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25 questions pour respirer la santé

On aura rarement autant parlé de nos poumons que depuis le début de la pandémie du Covid-19 ! L’occasion de faire le point sur l’importance de cet organe vital.

Nous avons demandé au Dr Eef Vanderhelst, professeur de pneumologie, et à Filip Van Ginderdeuren, kinésithérapeute respiratoire, leurs conseils pour maintenir nos poumons et nos voies respiratoires en bonne santé. Et quand il convient de consulter. Ce qui nous amène bien sûr à évoquer le Covid-19.

LONGUE VIE AUX POUMONS

1. Est-ce que la capacité respiratoire s’altère avec le temps et si oui, comment s’en rendre compte ?

Pr Vanderhelst : La capacité respiratoire dépend de plusieurs facteurs, comme le sexe, la race, la taille et l’âge. Les poumons commencent à régresser lentement dès l’âge de 25 ans. L’efficacité de la respiration se mesure par la quantité d’air expiré en une seconde. Cette valeur baisse avec l’âge chez toute personne en bonne santé, mais plus encore chez les fumeurs ( jusqu’à huit fois plus). On remarque une diminution de la capacité respiratoire au fait qu’on a plus vite le souffle court. Au début, cela ne se produit qu’à l’effort, comme lorsqu’on grimpe un escalier à vive allure, mais par la suite il suffit d’un effort plus léger, par exemple se pencher pour nouer ses lacets, manger ou parler.

2. Quels sont les symptômes qui doivent amener à faire contrôler sa capacité respiratoire ?

Il faut faire tester ses poumons dès qu’un problème respiratoire perdure : un rhume, une toux persistante, qu’elle soit sèche ou grasse, un essoufflement, une sensation d’oppression. Aux fumeurs, on conseille de faire contrôler leurs poumons, même en l’absence de symptômes. Car cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas un problème sous-jacent.

3. De quel test s’agit-il et comment se déroule-t-il ?

La spirométrie est le premier test qu’on pratique en cas de suspicion de problème pulmonaire. Le patient inspire et expire à l’intérieur d’un petit appareil. Le médecin mesure la quantité d’air que les poumons sont capables de stocker, puis le volume d’air qui se déplace à l’inspiration et à l’expiration. Ce test aide à détecter une éventuelle maladie obstructive, comme l’asthme et la BPCO (bronchopathie chronique obstructive), ou une maladie restrictive (atteinte du tissu pulmonaire).

4. Court-on plus de risques si on a souvent eu des bronchites, par exemple, pendant l’enfance ?

Tout dépend des causes du problème. Pendant l’enfance, les prématurés souffrent davantage d’infections des voies respiratoires. Par la suite, ils courent aussi un risque accru de BPCO, plus encore s’ils fument. Les allergies au pollen développées dans l’enfance ont tendance à s’installer à l’âge adulte. Si, pendant l’enfance, les infections respiratoires étaient liées à un souci immunitaire, comme une carence en immunoglobuline, il se peut que les poumons en aient gardé des lésions. Ces lésions résiduelles peuvent à leur tour faire le lit de toutes sortes d’infections. Mais une bronchite banale ne laisse en général aucune trace.

Dépasser ses limites lorsqu’on fait du sport n’améliore ni la condition physique ni la capacité respiratoire.

5. Est-ce que la vitamine C protège les poumons contre les infections ?

La vitamine C prise à très haute dose offrirait une certaine protection contre les infections virale, mais cela n’a jamais été démontré scientifiquement.

6. Les compléments alimentaires servent-ils à quelque chose ?

Non, ils ne jouent aucun rôle.

7. Quel est le rôle de l’alimentation ?

Il y a un lien direct dans le cas d’une allergie alimentaire qui provoquerait des crises d’asthme ou un grave choc allergique. Il faut alors éviter à tout prix de consommer les aliments en question. Sinon, il suffit de manger sain et équilibré.

