui-ci ne limitera pas ses investigations au fait que la conductrice se soit ou non rendue compte de la collision et ait quitté les lieux. Mais il portera un regard plus général sur l’affaire: y a-t-il suffisamment d’éléments pour convoquer la fille d’Ilse? Si le procureur estime que les preuves sont insuffisantes, il classe l’affaire sans suite. Dans ce cas, elle n’aura pas à comparaître devant le tribunal de police et la procédure pénale sera terminée. L’aspect civil, c’est-à-dire l’éventuelle indemnisation des dommages, sera traité séparément. »

À qui s’adresser?

Lorsqu’un piéton ou un cycliste est blessé, la police est appelée. « Mais même s’il vous arrive de retrouver votre voiture cabossée dans un lieu public sans aucune trace du coupable, faire appel ou le signaler à la police est le meilleur réflexe, conseille Laura Liekens. Elle fera de son mieux pour le retrouver, notamment grâce aux images des caméras de surveillance. Signalez immédiatement l’incident et prenez vous-même des photos. »

Les sanctions

Il n’y a évidemment aucune commune mesure entre faire une bosse dans une voiture sans laisser sa carte de visite et s’enfuir après avoir blessé quelqu’un. Les peines sont-elles proportionnelles? « Absolument, confirme l’avocate. L’amende-plancher pour un délit de fuite est comprise entre 200 et 2.000 €, multipliés par 8 en tenant compte des décimes additionnels, et/ou une peine de prison de 15 jours à 6 mois. Mais si l’accident a causé des blessures à des tiers, l’amende est de 400 à 5.000 € (multipliés par 8) et/ou une peine de prison de 15 jours à 3 ans, assortie d’une interdiction de conduire d’au moins 3 mois. Pour récupérer son permis, il faut satisfaire à un examen psychologique et médical et également repasser le double examen de conduite, théorique et pratique. Si l’accident a eu des conséquences mortelles, la peine est plus sévère encore. »

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