Erreurs médicales: faites valoir vos droits
Toute la difficulté en tant que victime d’une erreur médicale, c’est qu’il vous appartiendra d’apporter la preuve que le professionnel de la santé a commis une erreur. Un long parcours du combattant pas toujours couronné de succès.
Errare humanum est, perseverare diabolicum ». L’erreur est humaine, persévérer (dans son erreur) est diabolique. Les médecins et le personnel médical demeurent des êtres humains, particulièrement quand ils sont soumis à pression, mais une erreur dans le domaine de la santé peut avoir des conséquences dramatiques. Il ne reste souvent à la victime qu’à demander des réparations financières, et c’est souvent une bien maigre consolation.
Les erreurs médicales demeurent un sujet délicat, mais plus vraiment tabou depuis la sortie, en 2019, du Dr Michel Bafort (AZ Alma Eeklo) qui affirmait « qu’elles entraînent plus de décès que les accidents de la route en Belgique. On estime désormais à 20.000 par an le nombre d’erreurs médicales, menant au décès de 2.000 patients. Ce serait même devenu la troisième cause de mortalité après les maladies cardiovasculaires et les cancers. Souvent, le préjudice fait suite à une intervention chirurgicale qui a mal tourné ou au moment de l’administration d’un médicament...
Après avoir recueilli plusieurs témoignages et confronté plusieurs sources, nous avons fait le point sur les erreurs médicales en répondant à dix questions .
1. C’est quoi une erreur médicale?
En Belgique, une erreur médicale est définie comme une faute commise par un professionnel de santé (médecin, infirmier, pharmacien, etc.) qui a conduit ou aurait pu conduire à un dommage pour le patient. Cela peut inclure des erreurs de diagnostic, des erreurs de traitement, des erreurs chirurgicales, des erreurs de prescription de médicaments, etc. Il est important de noter que pour qu’une erreur soit considérée comme une faute médicale, il doit y avoir une preuve que le professionnel de santé aurait dû savoir ou aurait pu savoir qu’une erreur était possible et qu’il n’a pas pris les mesures appropriées pour l’éviter.
Le médecin n’a pas commis de faute s’il a fourni les efforts « normaux » pour atteindre le résultat.
2. Comment prouver une erreur médicale?
En droit Belge, c’est à la victime à prouver la faute médicale et/ou le préjudice corporel. Elle doit apporter l’existence d’un dommage qui peut être d’ordre physique, psychologique et financier. Seuls les dommages consécutifs à l’erreur peuvent faire l’objet d’une indemnisation.
La preuve du préjudice corporel devrait idéalement être prouvée grâce à un rapport médical. La loi du 22/08/02 précise que le patient a droit à un dossier médical tenu à jour et conservé par son médecin. Il peut le consulter sur demande et le médecin dispose d’un délai de 15 jours pour lui adresser une copie. Exigez donc une copie de votre dossier médical, pour savoir quel dispensateur de soins a posé quel acte à quel moment. Les articles stipulent aussi que le patient a droit à un dossier soigneusement tenu à jour, ce qui n’est hélas pas toujours le cas, particulièrement après une erreur. Les seules personnes qui peuvent faire la demande du rapport sont le patient lui-même ou son représentant légal. Ou alors un parent proche s’il s’agit d’un patient décédé (époux, partenaire cohabitant légal, partenaire et parents jusqu’au 2e degré inclus).
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3. Obtenir son dossier médical, cela suffit-il?
Rarement. En réalité (même si cela dépend de l’étendue du préjudice corporel), il faudra souvent demander des expertises médicales amiables ou judiciaires complémentaires. Dans tous les cas de figure, conservez soigneusement toutes les correspondances: factures, lettres et e-mails. Vous aurez idéalement entre vos mains ou réclamé (ce qui est parfois compliqué, il est vrai) tous les documents pertinents: dossiers médicaux, résultats d’examens et notes de consultation. Et que faire si on vous refuse l’accès à des informations? Vous devez vous adresser au médiateur de l’hôpital pour obtenir de l’aide dans les demandes. Notons que ce médiateur reste un employé de l’institution même s’il fait preuve d’esprit d’indépendance. Une autre solution est de passer par un cabinet spécialisé dans les erreurs médicales. Les frais sont élevés. Il n’est pas rare de demander 500€ hors TVA juste pour une ouverture de dossier. Mais le jeu en vaut la chandelle quand les dommages sont importants.
Le top 5 des erreurs médicales
- Erreurs de diagnostic. Un médecin peut manquer de diagnostiquer une maladie ou une condition médicale, ou peut diagnostiquer de manière incorrecte.
