© frédéric raevens

Témoignage: « Mes acouphènes font un bruit de grillons »

Julie Luong

Il y a treize ans, Olivier a entendu un bruit de grillons qui ne l’a plus quitté. À 56 ans, celui qui se définit comme un «acouphénix» est parvenu à renaître de ses cendres grâce au sport, au jardinage et à une vie sociale bien remplie.

Entendre constamment des sifflements, tintements, bourdonnements? C’est une réalité pour 10% de la population occidentale, un problème qui peut devenir très invalidant. Pour Olivier, qui travaille dans la coopération au développement, tout a commencé au Pérou, en 2010. Il a alors 43 ans. «Une nuit, j’ai voyagé en bus. Je n’étais pas en forme. Il avait gelé, il fallait monter jusqu’à 5.500 mètres d’altitude pour aller d’une ville à l’autre. Le lendemain, je me suis réveillé avec une otite et les oreilles qui sifflaient.» Au début Olivier ne s’inquiète pas: il consulte un médecin, l’otite s’en va, la congestion passe mais le bruit, lui, persiste et augmente. Un barotraumatisme, lui dit-on, soit une lésion provoquée par des variations de pression, un phénomène qui touche surtout les plongeurs en eaux sous-marines. Mais pour Olivier, son voyage en altitude n’est pas la seule cause. «À ce moment-là de ma vie, je n’étais pas bien, je m’inquiétais pour mon travail… Or, dans l’apparition des acouphènes, il y a souvent un aspect émotionnel», raconte-t-il.

Pas de remède miracle

Quelques mois plus tard, il rentre en Belgique et consulte un ORL. «J’en suis ressorti plus démoli qu’en entrant, se souvient-il. Quand un médecin vous annonce que vous allez devoir vivre avec ça, c’est très très dur.» Dans les mois qui suivent cette annonce, Olivier est assailli par des idées noires. Puis, il change de stratégie: «Pendant six mois, j’ai vraiment subi et puis j’ai commencé à rigoler avec mes acouphènes, à les tutoyer… Désormais, j’ai l’habitude de dire que je suis en vacances toute l’année car j’ai de la chance: mes acouphènes font un bruit de grillon…»

Prenant ses acouphènes «par les cornes», Olivier décide alors de se lancer à fond dans le sport. Lui qui était plutôt sédentaire s’inscrit dans une salle puis se met au running. Il sait que chacun doit trouver ses propres solutions pour rendre le quotidien à nouveau supportable et même agréable...

«Je me suis aussi mis au jardinage. Les moments passés au jardin, à travailler les mains dans la terre, à observer les transformations de la nature sont extrêmement apaisants.» Le quadragénaire décide aussi de modifier son alimentation, adopte un mode de vie plus équilibré. «Beaucoup de personnes se lancent dans une course au remède miracle. Mais comme je suis d’un tempérament méfiant, je ne suis jamais tombé là-dedans.»

A l’heure actuelle, il n’existe pas de véritable traitement contre les acouphènes. En revanche, des pratiques comme la sophrologie, le yoga, la médiation permettent d’aider de nombreuses personnes à mieux les supporter.

Ne pas se renfermer

Olivier s’est aussi impliqué dans la vie associative à travers «Belgique acouphènes». En parallèle, il a continué à travailler et voyager comme avant. «Beaucoup de personnes avec des acouphènes ont tendance à se renfermer, à s’isoler socialement, mais c’est la meilleure façon de renforcer les problèmes. Certains ont même peur d’aller au resto et d’entendre les couverts...» Car il n’est pas rare que les acouphènes s’accompagnent d’une hyperacousie, c’est-à-dire d’une sensation de douleur liée au bruit, ce qui peut rendre les sorties dans des environnements bruyants difficiles à supporter. Olivier, lui, a trouvé des compromis. «Mes collègues sont au courant que j’ai des acouphènes. Ils savent que si on mange tous ensemble, je partirais parfois plus tôt...»

Bien sûr, c’est loin d’être facile tous les jours. Le sommeil est de moins bonne qualité. Olivier a aussi plus de difficultés pour se concentrer. «Il n’y a pas de répit. Là, par exemple, je les entends davantage puisque j’en parle avec vous et que donc j’y pense. Mais parfois, quand je suis très concentré sur mon travail, je les oublie.» Pour expliquer la chose aux personnes qui n’ont jamais eu d’acouphènes, Olivier utilise cette métaphore: «C’est comme quand vous regardez la télé. Dans le coin, il y a toujours le logo de la chaîne. Si vous vous focalisez dessus, vous ne voyez plus que lui. Mais si ce que vous voyez à l’écran vous passionne, vous n’y pensez pas.»

Les acouphènes

Les acouphènes sont des sensations auditives anormales (bourdonnement, grésillement, sifflement, tintement…), non provoquées par un son extérieur. Souvent liés à une perte auditive, ils concernent près d’un adulte sur 10 avec des formes très invalidantes dans 1% des cas. Les acouphènes peuvent notamment être déclenchés par un traumatisme sonore, une obstruction du canal auditif ou un stress émotionnel.

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