Parkinson : pas que des tremblements
Même s’ils en constituent les symptômes les plus caractéristiques, les affections motrices et les tremblements ne constituent qu’une facette de la maladie de Parkinson.
Maladie neurodégénérative, la maladie de Parkinson se caractérise par la perte progressive de neurones et de connexions nerveuses dans certaines parties du cerveau. Si cette pathologie est aujourd’hui bien connue du grand public, elle est le plus souvent résumée aux troubles moteurs qu’elle finit par provoquer. «Ces derniers constituent d’ailleurs les symptômes cardinaux de la maladie, le tableau clinique habituel qui permet un diagnostic sur base d’un examen, explique le Dr Eric Mormont, neurologue et chef de Clinique au CHU UCL Namur, sur le site de Godinne. Ils consistent principalement en une augmentation du tonus musculaire, qui entraînent une certaine rigidité, une résistance anormale en cas de mouvement; une akinésie, c’est-à-dire une difficulté à initier un mouvement ou à en maintenir la vitesse ou l’amplitude; ainsi qu’un tremblement au repos.» Ce dernier, symbolique de la maladie, n’est néanmoins pas systématique et ne touche qu’environ 80% des patients.
Un sommeil agité
L’existence d’autres symptômes, non moteurs, plus discrets et plus difficiles à relier à la maladie, est bien moins connue. «Certains peuvent apparaître plusieurs années avant l’arrivée des symptômes moteurs caractéristiques, détaille le Dr Mormont. La difficulté est qu’ils ne sont pas spécifiques au Parkinson, sont souvent très courants et ne peuvent donc suffire à déterminer la pathologie.» Parmi ceux-ci, on retrouve notamment des troubles du comportement du sommeil paradoxal, phase du repos durant laquelle l’activité cérébrale est assez intense et apparaissent les rêves. «Normalement, à ce moment, le tonus musculaire décroît fortement: mis à part des mouvements oculaires rapides, le corps est comme paralysé, ce qui nous empêche de bouger quand on rêve intensément.»
La moitié des patients présentant la maladie risquent de développer une démence.
À l’instar d’autres maladies ou de la prise d’antidépresseurs, la maladie de Parkinson peut inhiber cette «paralysie», donnant l’impression d’un sommeil très agité: le dormeur bouge, se débat, crie... «Il s’agit le plus souvent de rêves d’agression, de poursuite, illustre le Dr Marie-Céline Duray, neurologue à la Clinique Saint-Pierre d’Ottignies. En soi, le malade n’en a souvent pas conscience –il ne se réveille pas nécessairement sauf s’il tombe du lit ou se cogne– et n’en ressort pas spécialement fatigué, d’autant que ces épisodes peuvent être très brefs». Ce sont donc généralement les proches qui remarquent un comportement nocturne anormal.
Une baisse desperformances cérébrales
Les troubles du sommeil peuvent se renforcer avec l’apparition des troubles moteurs: en ce cas, les tremblements, raideurs et douleurs musculaires peuvent provoquer des insomnies de maintien, avec de nombreux réveils nocturnes, souligne la neurologue. En limitant l’élimination des toxines dans le cerveau durant le sommeil, ces nuits peu réparatrices peuvent aggraver une autre facette moins connue de la maladie de Parkinson: celle d’une dégradation des capacités cérébrales. «En début de maladie, on remarque souvent le développement d’une lenteur intellectuelle, une difficulté à se concentrer ou à trouver ses mots, signale le Dr Mormont. Là encore, c’est aspécifique, une dépression aura par exemple le même effet, mais des études montrent une baisse des performances liée au Parkinson.»
Cette dégradation peut ensuite s’amplifier avec le temps. «Après une dizaine d’années, environ la moitié des patients présentant la maladie vont développer une démence, c’est-à-dire des troubles cognitifs importants qui vont avoir des répercussions sur leur autonomie. Cela se remarque surtout chez les personnes âgées, car un cumul de différentes pathologies est possible: le Parkinson n’empêche pas les troubles vasculaires ni le développement de la maladie d’Alzheimer…»
Des symptômes annonciateurs?
Il existe une kyrielle d’autres symptômes potentiels, encore une fois non exclusifs à la maladie de Parkinson: perte ou atténuation de l’odorat, hypotension, constipation et crampes, troubles de la vision et/ou de l’humeur (anxiété, dépression, apathie…), troubles urinaires... «Dans ce cas, il s’agit plutôt d’une incontinence d’urgence, avec une nécessité de se lever plusieurs fois pendant la nuit», précise le Dr Duray.
Sachant que tous ces tracas peuvent eux aussi apparaître longtemps avant les troubles moteurs, faut-il suspecter une maladie de Parkinson si on développe l’un ou plusieurs d’entre eux ? La réponse tendrait plutôt vers la négative, pour deux raisons. La première est que ces troubles, par ailleurs très courants dans la population, peuvent avoir des origines tout à fait extérieures à la pathologie parkinsonienne: en règle générale, il existe des facteurs explicatifs plus probables, allant du Covid pour la perte d’odorat à une alimentation déséquilibrée en ce qui concerne la constipation. Dans la plupart des cas, une simple visite chez le généraliste permettra de les identifier et/ou d’atténuer les symptômes.
D’autre part, un diagnostic précoce du Parkinson n’empêchera pas un développement ultérieur de la maladie. «Il n’existe actuellement aucun traitement préventif, ni curatif, tient à préciser de Dr Mormont. Les seuls traitements disponibles agissent sur les symptômes moteurs.» Dès lors, objectiver anticipativement la maladie ne ferait ici que rajouter une angoisse inutile. Quand on ne veut pas connaître la réponse, mieux vaut parfois ne pas poser la question…
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