8. Le surpoids fait-il courir un risque accru de maladies respiratoires ?

L’obésité abdominale empêche les poumons de bien se déployer et se dilater parce que la graisse abdominale pousse le diaphragme vers le haut. Les muscles n’ont alors plus leur amplitude optimale. On constate aussi une plus grande vulnérabilité aux infections. Les personnes souffrant d’obésité courent aussi un risque accru d’apnée du sommeil, avec des arrêts respiratoires pendant la nuit. Ces apnées répétées réduisent l’oxygénation du sang et altèrent la qualité du sommeil, ce qui peut fatiguer.

9. Où respire-t-on le mieux ?

Lors des pics de pollution, entre autres liés aux particules fines, nous constatons chaque fois une augmentation des crises d’asthme et de BPCO, ainsi que des problèmes cardiaques, notamment des infarctus. Mais le lien de cause à effet entre la pollution de l’air extérieur et la survenue de maladies pulmonaires et respiratoires est moins évident à démontrer.

Il est difficile de dire où l’air est le plus sain. Les environnements urbains sont souvent plus pollués que les campagnes, à cause du trafic routier et des industries qui rejettent plus d’azote et de particules fines. Mais l’agriculture et l’élevage rejettent, eux aussi, beaucoup de particules fines. La qualité de l’air varie à l’intérieur même d’une région, voire d’une rue ! D’une manière générale, on peut dire que l’air est meilleur au bord de la mer et en haute altitude.

10. Est-ce vraiment important de respirer un air sain chez soi ?

C’est extrêmement important. Vous pouvez l’améliorer en aérant chaque jour votre habitation, de préférence à l’opposé du côté rue si vous vivez le long d’une artère passante. Aspirez régulièrement les poussières, car c’est une importante source d’allergie aux acariens, et contrôlez le taux d’humidité. Idéalement, il doit se situer entre 40 et 60 %.

11. Le conditionnement d’air peut-il provoquer des problèmes respiratoires ?

Le conditionnement d’air répand un air froid et sec, ce qui peut être irritant pour ceux qui ont de l’asthme ou une BPCO. De plus, le système lui-même peut être contaminé par des bactéries (comme la légionellose) ou des moisissures, mais c’est heureusement rare. Si l’air conditionné vous occasionne des problèmes respiratoires, éteignez-le ou réglez la température. On conseille de ne pas dépasser une différence de 5°C maximum entre l’intérieur et l’extérieur. Ne restez pas dans le flux d’air de l’appareil.

12. Doit-on s’inquiéter si on ressent parfois une gêne ou une douleur dans le thorax ?

Les causes de ce type de douleur peuvent être très variées : de la plus banale – comme des crampes intercostales ou une inflammation musculaire localisée à cause d’une surcharge ou d’un choc dans les côtes – aux plus graves, anévrisme, infarctus, embolie pulmonaire...

13. Que faire si on tousse au moindre contact avec de la poussière, par exemple ?

Cela peut être un signe d’hyperréactivité bronchique, comme dans l’asthme. Les voies respiratoires sont alors facilement irritées par la poussière, l’air conditionné, etc. La meilleure solution consiste à éviter autant que possible ces stimuli. Si vous réagissez aussi à l’air froid ou chaud, consultez pour voir si ce n’est pas de l’asthme.

14. Quel est l’effet du vapotage sur les poumons ?

Les études sont contradictoires. Mais le vapotage (la cigarette électronique) est moins nocif que la cigarette. Cela dit, une réaction d’hypersensibilité aiguë des poumons peut entraîner la mort... C’est notamment le cas lorsqu’on vapote du cannabis ou qu’on utilise des additifs. Les conséquences à long terme sont également inconnues.

15. Après des années de cigarette, peut-on encore malgré tout améliorer l’état de ses poumons ?

Absolument ! On peut partiellement freiner la dégénérescence de la fonction pulmonaire en arrêtant de fumer. Les anciens fumeurs courront toujours un risque plus élevé de cancer du poumon par rapport à ceux qui n’ont jamais fumé, mais ce risque diminue considérablement. Certaines lésions pulmonaires, comme l’emphysème, sont comparables à des cicatrices qui, elles, seront toujours présentes.

16. Le manque de sommeil a-t-il un impact sur la santé des poumons ?

Le manque chronique de sommeil met à mal les défenses immunitaires et fragilise l’organisme face aux infections. La fatigue exacerbe aussi ertains symptômes, comme le manque de souffle.

