Métabolisme, énergie, croissance... La puissance des hormones
Elles déterminent notre poids, notre taille, notre température corporelle... Et jouent un rôle de premier plan dans l’obésité, le diabète, le sommeil et l’humeur. Cela fait beaucoup! Mais on les accuse aussi – à tort – d’être à l’origine de certains problèmes de santé.
Dopage, injections illégales d’hormones de croissance au bétail ou présence de perturbateurs endocriniens dans notre environnement. Les hormones font souvent la une des médias pour toutes sortes d’abus...
« Cette mauvaise réputation est en totale contradiction avec ce que les hormones représentent réellement pour nous. Nombre d’entre elles, comme l’insuline ou les hormones thyroïdiennes sont d’une importance vitale, tandis que d’autres, notamment les hormones sexuelles, ont un impact énorme sur les os et la qualité de vie en général », souligne le Pr Guy T’Sjoen, endocrinologue à l’UZ Gent. Il est donc grand temps de rendre justice à ces précieuses « assistantes » de l’ombre!
1. Les hormones régulent notre température et nous font réagir en cas de situation d’urgence.
« Le cerveau contrôle ce processus grâce à l’hypothalamus, qui envoie des instructions à l’hypophyse qui lui-même produit les substances nécessaires. Celles-ci passent ensuite dans le sang et c’est le début d’une série d’actions en cascade, car les hormones de l’hypophyse ne sont en général que des précurseurs. Imaginons qu’une alarme incendie se déclenche près de nous: une série de messages sont envoyés depuis le cerveau vers la glande surrénale pour qu’elle produise l’hormone du stress, le cortisol. En même temps, notre corps libère de l’adrénaline qui, elle, va nous permettre de réagir en cas d’urgence, en combattant ou en fuyant. Une fois en sécurité, le cerveau signale que tout est sous contrôle, et la surproduction de cortisol cesse. C’est le même type de processus qui régule la tension artérielle, la température du corps, la faim, etc. »
2. Quelles sont les principales hormones?
« L’insuline, les hormones thyroïdiennes et le cortisol sont essentiels, car ils nous maintiennent en vie. Mais les hormones de croissance, les hormones sexuelles ou l’aldostérone, qui régule la pression sanguine, les hormones de la faim et de la satiété comme la ghréline et la leptine, et bien d’autres, sont également très importantes. Aujourd’hui, on a identifié environ 50 hormones, mais on ne peut pas exclure qu’il y en ait d’autres, car on en détecte encore de nouvelles! Parmi les dernières, il y a les hormones intestinales (incrétines). Quand on consomme un aliment sucré, le taux de sucre dans le sang augmente, ce qui incite le pancréas à produire de l’insuline. Grâce à cette découverte, on a pu mettre au point de nouveaux traitements pour les diabétiques. Il reste aussi beaucoup à découvrir sur le fonctionnement exact des hormones. La DHEA, une hormone surtout présente dans le sang, intrigue les scientifiques mais personne ne sait exactement quel est son rôle. Certains la qualifient d’hormone de la jeunesse, car son taux est maximum chez les personnes jeunes. Selon d’autres hypothèses, elle jouerait un rôle dans le métabolisme, la libido et l’immunité. »
50% des Belges sont en surpoids et 16% souffrent d’ obésité. 66% de la population a donc un problème de poids.
3. Quels symptômes peuvent indiquer un problème hormonal?
« Il faut se poser des questions si on a tout le temps besoin de boire et d’uriner, ou qu’on a très soif, car cela peut indiquer un problème d’insuline, voire un diabète. Les troubles de la thyroïde se manifestent souvent de façon plus subtile. L’hypothyroïdie s’accompagne de fatigue, d’une sensation de froid, d’une certaine lenteur de mouvement, d’une importante chute de cheveux...
Contrairement ce à ce qu’on croit, l’hypothyroïdie n’entraîne pas de forte prise de poids, tout au plus quelques kilos. La plupart des personnes obèses ont une thyroïde qui fonctionne normalement. L’hyperthyroïdie, elle, se manifeste entre autres par des palpitations, de la nervosité, une perte de poids ou des mains qui tremblent.
A côté de cela, il y a des symptômes plus vagues, comme la fatigue, l’acné, l’irritabilité ou les sautes d’humeur, qui peuvent s’expliquer par des troubles hormonaux mais qui sont beaucoup plus difficiles à cerner. On pourrait comparer les recherches en matière d’hormones à un travail de détective... Il n’est pas rare de décevoir un patient parce qu’on ne trouve aucune cause hormonale à ses problèmes.
