Anne Vanderdonckt

Bon non-anniversaire!

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Le 10 mai est le jour de l’année où le plus de Belges célèbrent leur anniversaire. Moi, qui ne suis pas née de la dernière ondée printanière, j’ai attendu le soleil du plein été, comme beaucoup dans mon entourage. C’est d’ailleurs la nouvelle tendance de naître en juillet (août et septembre), car oui, il y a des tendances dans ce domaine-là aussi. Dans les années 70, par exemple, on notait le pic plutôt en avril-juin. Dans les pays où la fin d’année s’accompagne de grosses fiestas, la Wallonie s’illustrant dans cette joyeuse statistique, on naît volontiers à la fin de septembre. Et depuis que les accouchements se programment, on évite de sortir son nez du cocon maternel les jours fériés. Ou un 29 février. Ou un 13. Un peu comme dans les hôtels où on ne trouve pas de chambre 13.

Pauvre enfant, soupirait ma mère une fois l’an, tous ses petits camarades d’école sont en vacances, on ne peut pas lui organiser de grande fête au jardin au jour dit. Ce qui m’arrangeait bien. Je n’ai jamais aimé mon anniversaire, avec sa bonne humeur obligatoire, ses gâteaux, ses bougies, toute cette attention ramenée sur moi pour quelque chose que je n’avais eu aucun mérite à conquérir. Et puis, les remarques! 6 ans? Elle reste petite quand même... Cette année, elle pourra rouler à vélo sans les roulettes arrière... comme Martine qui a un an de moins qu’elle... C’est pire pour les enfants nés à Noël...

Ce jour-là, je me levais donc en tirant préventivement la tête, me faisais conséquemment enguirlander dès le petit déjeuner et finissais ma journée à ruminer en écoutant Françoise Hardy pleurer sa solitude sur le tourne-disques, question de bien entretenir les braises du « birthday blues ».

Le lendemain, tout était rentré dans l’ordre.

Je me suis longtemps crue une exception. Heureusement, la science étudie tout et, mieux vaut tard que jamais, j’apprends ainsi que cette particularité est plutôt bien partagée. Notre anniversaire peut, en effet, au pire, favoriser l’anxiété, des signaux d’alerte qui rappellent la dépression et, même, augmenter le risque de suicide.

L’anniversaire, c’est une journée à haut risque où les disputes et les noms d’oiseaux volent en escadrille. Où, surtout lors des caps (30 ans et 50 ans plus particulièrement), on fait le point sur ce qu’on a réussi ou raté, où on se fixe des résolutions qu’on ne tiendra pas, où on se heurte à l’idée du vieillissement inéluctable, du temps qui rétrécit et de la mort comme point final au récit personnel.

Pour peu qu’on aille jeter un oeil sur les réseaux sociaux, ces mouches du coche du XXIe siècle, où tout le monde a l’air tellement beau, heureux et boit des Spritz sans prendre un gramme, on touche le fond.

Mais un anniversaire, c’est aussi l’occasion de réunir autour de soi le cercle choisi de ceux qu’on aime vraiment, en prévenant qu’on zappera le gâteau avec les bougies et les cadeaux ; pas les bulles et la rigolade. Fêter son non-anniversaire, ça se fait et ça le fait!

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