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Le cyclotourisme sur la sellette: le ras-le-bol est palpable dans certaines communes

Steve Van Herpe
Steve Van Herpe Steve Van Herpe est rédacteur de Sport/Voetbalmagazine.

Vous avez l’étoffe d’un Wout van Aert ou d’un Remco Evenepoel? Les adeptes de la petite reine peuvent aujourd’hui tester leurs limites lors d’épreuves cyclistes organisées dans toute la Belgique. Mais ces événements de masse ne plaisent pas à tout le monde.

Le Belge a une brique dans le ventre et est fan de cyclisme, c’est un fait. En témoigne le grand nombre de coureurs professionnels et de cyclistes amateurs que compte notre pays. Une nouvelle tradition a vu le jour dans les années 90 afin de mieux les satisfaire: des événements cyclistes auxquels peuvent participer des milliers d’amateurs. Les deux principaux sont We Ride Flanders, le samedi précédant le Tour des Flandres et le Liège-Bastogne-Liège Challenge, la veille de la célèbre classique ardennaise. Le second a suscité quelques tensions au début de cette année électorale, lorsque les bourgmestres de 16 communes – dont Stavelot, Malmedy, Spa et Stoumont – ont déclaré conjointement qu’aucune épreuve cycliste de plus de 500 participants ne pouvait plus passer par leur commune. Lorsque leur décision est tombée, plus de 60.000 amateurs s’étaient déjà inscrits au Liège-Bastogne-Liège Challenge, dont bon nombre venaient de l’étranger. Les billets d’avion et les hôtels étaient déjà réservés...

La principale raison expliquant cette fin de non-recevoir? La gêne occasionnée par ces événements. «Depuis quelques années, nous observons un manque croissant de discipline de la part des cyclotouristes à l’égard des riverains et des personnes avec qui ils partagent la voie publique, affirmait Thierry de Bournonville, le bourgmestre de Stavelot, dans les médias. Il y a également des problèmes récurrents de déchets sauvages le long du parcours et de circulation en raison de l’incompétence des signaleurs.» Autre point délicat: il n’y a pas assez d’agents de police pour tout gérer correctement et garantir la sécurité.

Les bourgmestres ont refusé de discuter avec Golazo Sports et A.S.O., les organisateurs du Liège-Bastogne-Liège Challenge. Cela a contraint Golazo Sports et A.S.O. à chercher un autre parcours en faisant une croix sur le Stockeu, la mythique ascension qui débute à Stavelot par le pont surplombant l’Amblève. «Mais c’est un mal pour un bien, confie Christophe Impens, talentueux coureur olympique dans les années 90 et désormais Managing Director chez Golazo Sports. Nous avons trouvé de belles ascensions pour le milieu du parcours du Liège-Bastogne-Liège Challenge. En outre, La Redoute et La Roche aux Faucons sont toujours au programme.»

Une convention

Le cyclisme cause quelques frictions cette année en Wallonie, mais aussi aux Pays-Bas. À Vaals, il a été question de ne pas autoriser le passage de l’Amstel Gold Race cyclosportive, que les amateurs disputent un jour avant la classique néerlandaise. Les autorités communales ont affirmé que les grands événements cyclistes perturbent la quiétude des zones calmes et provoquent des tensions entre les agriculteurs et les participants. Le sud de la province du Limbourg est très prisé par les organisateurs des épreuves cyclistes, étant donné que c’est la seule région des Pays-Bas offrant un paysage un peu vallonné. Ce sont donc toujours les mêmes communes qui doivent se coltiner la foule de cyclotouristes. Mais ces événements ont aussi un impact positif comme l’a expliqué Leo van Vliet, directeur de course de l’Amstel Gold Race, au conseil communal de Vaals: 20 millions d’euros de retombées économiques pour la région. En fin de compte, les protestations à Vaals se sont limitées à une tempête dans un verre d’eau et l’Amstel Gold Race cyclosportive pourra se dérouler normalement cette année.

Une convention énumère clairement les obligations que nous devons satisfaire en tant qu’organisateur de We Ride Flanders. – Christophe Impens

Le son de cloche est tout autre en Flandre où les bourgmestres accueillent à bras ouverts les milliers de cyclotouristes chaque année. Cela donne même lieu à une fête populaire. «Nous avons conclu une convention avec la province de Flandre orientale, explique Christophe Impens. Il s’agit d’un contrat énumérant les droits et obligations de la province, des communes et de l’organisateur. Il précise par exemple très clairement les exigences auxquelles nous devons satisfaire en matière de gestion des déchets et de sécurité. Les participants doivent également respecter un code de conduite.»

Ces accords sont nécessaires, car l’organisation d’une épreuve cycliste revêt de nombreux aspects: police, signaleurs, postes de ravitaillement pour les participants... Les premières épreuves cyclistes des années 90 n’attiraient que quelques centaines d’amateurs enthousiastes, maintenant, elles en séduisent des milliers. Le nombre maximal d’inscrits a été fixé à 16.000 pour We Ride Flanders et à 8.000 pour le Liège-Bastogne-Liège Challenge. Sans quoi ce n’est plus gérable pour les organisateurs. «En contrepartie de cette limite, trois à quatre voies du parcours seront réservées aux participants officiellement inscrits, par exemple le Vieux Quaremont. Une séparation est alors installée avec les agents de police et les stewards, que vous ne pouvez franchir que si vous êtes muni du sésame officiel de l’organisation. Cette mesure vise à décourager les fraudeurs et cela porte ses fruits: nous observons actuellement très peu de participants non inscrits. Ainsi, nous pouvons garantir la sécurité.»