Comment respirons-nous ?

La respiration est contrôlée par le cerveau. L’air qu’on respire pénètre dans la trachée par la bouche ou par le nez. La trachée est un tube résistant doté d’anneaux de cartilage, ce qui la maintient ouverte. Elle se subdivise en deux branches, les bronches. Les alvéoles pulmonaires se situent aux extrémités des bronches les plus petites. C’est à partir de cet endroit que l’oxygène inhalé passe dans le sang. L’oxygène est ensuite transporté partout dans le corps. En même temps, le dioxyde de carbone (CO2) est libéré du flux sanguin vers les poumons. Lorsqu’on expire, il est évacué du corps.

COVID-19

17. Le Covid-19 se niche dans les cellules des alvéoles pulmonaires et y provoque des réactions inflammatoires. Mais il se produit parfois une réponse immunitaire excessive. Comment l’expliquer ?

La réaction inflammatoire fait partie du processus normal de résistance face à un virus. De nombreuses cellules immunitaires y jouent un rôle, notamment les cytokines. Chez certains patients plutôt jeunes, il se produit une réponse immunitaire excessive (orage de cytokines) responsable d’une forte inflammation et de dommages irréversibles aux poumons. Les mécanismes de guérison après un tel orage cytokinique peuvent dans un second temps provoquer une fibrose pulmonaire ou des cicatrices.

18. Ceux qui ont des problèmes respiratoires sont-ils plus à risque de développer des formes graves d’infections virales ?

On sait que les infections virales, comme la grippe saisonnière, peuvent être plus sévères chez les patients BPCO, par exemple. C’est pourquoi on conseille à ces groupes à risque de se faire vacciner. Mais ce ne sont pas toujours eux qui développent des formes plus graves de Covid-19. Des personnes jeunes, sans aucune comorbidité, font aussi des formes graves du virus. Ce n’est qu’après l’épidémie que nous pourrons identifier les patients à risque réel à partir des données épidémiologiques.

DES POUMONS EN PLEINE FORME

19. Comment faire pour entretenir sa capacité respiratoire ?

Filip Van Ginderdeuren, kinésithérapeute respiratoire : avec l’âge et le manque d’exercice physique, la cage thoracique perd de sa souplesse et les muscles respiratoires s’atrophient. Il suffit de se remettre au sport pour être capable d’inspirer et d’expirer beaucoup plus longtemps. .

Un exercice simple consiste à faire chaque jour dix minutes d’exercices de respiration : apprendre à inspirer, puis expirer le plus longtemps possible. Cela permet de dilater les poumons et de solliciter tous les muscles respiratoires. Si vous avez perdu en mobilité, ce simple exercice de respiration vous fera déjà progresser. Mais l’idéal est d’associer ces respirations avec trois séances hebdomadaires d’une demi-heure de sport tel que marche rapide, vélo, jogging... En bougeant régulièrement et plus intensément, on peut améliorer sa condition physique à tout âge. Les muscles en mouvement ont besoin de plus d’oxygène et les poumons vont se développer.

20. Faut-il que l’effort soit intensif ? Quid si on manque de souffle ? Se sentir fatigué et transpirer, c’est très bien. Idem si la respiration s’accélère. Mais si vous êtes hors d’haleine ou épuisé, attention, zone rouge ! Chacun a ses limites. Il est donc important de déceler ces signaux et de s’arrêter à temps. Si vous dépassez vos limites, vous n’améliorerez ni votre forme physique, ni vos capacités respiratoires. Vous risquez des crampes et des blessures musculaires. Mieux vaut travailler votre endurance et y aller progressivement : marchez, courez ou pédalez jusqu’à atteindre petit à petit votre limite.

21. Comment récupérer du volume pulmonaire après une maladie respiratoire ?

Après un épisode aigu ou chronique, on régresse assez vite à cause d’une immobilisation ou d’un alitement prolongé. La bonne nouvelle, c’est qu’il est toujours possible d’entraîner des muscles respiratoires affaiblis. On commence par mesurer la force des muscles respiratoires et, sur base des résultats, on met au point des séries d’exercices. Dans un premier temps, vous devrez respirer une demi-heure par jour dans un appareil spécial (avec une résistance), un peu comme si vous inspiriez par une paille pour stimuler les poumons. Ensuite, on mesure à nouveau la force des muscles respiratoires et on augmente un peu la résistance.

