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Des voisins sympas, ça vaut de l’or

Les festivités de la Fête des Voisins n’ont vraisemblablement pas eu lieu cette année, pour des raisons évidentes. Le confinement nous prouve pourtant toute l’importance de ce moment de franche convivialité.

Commençons par un constat : les Belges font assez peu confiance à leurs semblables, un a priori qui a des répercussions sur leurs relations de voisinage. Qu’est-ce qui explique cette méfiance ? « Nous avons tous tendance à rechercher des personnes qui nous ressemblent : même niveau de revenus, même niveau d’éducation, même âge..., analyse Stijn Oosterlynck, sociologue urbain à l’Université d’Anvers. Contrairement à ce qu’on peut observer ailleurs, la Belgique ne compte pas de banlieues où sont regroupées des populations moins favorisées. Ici, des gens de milieux socio-économiques différents vivent côte à côte ce qui permet, potentiellement, un plus large mélange. » Mais proximité physique ne signifie pas forcément plus de contacts sociaux.

Faire plus pour l’esprit de quartier

On assiste néanmoins à un changement de mentalité : on accorde davantage d’attention aux quartiers et à l’importance pour les habitants d’établir des contacts. Dans les villes, le premier contact a souvent lieu à l’initiative des autorités qui encouragent les habitants à faire des activités ensemble. Les petites communes, où les contacts sont souvent plus spontanés, apportent également un soutien financier et/ou logistique aux initiatives de voisinage. D’autres acteurs, les supermarchés de quartier par exemple, jouent également la carte de la proximité.

Une étude du promoteur immobilier Matexi montre qu’au moment d’acheter une maison, 86 % des Belges attachent presqu’autant d’importance au quartier qu’à la maison elle-même. « La mobilité et la mondialisation font que nous cherchons un peu de sécurité et de stabilité dans notre environnement proche », estime Stijn Oosterlynck.

C’est précisément la raison qui a incité Jennick Scheerlinck à développer une application qui permet de communiquer avec les habitants de son quartier. « Les réseaux sociaux ont fait du monde un village. Nous pouvons discuter avec des personnes du monde entier qui partagent nos idées. Mais ces réseaux aussi sont des oeillères car, à trop fréquenter nos semblables, nous imaginons que tout le monde pense comme nous. A ne rechercher que des personnes ayant les mêmes opinions que nous, nous en venons parfois à oublier que nos voisins en ont d’autres, qu’ils se sentent différents, qu’ils parlent une autre langue...

Par ailleurs, il est important d’avoir dans son environnement proche des personnes sur lesquelles compter en cas de besoin. La crise du coronavirus en fait tous les jours la démonstration. » L’application Hoplr remporte un franc succès. Elle est disponible dans environ 150 villes et communes de Belgique et des Pays-Bas. Grâce à elle, environ 2.000 quartiers et 400.000 ménages communiquent, organisent des fêtes, se prêtent des tondeuses à gazon, trouvent des baby-sitters, etc.

Différentes périodes de la vie

Jennick Scheerlinck et Stijn Oosterlynck notent que deux groupes de population ressentent un lien fort avec leur quartier : les personnes âgées et les jeunes familles. « Cela tient surtout à une question de mobilité, remarque Stijn Oosterlynck. Lorsque la mobilité se réduit, on dépend plus de son quartier. Le monde rétrécit, le quartier où on vit prend de l’importance. Les parents de jeunes enfants, eux, recherchent dans leur environnement proche une école, des terrains de jeux, des contacts avec d’autres parents. »

Lorsqu’on est propriétaire de sa maison, on se sent généralement plus proche de son quartier qu’un locataire. On a un intérêt financier à ce que son quartier soit bien coté. En principe, un locataire déménage plus souvent et consacre moins de temps et d’énergie à connaître le quartier et ses habitants. « C’est surtout vrai dans les villes où les gens déménagent assez régulièrement, détaille Stijn Oosterlynck. Dans certains quartiers la population se renouvelle en une dizaine d’années. L’impact sur la cohésion est évidemment énorme. Lorsque vous vivez pendant une longue période au même endroit, les personnes de votre environnement vous sont familières. Vous savez qui vit où. Cela fait naître l’idée qu’en cas de nécessité, vous pourrez frapper à la porte du voisin, même si vous ne vous connaissez pas personnellement. »

Une communication subtile

Il est évident que ce sentiment de familiarité est beaucoup moins présent dans un immeuble où la rotation des locataires est élevée. Par ailleurs, il est impossible de nouer des relations amicales avec tous ses voisins. Pourtant, l’idée de villes où tout le monde est anonyme et où personne ne se soucie des autres est fausse.

