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Malade mais pas du Covid : quand les retards de soins préoccupent

Rendez-vous médicaux reportés, examens ou interventions remis à plus tard... La mise entre parenthèses de ces traitements, parfois indispensables, provoque incertitude, colère et anxiété.

Je me bats contre le cancer du côlon depuis plus de huit ans mais c’est comme s’il n’y avait plus qu’une seule maladie qui existe aujourd’hui. Au vu de mes derniers résultats, mon médecin m’a prescrit une nouvelle colonoscopie de toute urgence mais quand j’ai téléphoné à l’hôpital pour prendre rendez-vous, on m’a répondu que ce ne serait pas possible avant mars 2021! En temps normal, j’aurais obtenu un rendez-vous dans la semaine, explique Erik, 61 ans. J’ai tellement insisté que j’ai fini par décrocher un rendez-vous le mois prochain. J’ai toujours fait preuve de beaucoup de courage mais depuis la crise du coronavirus, j’ai l’impression que mon cas n’intéresse plus personne. »

BESOIN D’ATTENTION

Même si les hôpitaux ont été autorisés fin novembre à reprendre les soins réguliers, la psychologue Nathalie Cardinaels reconnaît que le problème persiste. « Dans le contexte de pandémie actuel, les maladies chroniques qui génèrent pourtant énormément de souffrances sont passées au second rang et c’est très regrettable, déplore-t-elle. Les malades chroniques ne reçoivent pas toujours l’attention qu’ils méritent, surtout quand ils se sentent limités dans leurs faits et gestes, donc angoissés et dépressifs. Si vous n’avez jamais été directement en contact avec un malade chronique, vous n’avez aucune idée de ce qu’il vit. On s’imagine que s’il a l’air bien, c’est qu’il va bien. Pourtant, ce n’est pas parce qu’une personne souffrant de maladie grave ou chronique donne l’impression d’aller bien à l’extérieur qu’elle se sent bien à l’intérieur. Elle fait l’impossible pour ne pas attirer la pitié. Elle cherche au contraire à préserver son autonomie mais aussi à être respectée, quitte à paraître en meilleure forme qu’elle n’est réellement. »

La meilleure chose à faire est d’en parler ouvertement. « N’essayez pas de cacher votre impression de devoir affronter seul(e) la maladie et vos angoisses. Faites clairement comprendre ce que vous attendez des autres: une conversation, une accolade (pour autant que ce soit permis), une oreille attentive... N’hésitez pas à répéter que vous méritez vous aussi de l’attention. Maintenez le contact, que ce soit par téléphone, par appels vidéo, par chats, via les réseaux sociaux ou des lettres manuscrites. Fixez une date pour votre prochain contact. »

APPRENDRE À CANALISER SA COLÈRE

Jean, 72 ans, s’est récemment fait implanter un défibrillateur interne pour prévenir d’importants troubles du rythme cardiaque. « L’appareil doit être contrôlé tous les six mois mais le contrôle a déjà été reporté par deux fois, à cause de la première et de la deuxième vague de Covid-19. On m’a proposé une consultation en ligne mais cela ne me rassure pas du tout. L’inquiétude m’empêche de dormir. J’ignore si mon coeur va bien et si mes médicaments sont encore adaptés. Quand je vois des personnes qui ne respectent pas les gestes barrière, j’enrage, parce que par leur faute, on je ne peux plus me faire soigner convenablement. »

N’essayez pas d’étouffer votre anxiété et votre colère mais ne les laissez pas vous dominer non plus.

« Cette colère tout à fait compréhensible est ressentie par les nombreuses personnes qui respectent scrupuleusement les consignes de sécurité, assure Nathalie Cardinaels. Elle est aussi légitime que le chagrin, la peur ou la joie mais ne la laissez pas vous dominer. Si votre colère est trop envahissante, essayez de la canaliser en poussant un cri par exemple, ou en la couchant sur papier. Elle ne peut pas prendre le dessus. À long terme, vous risqueriez de vous sentir découragé et impuissant. Concentrez-vous plutôt sur les contacts positifs avec les autres, sur ce qu’il est possible de faire. »

GÉRER SON ANXIÉTÉ

Atteinte de maladie rénale, Chris, 55 ans, attend d’être transplantée depuis un bon moment. « Du fait de la crise sanitaire, cela ne risque pas d’arriver si tôt. Les patients Covid sont prioritaires. Je comprends parfaitement mais plus la crise se prolonge, plus ma santé se détériore et je risque de devoir recourir à la dialyse. Cette perspective m’inquiète beaucoup. De nature plutôt optimiste, je dois faire un gros effort pour trouver en moi le courage nécessaire. Heureusement, je peux faire part de mon anxiété à mes amis proches mais ce n’est pas toujours évident de dire ce qu’on a sur le coeur par écrans interposés. »

« Il est parfaitement normal de se sentir angoissé. Il ne faut surtout pas s’en cacher, insiste Nathalie Cardinaels. Mais il ne faut pas non plus entretenir cette anxiété en lui accordant une importance démesurée. Essayez de l’intégrer consciemment. Autrement dit, acceptez ce sentiment que vous éprouvez ici, maintenant, et évitez de le projeter dans l’avenir. Essayez dans toute la mesure du possible de vivre le moment présent plutôt que de vous inquiéter pour l’avenir du genre « Et si... ». Il n’y a aucune honte à reconnaître qu’on traverse une très mauvaise passe. On ne peut pas se sentir heureux et positif en permanence, c’est impossible. La vie est faite de hauts et de bas. Je constate par ailleurs que les contacts avec des personnes qui se trouvent dans la même situation sont extrêmement enrichissants. Il existe de nombreux canaux alternatifs comme les groupes sur les réseaux sociaux et les appels vidéo. »

La méditation peut également s’avérer efficace. « Le fait de se concentrer sur sa respiration par exemple permet d’équilibrer ses émotions, de mieux gérer l’anxiété et le stress. J’organise sur Zoom des séances de méditation de groupe à suivre chez soi. Les personnes qui n’ont jamais médité ont plus de difficulté à suivre les consignes à distance ou dans un livre mais il existe des applications conviviales qui proposent de courtes séances facilitant l’initiation à la maison. »

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