10 questions sur le foie: pourquoi il est essentiel de prendre soin de cet organe-clé

Les lésions du foie ne sont pas uniquement liées à une consommation excessive d’alcool. Notre mode de vie est aussi responsable de l’épidémie de stéatose hépatique qui touche les Belges.

Le foie nous débarrasse des substances toxiques, régule notre métabolisme, produit toutes sortes de substances utiles et est un pilier de notre système immunitaire. Mais alors que le cœur et le cerveau font l’objet de toutes les attentions, cet organe discret est un peu négligé. Sans compter qu’il circule pas mal d’idées fausses à son sujet.

1. Quels sont les problèmes hépatiques les plus fréquents?

Les causes les plus fréquentes d’une maladie du foie sont la stéatose hépatique non alcoolique (SHNA ou NASH en anglais) et les lésions hépatiques causées par la consommation d’alcool, analyse le Dr Sarah Raevens, hépatologue (UZ Gent). Dans le cas de l’alcool, il ne s’agit pas nécessairement d’alcooliques ou de buveurs excessifs. De nombreuses personnes boivent par habitude, pour se détendre, et comme elles continuent à fonctionner professionnellement et socialement, elles ne réalisent pas que leur consommation est excessive alors qu’il peut y avoir de sérieux dommages sans que ne se manifeste aucun symptôme. Dans certains cas, on ne les constate que lorsqu’une cirrhose s’est développée et est déjà irréversible.

Les virus, ceux de l’hépatite B et C par exemple, qui étaient autrefois les principales causes de lésions hépatiques, sont moins fréquents grâce à une plus grande conscientisation, à la vaccination et à l’amélioration des thérapies. Les excellents traitements développés contre l’hépatite C ont permis de quasiment la faire disparaître. Les maladies génétiques qui s’attaquent au foie sont plus rares, à l’exception de l’hémochromatose, qui provoque, via le sang, une accumulation toxique de fer dans l’organisme, notamment dans le foie et le pancréas, ce qui peut entraîner une cirrhose. Aujourd’hui, un bilan sanguin permet un dépistage précoce de la maladie qu’on traite par veinotomie (saignée).

2. Quelles sont les causes de la progression de la stéatose hépatique non alcoolique?

Dans la plupart des cas, c’est le mode de vie qui est à l’origine de maladies métaboliques typiques comme l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle ou l’excès de cholestérol. Si elles sont trop peu contrôlées, le risque d’évolution rapide d’une maladie du foie est plus élevé. Pour un petit groupe de personnes atteintes de stéatose hépatique mais qui ne souffrent pas d’obésité, ni de diabète ou d’autres maladies évoquées, le problème peut être génétique. Aujourd’hui, 20 à 25% de la population belge présentent une stéatose hépatique, dont 5 à 10% courent un risque élevé de développer une maladie grave comme la cirrhose. Dans le cas d’une cirrhose sévère avec complications où le foie ne peut plus remplir correctement sa fonction, le seul traitement possible est la transplantation. Aux États-Unis, la SHNA est la première cause de transplantation du foie et tous les indicateurs suggèrent que nous allons dans la même direction.

3. À quoi ressemble un foie gras?

Si on examine le foie au microscope, on peut observer l’accumulation de graisse qui se présente sous la forme de gouttelettes ou de petites boules blanches nichées au cœur des cellules saines. Un foie gras peut toutefois continuer à fonctionner normalement pendant des années, et on ne ressent donc aucun symptôme. Toute maladie chronique du foie, comme celle du foie gras, évolue en quatre phases: la première est l’inflammation des graisses, suivie de deux phases de fibrose au cours desquelles des cicatrices se forment sur le foie. Le stade final est la cirrhose, le foie est devenu plus petit et plus dur en raison de la cicatrisation. Jusqu’à ce stade final, on peut encore stopper le processus: il est possible d’inverser le stockage des graisses et même la formation de cicatrices en adaptant son mode de vie. Si on arrête totalement l’alcool, une fibrose hépatique peut guérir complètement. Le foie possède une puissante capacité d’auto-guérison.

Le foie gras est souvent lié à l’obésité, au diabète, à une tension et un taux de cholésterol trop élevés.

4. Que faire précisément pour guérir d’une stéatose hépatique?

La toute première chose à faire est de modifier son mode de vie, sans nécessairement tout bouleverser. Pour une personne en surpoids, perdre 5 à 10% de son poids permet déjà d’éliminer presque complètement l’accumulation de graisse. L’idéal est de combiner la perte de poids avec un minimum d’une demi-heure d’exercice d’intensité modérée trois fois par semaine, par exemple de la marche rapide. L’exercice physique permet également de lutter contre la résistance à l’insuline et de fortifier le métabolisme. Il est également conseillé de limiter sa consommation d’alcool à la quantité recommandée – 10 verres standards par semaine – et de ne pas boire tous les jours afin de donner aux cellules du foie, qui décomposent l’alcool, la possibilité de se rétablir. Il n’existe pas encore de traitement contre la stéatose hépatique, mais de nombreux médicaments sont en cours d’élaboration dans le monde entier et plusieurs études sont actuellement menées chez nous. Les médicaments utilisés en particulier contre le diabète, ont de bonnes chances de fonctionner également contre la stéatose hépatique. L’une des études en cours porte sur les effets de l’Ozempic sur la stéatose hépatique. D’ici cinq ans, nous pourrions disposer de médicaments efficaces… mais en combinaison avec un mode de vie sain.