- Erreurs de traitement. Un médecin peut prescrire un traitement inapproprié ou une dose incorrecte de médicaments.
- Erreurs chirurgicales. Une erreur peut se produire pendant une intervention chirurgicale, comme laisser des instruments chirurgicaux dans le corps.
- Erreurs liées aux soins de santé. Elles peuvent inclure des erreurs de dosage de médicaments, des erreurs d’hygiène, des erreurs de communication entre les professionnels de la santé, etc.
- Erreurs de suivi. Un manque de suivi approprié après une intervention médicale peut entraîner des complications graves.
4. Et après avoir obtenu ces informations, pourquoi fera- t-on la distinction entre obligation de moyens et de résultat?
Les médecins ont une obligation de moyens, mais pas de résultat. En clair, le médecin qui soigne un patient ne garantit pas sa guérison. Le médecin n’a pas commis de faute s’il a fourni les efforts « normaux » pour atteindre le résultat. Il s’est engagé à mettre en oeuvre ce que la médecine moderne lui donne comme moyens pour atteindre l’objectif, mais sans garantir qu’il l’atteindra. S’il est tenu par une obligation de moyens, le fait de ne pas obtenir la guérison du malade ne le rend pas responsable ou fautif.
Les médecins ont également une obligation de résultat, par exemple l’obligation d’opérer la bonne personne ou la bonne partie du corps comme opérer la bonne jambe, administrer la bonne injection, faire la bonne une radio, etc.
5. Pourquoi différencier ces deux obligations?
C’est bien entendu une question de preuve. « Si votre médecin avait une obligation de résultat (...) Il devra alors prouver une cause étrangère qui l’aurait empêché de fournir le résultat prévu. Si par contre, votre médecin avait une obligation de moyens, vous devez prouver que votre médecin n’a pas tout mis en oeuvre pour atteindre l’objectif. L’obligation de résultat facilite la preuve. Il est donc plus facile de prouver que votre médecin a commis une faute s’il avait une obligation de résultat. » (Soizic Van Geersdaele dans « Je me sens victime d’une faute médicale »)
6. Quelles sont les démarches à faire pour faire valoir ses droits?
Elle sont de l’ordre de trois: amiable, Fonds des accidents médicaux (FAM) et l’action en justice. En premier, le patient peut commencer par tenter de trouver un accord à l’amiable en s’adressant au médecin concerné ou au service de médiation de l’établissement hospitalier. Pour ce faire, il va adresser au dispensateur de soins une mise en demeure par courrier recommandé en lui proposant un règlement à l’amiable. Le médecin avertira sa compagnie d’assurance pour procéder à une procédure d’expertise amiable. Ensuite, un collège d’experts sera chargé d’analyser les causes et les conséquences du dommage. Sur base de ce rapport, si l’assureur conclut à une erreur du dispensateur de soins, une indemnisation sera négociée. Elle dépendra généralement de facteurs tels que les dommages physiques et émotionnels causés, les coûts médicaux et les frais de réadaptation nécessaires, les pertes de revenus...
87% des cas dans les hôpitaux
Selon le dernier rapport de l’Inami, c’est dans les hôpitaux que le plus grand nombre de dossiers d’accidents médicaux sont encodés (87% des cas). Les dossiers concernent en majorité:
- Les systèmes ostéoarticulaires: surtout colonne lombaire, hanche et genou. (35,9%),
- Le système digestif: surtout dossiers dentaires et chirurgie bariatrique destinée à lutter contre l’obésité (13,2%),
- L’appareil uro-génital (11,2%)
- Les problèmes cardiovasculaires (8%).
7. Qu’en est-il plus particulièrement du Fonds des accidents médicaux (FAM)?
Si ces démarches n’aboutissent pas ou que le résultat est insatisfaisant, le patient peut, en seconde et troisième démarche, adresser son dossier au Fonds des accidents médicaux et/ou intenter une action en justice. La victime a effectivement la possibilité de saisir le FAM. Elle doit remplir un formulaire d’ouverture de dossier. Cet organisme a théoriquement six mois pour rendre un avis et trois mois pour formuler une offre d’indemnisation. Dans les faits, les délais sont nettement plus longs (lire encadré ci-contre). Le Fonds désignera un expert apte à déterminer si la responsabilité du médecin est ou non engagée. Et si le Fonds conclut à une faute médicale, le dossier sera transmis à la compagnie d’assurance du médecin. La victime bénéficie ensuite de trois mois pour accepter l’offre. Mais attention, cette procédure n’est pas ouverte aux patients victimes d’opérations de chirurgie esthétique!