« Là où de nombreuses personnes vivent dans un périmètre restreint, il est important de maintenir un bon équilibre entre intimité et autonomie tout en créant un climat de confiance réciproque. En fait, nous savons beaucoup de choses sur nos voisins : s’ils boivent du vin plutôt que de la bière, quel journal ils lisent, à quelle heure ils partent travailler... On les entend parfois même se disputer, ce dont nous ne leur parlons évidemment que si ces éclats de voix sont vraiment dérangeants.

Nous n’ignorons pas non plus nos voisins : on fait un signe de tête, on lance un « Comment ça va ? ». Nous sentons intuitivement si le voisin se contente de ce petit geste ou s’il est ouvert à la conversation. Cette interaction subtile fait de vous un bon voisin. Parce que même si vous n’avez pas de relation personnelle, il vous est familier et vous pouvez voir quand quelque chose ne va pas. »

En temps de crise

L’importance du quartier et des voisins est d’autant plus grande lorsque nous sommes confrontés à un événement aussi fort que la crise du coronavirus. Lorsque chacun est une tête connue dans son quartier – y compris les jeunes branchés hyper mobiles et les plus de 50 ans ayant des enfants adultes – cela peut amener de nouveaux contacts et faire naître de nouvelles amitiés.

Les iniateurs de l’application Hoplr ont remarqué que son utilisation a doublé et que le nombre de quartiers où les échanges étaient peu nombreux a diminué de moitié. « Dans des circonstances normales, les gens utilisent principalement l’application pour se prêter un appareil, pour chercher un-e baby-sitter, pour planifier la fête de quartier, etc., remarque Jennick Scheerlinck. Avec la crise du coronavirus, les gens l’utilisent pour rester en contact, pour diffuser des informations et mettre en place des actions de solidarité, comme l’aide aux personnes âgées, la fabrication de masques, l’animation du quartier. On sent donc bien que les gens veulent développer le lien social dans leur quartier ». Reste à voir si cette solidarité va perdurer mais les bases en ont été jetées...

Christine Vervaet, 56 ans, a appris à connaître ses voisins en jardinant avec eux

« Il y a quatre ans, nous avons quitté Sint-Amandsberg, près de Gand, pour nous installer à la campagne dans la région de Moerbeke-Waas. Dans notre ancien quartier, nous entretenions de bonnes relations avec nos voisins. C’est assez facile lorsqu’on vit près les uns des autres. On entame plus spontanément la conversation quand on se rencontre en rue par exemple. A Moerbeke, les maisons sont plus éloignées les unes des autres et, à notre arrivée, nous avons trouvé des nouveaux voisins aimables mais plutôt fermés.

C’est suite à une discussion qu’est née, il y a trois ans, l’idée de créer un potager écologique sur un bout de terrain inutilisé. Le Velt (une association en faveur du jardinage écologique) loue le terrain que nous cultivons. C’était un pari car, dans le quartier, tout le monde possède un jardin. Mais les habitants se sont montrés intéressés à participer à un projet commun qui rassemble désormais une dizaine de familles. Travailler la terre ensemble apporte une dimension supplémentaire.

Christine Vervaet et ses voisins.
Christine Vervaet et ses voisins.

En jardinant avec mes voisins j’ai appris à connaître des gens avec lesquels je ne serais probablement jamais entrée en contact autrement. Il y a parfois des discussions sur la répartition des tâches mais jamais de disputes. Le projet ne se limite pas non plus aux contacts entre jardiniers. D’autres habitants viennent régulièrement jeter un coup d’oeil ou apporter des plantes. Nous collaborons avec l’intercommunale en charge des déchets et organisons des journées portes ouvertes pour faire connaître le projet.

Je suis convaincue que les contacts entre voisins peuvent prévenir d’éventuelles frictions. Vous connaissez un peu mieux les gens et vous vous rendez compte que, même si ce n’est pas toujours facile, chacun essaie de faire de son mieux pour que règne le meilleur climat possible. »

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