D’autres phénomènes moins évidents peuvent aussi résulter de taux d’hormones nettement trop faibles ou trop élevés. Lorsque l’hormone de croissance est en surrégime, les traits du visage s’épaississent, le nez grossit, le menton se développe, on a du mal à enfiler son alliance, on prend une pointure de plus, on souffre d’apnées du sommeil, d’un grossissement de la glande thyroïde, on ronfle, etc. Ces symptômes se manifestent très progressivement, si bien que le diagnostic d’acromégalie est souvent posé avec retard. Parfois, les symptômes correspondent à un problème cardiaque et à une anomalie hormonale. En cas d’hypertension artérielle, de sensation de hauts et de bas, d’agitation et de rougeur au visage, on a tendance à consulter un cardiologue. Ce n’est que si les traitements conventionnels ne fonctionnent pas qu’on envisage une surproduction d’adrénaline par la glande surrénale.
Les hormones, c’est quoi exactement?
« Les hormones sont des substances qui envoient des signaux et sont produites par des glandes, comme la thyroïde, l’hypophyse et les glandes surrénales, puis qui se retrouvent dans le sang, analyse le Pr T’Sjoen. De là, elles partent vers des cellules cibles où elles régulent des fonctions précises de l’organisme, entre autres la tension artérielle ou l’absorption du sucre dans le sang. Les cellules vers lesquelles elles se dirigent contiennent une sorte de verrou (un récepteur) auquel s’adapte telle ou telle hormone. Lorsque la clé et le verrou correspondent, la cellule cible peut remplir sa fonction. »
4. Pourquoi est-il si difficile de mesurer les hormones?
« Mesurer les taux hormonaux revient un peu à chercher une aiguille dans une botte de foin! Les concentrations sont très faibles. De plus, certaines hormones présentes dans le sang fluctuent tout au long de la journée. La plupart, comme la testostérone ou le cortisol, atteignent un pic le matin, or les tests sanguins se font souvent à ce moment-là.
En outre, beaucoup de facteurs peuvent faire varier les taux d’hormones, comme les médicaments par exemple. Enfin, la sensibilité de chacun aux hormones diffère. Il en va de même en fonction de l’âge ou des habitudes alimentaires. Pour sortir d’une vision trop étroite des symptômes, il faut éviter de tirer des conclusions basées uniquement sur des taux d’hormones. Ainsi, nombre d’hommes s’inquiètent de leur taux de testostérone. La fourchette de valeur dite normale est très large, or nous recevons en consultation des hommes qui sont inquiets d’être en-dessous du seuil, et y attribuent toutes sortes de problèmes, comme de la fatigue ou une perte de masse musculaire. Souvent, cela n’a rien à voir. Si leur taux est un peu plus bas que la normale, c’est parce qu’ils ont besoin de moins de testostérone pour obtenir les mêmes effets. Leurs récepteurs sont simplement plus sensibles que ceux des hommes qui ont un taux de testostérone plus élevé. A lui seul, un taux de testostérone normal, élevé ou faible ne dit absolument rien de votre virilité. »
5. Quel est le rôle des hormones dans l’obésité et peuvent-elles nous aider à maigrir?
« L’obésité est avant tout un problème d’hygiène de vie, mais de nombreuses hormones entrent en jeu. A l’inverse, la graisse présente dans le corps produit certaines hormones, comme la leptine, l’hormone de la satiété. Elle signale que vous avez assez mangé mais chez les obèses elle semble moins bien fonctionner, alors que l’hormone de la faim, la ghréline, est elle très active. Chez les personnes qui font un régime hyper restrictif, ce système est complètement déréglé. Quand le pourcentage de graisse diminue, la leptine chute et on ne peut plus résister à l’envie de recommencer à manger. Le taux de ghréline restant élevé, on reprend encore plus de poids après ce type de régime.
D’autres hormones jouent également un rôle dans la prise de poids. Le stress augmente la production de cortisol qui pousse à manger, tandis que le manque de sommeil déclenche l’hormone de la faim et diminue l’hormone de la satiété.
Les hormones sont très actives et on ne peut pas en consommer de sa propre initiative!
