Anne Vanderdonckt

Est-ce bien de ton âge?

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Je suis tombée follement amoureuse d’une maison. Aucun argument n’aurait pu m’y faire renoncer. A quoi ressemble-t-elle? Eh bien, c’est très simple: prenez la liste des éléments du logement que tout le monde, y compris moi depuis des années dans ces pages, présente comme idéal pour bien vieillir, visualisez le contraire, et vous en aurez un portrait assez exact.

Depuis, combien de fois ai-je dû endurer un « Est-ce bien malin à ton âge? », exprimé avec plus ou moins de diplomatie. Mais non, ce n’est pas raisonnable. Et alors? J’ai toujours privilégié la ligne d’un canapé à son confort. Je me fiche d’avoir mal aux pieds si mes chaussures sont jolies. Pourquoi faudrait-il que je change mes priorités? Pourquoi faudrait-il que je renonce à être moi?

J’ai été raisonnable toute ma vie, il est bien temps de ne plus l’être. C’est ça que me dicte mon âge. Profite! Car la vie est courte, et j’ai vu trop de gens frustrés d’avoir renoncé à leurs vraies aspirations, poussés par ce que la société bien pensante (à leur place) leur dictait de faire.

Durant les vingt-cinq ans qu’a duré leur vie en bonne santé, après leur déménagement dans un appartement « parfait pour vieillir », mes parents n’ont pas passé un jour sans regretter leur maison et leur jardin. Un quart de siècle...

Quinquas, les enfants hors du nid, pas de soucis financiers, pourquoi Michel et Marie envisagent-ils de quitter la maison dans laquelle ils se plaisent tant pour un appartement en ville dont rien que l’idée leur fait froncer le nez? « Parce que 50+, les enfants partis, voilà, c’est le schéma normal... » Et si la vraie question à se poser était: ai-je envie et dois-je partir alors que je n’y suis pas obligé?

Je suis révoltée quand des gens auquel j’annonce, sans plus d’explications, que je déménage embrayent aussitôt en me répondant que j’ai bien raison, qu’il faut prévoir ses vieux jours (qui ne sont quand même pas pour demain, ndlr) et un logement adapté. J’ai parlé de ça, moi?

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit: je ne juge pas ici de la supériorité d’un choix ou d’un autre. Simplement, que chacun fasse comme il le trouve le mieux pour lui-même, selon ses envies et ses besoins, en son âme et conscience, sans se faire dicter ses choix. Et qu’on envoie tous ces discours limitatifs liés à l’âge à la gare la plus proche! Les cheveux longs, ça ne va plus après 50 ans, hein! Ni les jupes courtes! Ni le rouge à lèvres vif! Ni le petit coupé sport qui fait « vieux beau »! Ni l’amoureux/se plus jeune!

Renoncer. Renoncer. Renoncer. Eh bien, non!

Le pire, c’est de renoncer à ses rêves. Et, « quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle... », selon les vers mythiques de Ronsard, de ressasser les occasions perdues. De nourrir ses regrets comme des insectes indésirables.

Chapeau à cette Indienne qui, rayonnante de bonheur, vient d’obtenir son diplôme d’alphabétisation de l’Etat du Kerala... à 104 ans. Elle rêvait de pouvoir lire et écrire. Elle a réalisé son rêve. Et, entre les deux, a sans aucun doute envoyé paître tous les esprits chagrins qui lui avaient lancé: « A ton âge! »

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