© JAN WELTERS

Axelle Red: « 50 ans et toute la vie devant moi ! »

50 ans cette année et jamais elle ne s’est sentie aussi bien dans sa peau. Chanteuse et activiste des droits de l’Homme, Axelle Red sort un nouvel album et part en tournée.

Du haut de ses 50 ans, Axelle Red est habillée avec style et est plus engagée que jamais. C’est avec un enthousiasme communicatif qu’elle nous parle de ce qui lui tient le plus à coeur : le droit des femmes, les réfugiés, les animaux. Et la musique évidemment.

2018 est une année spéciale pour vous.

Je pensais que le cap des 50 ans serait difficile à franchir mais au fond, c’est fantastique. À mes 40 ans, je traversais une période difficile. Le problème n’était pas tant mon âge mais la difficulté à me situer par rapport à certaines choses : l’injustice, le bonheur, les différents rôles de la femme, dans la vie privée et dans le monde. Heureusement, j’ai cette chance extraordinaire de travailler sur moi-même grâce à mes chansons. À l’époque, j’ai sorti mon album le plus engagé, Sisters & Empathy, qui évoque la violence sexuelle. Ce n’est peut-être pas mon meilleur album d’un point de vue commercial mais il m’a aidé à surmonter la crise de la quarantaine.

Les quinquas ont autre chose à apporter. Je n’aurais pas pu faire à 20 ans ce que je fais aujourd’hui.

Et là vous venez de sortir un nouvel album...

En effet. Ecrire des chansons est pour moi une véritable thérapie. Qu’elles soient réalistes ou romantiques, elles expriment ma vision du monde. C’est ma façon à moi de remettre les choses en perspective et de poursuivre ma quête du bonheur. Ce serait ridicule de ma part de me sentir malheureuse parce que j’ai 50 ans. J’ai encore toute la vie devant moi ! Pour moi, la jeunesse, c’est garder son âme d’enfant, rester coquette.

Le monde de la musique et les médias ne sont-ils pas impitoyables à cet égard ?

Chaque univers est impitoyable. Les médias attachent énormément d’importance à la jeunesse et au look, c’est certain. Les hommes aussi en sont victimes. Certains cherchent une échappatoire en ayant recours au lifting des paupières ou aux implants capillaires. Le diktat de la jeunesse sévit dans tous les domaines. Le CEO d’une entreprise aime s’entourer de jeunes parce qu’ils coûtent moins cher et l’admirent. Nous rêvons tous de jeunesse éternelle. C’est un leurre solidement ancré dans nos têtes. Or, la société, c’est l’ensemble de chacun de nous.

Les jeunes ont beaucoup à nous apporter, c’est certain. C’est à nous de dépasser cela. Les personnes âgées ont autre chose à apporter. Je n’aurais pas pu faire à 20 ans ce que je fais aujourd’hui. J’ai 30 ans d’expérience dans la production, l’écriture de chanson et l’interprétation. Et le même enthousiasme qu’avant. Je ne me suis jamais sentie aussi épanouie, aussi équilibrée, aussi énergique que maintenant. Je peux choisir mes collaborateurs, mes personnes de confiance. Il y a des chemins que je sais ne plus devoir emprunter. Les jeunes, eux, ont beaucoup d’incertitudes.

Votre nouvel album intitulé Exil fait-il référence aux réfugiés?

Exil parle de toutes les formes de bannissement, tous les types de déplacements effectués depuis l’Antiquité. Les dieux de la mythologie ont voyagé et induit des changements. Les esclaves aussi, même s’ils voyageaient enchaînés.

Vous êtes une femme engagée. Vous avez été ambassadrice de l’Unicef et de Handicap International aujourd’hui. Qu’est-ce qui vous tient le plus à coeur ?

La cause des jeunes filles. Le dramaturge grec Euripide a dit un jour : la position la plus difficile dans la société est celle de la jeune fille. Elle doit composer avec le désir inassouvi de jeunesse éternelle des hommes âgés et avec la frustration des femmes âgées. Médée siné ses propres enfants. Cela montre bien ce dont une femme est capable par désespoir pour l’amour d’un homme. Je me sens aussi très concernée par les droits des animaux, des êtres les plus vulnérables en général.

Cela tient-il au fait que vous soyez mère ?

Oui, évidemment. Mes filles ont 13, presque 15 et 19 ans. À mes yeux, il est essentiel qu’elles apprennent à réfléchir par elles-mêmes. Je dis toujours : il ne faut jamais accepter tel quel. Personnellement, je réfléchis toujours out of the box. Je remets tout systématiquement en question. Ce qui ne veut pas dire que je vois le mal partout. Le mouvement MeToo est fantastique. Les gens osent enfin raconter leur histoire.