Jusqu’à récemment, on ne pouvait pas aider les personnes obèses sur le plan hormonal. Aujourd’hui, on dispose des incrétines (un type d’hormones intestinales) qui aident à perdre du poids, à condition de suivre en plus un régime alimentaire équilibré et de faire un sport adapté. Ce médicament hormonal agit comme un coupe-faim et il rend l’insuline plus efficace. Pour l’instant, il est réservé aux diabétiques, et eux seuls ont droit à un remboursement. L’inconvénient? Il faut suivre son traitement pendant une très longue période, sans quoi les problèmes de poids reviennent. »
6. La production et les besoins en hormones changent-ils avec l’âge?
« A la ménopause, on constate que la production d’hormones féminines s’arrête presque complètement. La testostérone diminue aussi légèrement, à raison de 1% par an, dès 30 ans. Nous constatons le même déclin progressif pour certaines autres hormones. Les niveaux d’hormones varient avec l’âge. C’est le cas de l’hormone de croissance et des hormones thyroïdiennes qui voient leur production baisser. Une bonne chose dans le cas de la thyroïde, car il semblerait que des valeurs légèrement inférieures aient un effet protecteur chez les personnes âgées. Un taux d’hormones thyroïdiennes trop élevé serait susceptible de provoquer des arythmies cardiaques. Certains médecins qui se proclament spécialistes « anti-âge » commettent souvent une erreur: vouloir maintenir des niveaux d’hormones élevés chez les personnes âgées, alors qu’aucun effet rajeunissant n’a pu être prouvé. »
7. Certaines hormones fonctionnent comme des médicaments et ont parfois été prescrites à tort. Qu’en est-il?
« Les hormones sont, en effet, très actives et il ne faut jamais en consommer de sa propre initiative! Avant, on prenait par exemple des hormones thyroïdiennes pour perdre du poids, alors que cela peut provoquer de gros ennuis cardiaques.
La cortisone est efficace dans de nombreux cas, mais elle a aussi un effet euphorisant et se révèle donc addictive. Elle supprime la douleur, c’est vrai, mais quand on en prend, les glandes surrénales deviennent paresseuses et cessent de produire elles-mêmes de la cortisone. L’accoutumance oblige à augmenter les doses, ce qui ouvre la porte aux effets secondaires: peau très affinée, ventre gonflé, faiblesse musculaire, ostéoporose, obésité, visage rouge et gonflé... Les personnes qui prennent de la cortisone à long terme risquent des dommages cognitifs et psychologiques permanents, en particulier des troubles de la concentration.
Quant aux hormones qu’on prend temporairement, sous forme de médicament, il faut veiller à diminuer la dose progressivement pour ne pas entraver le fonctionnement de l’hypophyse, qui contrôle sa propre production hormonale. »
L’équilibre hormonal
« Notre système hormonal est conçu pour chercher en permanence à se rééquilibrer, constate le Pr T’Sjoen, endocrinologue. Dans le corps tout varie en permanence, qu’il s’agisse du taux de sucre dans le sang, de la tension artérielle, de la température... Les hormones servent à répondre à ces variations et à maintenir la situation sous contrôle. Si on restait tout le temps à l’équilibre, on ne vivrait plus! »
8. Comment peut-on optimiser son système hormonal?
« Le meilleur bénéfice santé qu’on puisse viser, c’est d’éviter l’obésité et le diabète de type 2. Aujourd’hui, 66% (!) des Belges sont obèses ou en surpoids, et les cas de diabète de type 2 sont en forte augmentation. Il est donc urgent d’améliorer son hygiène de vie en prenant le pli de manger sainement, de faire du sport et de dormir suffisamment. Les régimes « hormonaux » qui préconisent certains aliments pour contrôler le taux de telle ou telle hormone sont une absurdité totale. La nage ou l’immersion en eau glacée, très populaire, contribuerait à augmenter la graisse brune dans le corps, au détriment de la graisse blanche, néfaste. S’il est vrai que la graisse brune permet de brûler plus de calories, je doute que cela fasse une grande différence sur le poids... Sans compter que ce n’est pas forcément recommandable, ni à la portée de la plupart d’entre nous. »
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9. Une fatigue surrénale peut-elle provoquer des troubles hormonaux
« C’est un mythe! Et ce type de diagnostic peut avoir de lourdes conséquences. Ce sont surtout les personnes souffrant d’un syndrome de fatigue chronique ou de fibromyalgie qui ont tendance à faire un lien, car les symptômes sont en partie similaires à ceux de la maladie d’Addison, une affection auto-immune rare qui provoque l’arrêt du fonctionnement des glandes surrénales.
En faisant croire aux gens qu’ils ont des surrénales paresseuses, on leur prescrit à tort un traitement à base de cortisone, qui, à son tour, amène les surrénales à cesser d’en produire elles-mêmes. Il y a quelques années, on a ainsi assisté à une épidémie de gens dont l’état s’aggravait à cause de ce type de traitement totalement injustifié. »
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