L’objectif est de renforcer vos muscles respiratoires pour que vous puissiez mieux respirer et activer toute votre capacité pulmonaire. Sinon le risque est de continuer à n’utiliser qu’une petite partie du volume pulmonaire. Et d’être encore plus vulnérable aux infections. Les germes peuvent se nicher et se multiplier plus facilement dans des poumons mal ventilés.

22. Les patients atteints d’une pathologie pulmonaire ont souvent le sang trop faiblement saturé en oxygène. Comment y remédier ?

La saturation en oxygène indique la quantité d’oxygène présente dans les globules rouges. Ceux-ci fournissent de l’oxygène aux autres tissus et organes. Des problèmes peuvent survenir dès que ce niveau descend en-dessous de 90 %. Parmi les signaux d’alerte, on peut citer les lèvres bleues, les ongles bleutés, un teint très pâle. Certains patients atteints de pathologies pulmonaires, notamment la BPCO, voient leur saturation en oxygène baisser au moindre effort. Ils s’essoufflent et ne parviennent plus à respirer. Pour compenser cela, on peut administrer de l’oxygène par le nez pendant les exercices. Cela permet de faire de l’exercice plus longtemps et d’améliorer l’état des poumons.

La respiration naturelle par le ventre permet de mieux gérer l’essouFflement causé par le stress.

23. Que faire en cas d’essoufflement ?

On parle d’essoufflement dès qu’on manque de souffle au repos. Ce qui n’est pas la même chose qu’être hors d’haleine à l’effort. L’essoufflement peut avoir différentes causes, il ne faut donc pas hésiter à consulter au besoin. Cela peut être dû à une infection respiratoire aiguë, à une allergie, à de l’asthme ou à un stress extrême. Les trois premiers types d’essoufflement peuvent être traités par un médecin.

Si le stress est en cause, on pourra vous prescrire des séances d’exercices de respiration et de relaxation qui vous aideront à réapprendre la respiration naturelle par le ventre. L’asthme déclenché par un effort physique se reconnaît au fait que la respiration devient sifflante et qu’on se sent essoufflé. En plus des médicaments, il est indispensable d’apprendre à bien respirer pendant l’exercice physique.

24. Existe-t-il des exercices respiratoires qui aident à évacuer les mucosités logées dans les poumons?

Oui, le système respiratoire est un système très complexe recouvert d’une muqueuse. L’air qui est inhalé glisse dessus. La couche de mucus est chargée de filtrer les impuretés. On pourrait comparer cette couche de mucus à une sorte de tapis roulant qui se déplace en direction de la bouche. S’il reste du mucus dans les poumons, une solution consiste à augmentant la vitesse de l’air à l’expiration. Cela permet de faire circuler et drainer plus de mucus. Comment faire ? Essayez d’expirer fortement, la bouche et la gorge ouvertes, avec une sorte de raclement. Cet autodrainage demande plus de technique que de force. Au début, mieux vaut s’exercer avec l’aide un kinésithérapeute. L’ancienne technique de tapotements sur la poitrine, pour détacher le mucus, n’est presque plus utilisée..

25. Quelle est la bonne façon de respirer au repos ?

La respiration physiologique la plus naturelle est la respiration par le ventre, avec le muscle du diaphragme, juste en-dessous des poumons, qui contrôle la respiration. C’est la façon d’inspirer et d’expirer qui demande le moins d’énergie, qui évite tout épuisement inutile, toute crampe musculaire et permet d’avoir une posture détendue.

Posez une main sur votre ventre. Quand vous inspirez, vous avez l’impression qu’un ballon se gonfle, puis qu’il se dégonfle lentement quand vous expirez. Après une (sérieuse) maladie pulmonaire, certaines personnes gardent un mauvais rythme respiratoire et ont en quelque sorte la respiration bloquée trop haut, au niveau de la poitrine.

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