Le monde de la musique a été relativement épargné, non ?

Les abus sont plus fréquents dans le monde du cinéma que dans celui de la musique parce que les actrices sont vulnérables. Les musiciens écrivent et se mettent en scène eux-mêmes, et sont donc moins dépendants des producteurs et des metteurs en scène. Dans ma chanson Sensualité, il est question de la sensualité d’un homme : j’attribue cette vulnérabilité à un homme. Parce que c’est toi parle d’une femme qui promet à un homme de ne jamais le quitter. Les rôles sont inversés dans la plupart de mes chansons. Dans les années 60, la femme devait implorer l’homme : s’il te plaît, ne t’en va pas. Les textes des femmes sont très différents. J’ai évidemment l’avantage de bénéficier d’une indépendance économique. C’est pourquoi je suis rarement confrontée au comportement masculin problématique. Je ne dépends de personne. Je choisis moi-même mes collaborateurs. Je collabore par exemple avec mon homme depuis trente ans.

D’où vous vient ce sens de la justice ? De vos parents ?

Mon père était avocat et homme politique. J’admirais son équité, son honnêteté, sa sagesse. Jamais il n’aurait tiré avantage d’un divorce, par exemple. Il gagnait bien sa vie mais ce n’était pas un but en soi. Je trouvais cela extraordinaire. Enfant, j’attachais déjà beaucoup d’importance à la justice, même si je suis évidemment passée par des phases d’égocentrisme.

Avez-vous commencé par faire des études de droit par engagement ?

Je voulais jouer la carte de la sécurité. il n’est pas si facile de faire fi des études traditionnelles pour se lancer dans l’inconnu. Mon diplôme de droit me procurait une certaine assurance. J’étais sûre d’avoir au moins accompli quelque chose car ma musique n’avait pas beaucoup de succès quand j’étais étudiante. Avec le recul, je me rends compte que mes études m’ont beaucoup aidée dans mon parcours d’activiste des droits de l’homme.

Vous avez déjà visité plusieurs camps de réfugiés. Qu’en avez-vous retiré ?

Ces visites m’ont toujours beaucoup affectée, mais j’ai appris à mieux gérer. Mon rôle consiste à faire passer un message mais j’essaie de faire tout ce que je peux pour améliorer le quotidien. Au Sud-Soudan, j’ai parlé avec de nombreuses femmes et je leur ai demandé en quoi je pouvais les aider. Elles voulaient que la lumière reste allumée la nuit pour se sentir en sécurité. J’essaie de faire passer le message de façon positive. Je vois des personnes fortes lutter pour rester en vie. Ce serait une grave erreur de les traiter en victimes. J’ai confiance dans leur force et je dois le leur faire comprendre.

Comment faites-vous pour rester optimiste?

Je suis fondamentalement optimiste. J’ai sombré dans la dépression alors que j’avais tout pour être heureuse. J’avais un super partenaire, une belle carrière, mes deux parents encore en vie. Et malgré cela, je me sentais malheureuse parce que je n’arrivais pas à tout intégrer. J’étais ambassadrice de l’Unicef et toutes ces images, tous ces témoignages tournaient en boucle dans ma tête. Cela n’a pas été facile à assimiler. Aujourd’hui, je sais que je peux faire bouger les choses. Que ma positivité est inébranlable.

Vous chantez Le plus beau reste à venir sur l’album Exil.

En effet ! On évolue lentement mais sûrement, inexorablement. La situation ne peut que s’améliorer en ce qui concerne les droits des femmes, les droits des animaux, l’environnement. Je sais aujourd’hui que nous partageons la même planète et que nous sommes solidaires les uns des autres.

BIO EXPRESS

Axelle Red:

1968 : Fabienne Demal naît à Hasselt

1993 : Obtient son diplôme de droit (VUB), s’impose sur la scène internationale avec son premier album Sans Plus Attendre (et son tube Sensualité) A sorti depuis lors plus de 14 albums et vendu plus de 5 millions de disques.

1997: Ambassadrice de l’Unicef

2007 : Nommée Commandeur de l’Ordre de la Couronne et ambassadrice de Handicap International

2008 : Nommée Doctor Honoris Causa par l’Université d’Hasselt pour son travail d’activiste des droits de l’Homme

Vie privée

1998 : Épouse Filip Vanes. Mère de Janelle, 19 ans, Gloria, 15 ans, et Billie, 13 ans. Habite à Linkebeek

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