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8. Et pourquoi, troisième option, la procédure judiciaire n’est pas la meilleure voie à suivre?
Si le patient n’est pas d’accord avec la décision du Fonds, il pourra toujours intenter une action en justice avec les difficultés liées à la charge de la preuve. Vous pouvez donc intenter une action devant le tribunal civil en adressant une citation à comparaître. Vous êtes en droit de demander la nomination d’un expert qui sera chargé d’examiner votre demande. Cependant, la procédure judiciaire implique des expertises longues et coûteuses sans nécessairement aboutir à une indemnisation du préjudice s’il n’y a pas de preuve tangible.
On peut commencer par tenter de trouver un accord à l’amiable en s’adressant au médecin concerné.
En droit belge, en matière d’erreur médicale, rappelons que la victime a la charge de la preuve. Elle doit donc fournir toutes les preuves de la faute et du préjudice corporel par une expertise médicale. Si ce n’est pas le cas, aucune indemnisation ne lui sera accordée. Et en réalité, dans de nombreux de cas, même en se faisant aider, les victimes présumées d’erreurs médicales renoncent aux démarches judiciaires.
9. Qu’en est-il de l’indemnisation?
Elle doit résulter de la faute d’un prestataire de soins ou d’un accident sans faute. En clair, si le Fonds conclut qu’il y a faute/erreur médicale, le dossier sera envoyé à la compagnie d’assurances du médecin ou de l’hôpital qui aura quatre mois pour faire une offre et tenter de trouver un accord sur le montant de l’indemnisation. La victime aura deux mois pour y répondre.
Si le fonds reconnaît l’existence de dommages sans néanmoins dégager de responsabilité, c’est le principe de l’aléa thérapeutique, le dommage doit être anormal et suffisamment grave et correspondre à une liste de critères:
- Causer une invalidité permanente de 25%.
- Causer une incapacité de travail temporaire d’au moins 6 mois consécutifs ou non consécutifs sur une période de 12 mois.
- Causer le décès du patient.
- Perturber les conditions de vie du patient (incluant les perturbations d’ordre économique).
10. Est-il utile de porter plainte devant l’Ordre des Médecins?
Vous ne serez pas informé des suites données à votre plainte. Le Conseil se limitera à vous informer sur l’état d’avancement du traitement de la plainte. Le médecin incriminé devra, lui, s’expliquer devant ses pairs de l’Ordre, lesquels feront rapport à l’autorité de tutelle. Si une telle démarche peut mener à une sanction disciplinaire à l’égard du dispensateur de soins, elle ne donne droit à aucune une indemnisation de la victime. L’Ordre des Médecins est favorable à l’idée d’établir un point d’enregistrement national pour signaler les erreurs médicales. L’idée? Faire avancer la science et éviter, selon le vice-président de l’Ordre, « que les erreurs médicales ne soient camouflées comme il y a trente ans. On craignait alors que signaler une erreur soit vu par les assureurs comme une reconnaissance de culpabilité. » Et l’Ordre des Médecins de rappeler aussi « la fatigue des professionnels de la santé ou leurs mauvaises conditions de travail » qui provoquent ces erreurs.
85% des demandes rejetées!
Sarah était indépendante, mais après une opération, elle a dû changer de métier. « Il s’agissait d’une simple opération au pied, mais j’ai eu la mauvaise surprise de constater, quand le médecin a retiré le plâtre, que la cicatrice n’était pas au bon endroit! Il a fallu réopérer et j’ai perdu de précieux mois. Je n’ai pas encore été indemnisée. » En 2020, la Cour des comptes fustigeait la comptabilité du fonds des accidents médicaux. En dix ans d’existence, seuls 5% des dossiers avaient conduit à une indemnisation et... 85% des demandes étaient jugées sans fondement et rejetées! Aujourd’hui (les dernières statistiques datent de 2021), nous en sommes à 9%. Selon l’Inami, dans le total du montant versé aux victimes, 74% concernent l’indemnisation des victimes, le reste étant alloué aux expertises et frais d’avocats.
En 2020 toujours, le délai moyen pour traiter un dossier de victime était en moyenne de... cinq ans contre les six mois promis. Et il y avait 2.500 dossiers en attente. C’est pourquoi Frank Vandenbroucke, le ministre de la Santé a secoué le FAM lors de son entrée en fonction. Des millions ont été mis sur la table avec l’idée de boucler tous les dossiers en retard en 2023.
C’est le minimum auquel les victimes d’erreurs médicales devraient avoir droit. Elles méritent d’être respectées et de ne plus subir des délais irraisonnables qui en rajoutent à leur souffrance.
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