Une question de dialogue

En tant que participant, vous devez respecter certaines règles tout au long du parcours: ne pas uriner en public (il y a des sanitaires sur le parcours), garder vos déchets dans votre poche arrière jusqu’au prochain point de ravitaillement (par exemple l’emballage d’un gel énergétique) comme le font les coureurs professionnels, respecter les autres cyclistes de même que les autres usagers de la route, respecter le code de la route, ne pas prendre de stimulants, etc.

Les nuisances visées par les bourgmestres de la province de Liège sont en partie liées au comportement des participants. «C’est un reflet de la société, estime Christophe Impens. Si 8.000 participants prennent part au Liège-Bastogne-Liège Challenge, il y aura toujours une vingtaine de personnes qui ne se comporteront pas correctement. Si je roule sur l’autoroute en direction de Bruxelles, deux véhicules finiront sans doute par me dépasser à 180 km/h. Et peut-être qu’un des occupants me fera un doigt d’honneur parce que je ne m’écarte pas assez vite de son chemin.»

D’autres formes de nuisances peuvent être évitées. «La densité de population en Wallonie est bien inférieure à celle de la Flandre. Vous pouvez planifier le parcours pour éviter le centre du village afin que chacun puisse encore se rendre facilement chez le boulanger ou le boucher ce samedi-là. Une autre solution consiste à raccourcir les créneaux horaires de départ afin de raccourcir la durée du passage dans le village. Et nous comprenons qu’il n’y a pas assez d’agents de police, mais pour de grands événements comme celui-là, on peut faire appel à la police fédérale.»

Pour Christophe Impens, le dialogue est essentiel pour arriver à des solutions, mais les bourgmestres wallons ne veulent pas se mettre autour de la table. «Dans la province de Liège, il n’existe pas de convention qui permet d’obtenir l’adhésion de tous les bourgmestres et de réfléchir ensemble à la manière de gérer cela. Car, après tout, le Liège-Bastogne-Liège Challenge devrait être une fête. Tous ces villages devraient être fiers d’accueillir 8.000 cyclotouristes une fois par an. Mais la fierté qu’on perçoit dans les Ardennes flamandes fait un peu défaut en Wallonie.»

La décision des 16 bourgmestres a un impact sur le Liège-Bastogne-Liège Challenge, mais également sur bien d’autres épreuves cyclistes comptant plus de cinq cents participants: Tilff-Bastogne-Tilff, Flèche de Wallonie, Géant des Ardennes, Sean Kelly Classic...

2,3 millions d’euros

Il est intéressant de noter que, ces dernières années, de plus en plus de participants étrangers apparaissent sur la liste d’inscription des grands circuits cyclotouristes en Belgique. «Ils viennent des quatre coins du monde: Australie, Canada, Amérique du Sud, Asie... Ils apprécient découvrir la région et profiter le jour suivant de la course professionnelle. L’année suivante, ils reviendront peut-être avec leur famille pour un citytrip à Bruxelles, Bruges, Gand, Liège... Le cyclotourisme porte bien son nom. Attachons-nous cette fois à la deuxième composante du mot. L’impact économique du Liège-Bastogne-Liège Challenge est estimé à 2,3 millions d’euros. Cela englobe des nuits d’hôtel, des billets d’avion, des consommations... J’ai le sentiment qu’en Wallonie, on n’a pas de vision globale. Je ne peux qu’espérer que les bourgmestres accepteraient d’ouvrir le dialogue dans la perspective de l’année prochaine.»

Moins de courses de kermesse ?

L’organisation de grandes épreuves cyclistes pour amateurs, telles que We Ride Flanders ou le Liège-Bastogne-Liège Challenge, demande beaucoup de travail, mais ce n’est pas plus facile pour une course de kermesse. «Ces dernières années, tout est beaucoup plus réglementé, précise Stefaan Pollin, secrétaire de Wijnendale Sportief, un club cycliste qui organise une course de kermesse à Torhout. Vous devez par exemple prévoir une zone pour les déchets, où les coureurs peuvent jeter leurs emballages. Si ces règles renforcent la sécurité, nous les adopterons, car c’est très important. Nous devons composer aussi avec les aménagements routiers, comme des ronds-points, des îlots, des poteaux, etc. En outre, il est toujours plus difficile de trouver des signaleurs. Ces personnes restent à leur poste pendant des heures pour 15 € et un sandwich. Le coût augmente également. Cela comprend non seulement la cotisation à Cycling Vlaanderen et la licence, mais aussi les prix, la restauration, la Croix-Rouge... Ce n’est pas évident de glaner cet argent auprès des commerçants locaux. La charge administrative augmente de plus en plus, souvent en ligne, ce qui fait que les personnes plus âgées du comité d’organisation jettent l’éponge. Pour toutes ces raisons, je pense que de nombreuses courses de kermesse disparaîtront à moyen terme. Quoi qu’il en soit, la passion pour la course reste notre plus grand moteur.»

www.federationcycliste-walloniebruxelles.be

Infos: Calendrier: peloton.be/fr/ We Ride Flanders: werideflanders.co Liège-Bastogne-Liège Challenge: lblchallenge.be

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