5. Quels sont les symptômes d’un problème hépatique? Existe-t-il des signaux d’alarme?

Non. Dans plus de 90% des maladies du foie, il n’y a pas de symptômes spécifiques, de sorte que les dommages causés par l’accumulation de graisse ne sont souvent découverts que tardivement. En effet, ce n’est qu’à un stade déjà avancé qu’on peut observer des symptômes graves comme le gonflement des jambes et de l’abdomen dû à la rétention d’eau, la jaunisse, des états confusionnels ou des changements hormonaux chez l’homme. Il peut se passer vingt à trente ans avant qu’une stéatose hépatique se transforme en cirrhose ou en cancer. Ce n’est que dans certaines maladies auto-immunes du foie, notamment les problèmes des voies biliaires, qu’on observe à un stade précoce des symptômes spécifiques, démangeaisons, jaunisse ou fatigue. J’entends régulièrement des personnes décrire de manière convaincante que leur foie leur fait mal, mais c’est impossible car cet organe ne contient pas de récepteurs de la douleur. Il s’agit généralement d’une côte ou d’un muscle qui se trouve au-dessus du foie et qui est pincé, ou encore de douleurs coliques dues à la vésicule biliaire ou aux calculs biliaires.

6. Comment détecter les troubles hépatiques?

Une prise de sang permet d’analyser plusieurs paramètres révélateurs de problèmes hépatiques. Les modèles observés dans les tests hépatiques anormaux donnent généralement une bonne indication de la cause possible. Par exemple, un foie gras ne donne par les mêmes marqueurs dans le sang qu’un foie endommagé par une maladie auto-immune. On pratique alors une échographie du foie pour vérifier de visu: un foie gras est gris clair et souvent un peu plus gros, tandis qu’un foie plus petit peut indiquer une cirrhose. Pour déterminer le degré d’atteinte chronique, on procède à un fibroscan qui mesure la cicatrisation par ondes sonores.

7. Les 50 + ont-ils intérêt à faire contrôler leurs valeurs hépatiques?

Les hépatologues recommandent aux plus de 50 ans de faire contrôler chaque année leurs valeurs hépatiques ainsi que leur taux de cholestérol et de sucre. Cette simple mesure permet de détecter et de traiter beaucoup plus tôt la stéatose hépatique, les inflammations et les maladies auto-immunes. En cas de valeurs hépatiques anormales, une interprétation correcte est cruciale. En effet, de légères anomalies peuvent indiquer des symptômes graves, alors qu’à l’inverse, une cirrhose sévère peut également donner des valeurs hépatiques normales parce que l’inflammation s’est déjà éteinte.

L’une des études les plus prometteuses porte sur les effets de l’Ozempic sur la stéatose hépatique

8. Les médicaments peuvent également abîmer le foie. Quels sont ceux qui réclament de la prudence?

Comme tous les médicaments passent par le foie, tous peuvent, en principe, déclencher une réaction ou causer des dommages. En général, le foie se rétablit dès qu’on cesse la prise du médicament incriminé. Certains antibiotiques, antifongiques ou inhibiteurs de cholestérol présentent un risque plus élevé. L’utilisation à long terme de paracétamol peut également causer de graves dommages. Plus de 4 grammes par jour, en association ou non avec de l’alcool ou d’autres médicaments, suffisent à provoquer en très peu de temps une insuffisance hépatique aiguë. En fait, le foie n’arrive plus à convertir suffisamment de substances toxiques en substances non toxiques, ce qui signifie qu’il ne reste plus que des substances toxiques qui détruisent les cellules du foie. La fonction hépatique peut alors être détruite, ce qui met la vie en danger.

9. Les suppléments de vitamines aident-ils au bon fonctionnement du foie?

Il est préférable d’éviter les suppléments vitaminiques sans avoir préalablement vérifié d’éventuelles carences par une analyse sanguine. Certaines maladies peuvent être à l’origine de carences car elles entraînent une absorption insuffisante des nutriments. C’est par exemple le cas de l’intolérance au gluten, de la maladie de Crohn ou de l’inflammation chronique de l’estomac. Les végétaliens doivent également se montrer prudents. Mais il est rare que des habitudes de vie malsaines provoquent des carences. Dire des suppléments de vitamines que même s’ils n’aident pas ils ne font pas de mal n’est pas toujours vrai. Certaines préparations ou plantes issues du circuit alternatif, qu’on trouve en vente libre, peuvent contenir des substances susceptibles de provoquer des problèmes hépatiques. Il faut se méfier des produits vendus sur internet dont on ne sait souvent pas ce qu’ils contiennent exactement.

10. Quelle est l’utilité d’une cure détox?

On entend beaucoup parler de suppléments hors de prix destinés à désintoxiquer le foie pour qu’il fonctionne mieux. Je comprends que les gens veuillent y croire, mais c’est un non-sens et de l’argent jeté.

Si on examine bien ces prétendues études scientifiques, on s’aperçoit immédiatement que c’est du vent. Le foie n’a besoin d’aucune purification ni d’aucun repos. Il fait simplement son travail. Ce n’est que lorsqu’il est gravement endommagé, comme dans le cas d’une cirrhose, qu’il ne parvient plus à s’en acquitter. Le seul moyen efficace d’aider son foie est de manger sainement, de faire de l’exercice et d’arrêter l’alcool.