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Trouvez un sens à votre retraite!

Arriver à la retraite, c’est devoir réinventer sa vie. Mais, très pratiquement, comment y parvenir au mieux, une fois que tous les repères liés au monde du travail ont disparu?

Dans le jargon des psys qui abordent régulièrement la problématique, on l’appelle la « lune de miel ». Le départ à la retraite débute souvent par une phase un peu euphorique, où la vie prend des allures de vacances, de petit paradis. Plus besoin de devoir se lever pour partir travailler cinq jours par semaine, youpie! Enfin du temps pour soi, pour les amis, pour la famille! Enfin du temps à consacrer à des activités plaisantes!

Oui mais voilà, comme toutes les lunes de miel, celle-ci n’a qu’un temps. « Cela peut durer jusqu’à environ deux ans, souligne Liliane Charenzowski, psychologue et autrice du livre « Devenez l’acteur de votre retraite » (Genèse édition). Durant cette période, on fait les albums photos qu’on n’a jamais pris le temps de faire, on repeint l’appartement, on profite, ça se passe plutôt bien si l’agenda est plus ou moins remplis. Mais une question finit toujours par poindre à un moment ou un autre: et maintenant, que vais-je faire de ma vie? On tombe alors dans une rivière émotionnelle, un processus nécessaire mais qui fait un peu peur, où se multiplient les questionnements. »

Tout comme le travail, la pension a besoin de sens pour être épanouissante.

Ce passage à vide n’a rien d’exceptionnel: il suffit de demander autour de soi pour constater qu’il touche presque tous les néo-retraités à un moment ou un autre. « La génération qui part actuellement à la retraite a souvent considéré le travail comme une valeur suprême, un aspect très structurant de son existence, poursuit la psychologue. Et tout ceci disparaît, parfois du jour au lendemain. Arrêter de travailler entraîne une désorganisation totale du temps et de l’espace. Et c’est d’autant plus le cas chez les personnes qui étaient très investies dans leur métier. »

« Pour reprendre une métaphore, la vie active est comme un collier de perle, illustre Alice Doornaert, qui coordonne des séminaires de préparation à la retraite à l’UDA. Le fil, c’est le travail, et les perles, ce sont les loisirs, les amis, la famille, tout le reste. C’est le fil qui structure le tout: quand il n’est plus là, les perles sont dispersées, sens dessus-dessous, on n’arrive plus à les agencer, on est perdu. Il faut donc retrouver un fil. » En d’autres mots, redonner une structure et un sens à sa vie.

Au secours!

Trouver du sens à sa pension est loin d’être toujours évident, on vous l’accorde. Sachez toutefois qu’il existe des ressources à qui faire appel en cas de besoin. Le recours à un coach est parfois salutaire: celui-ci ne vous donnera pas de réponses toutes prêtes mais, en posant les bonnes questions, il vous permettra de trouver en vous-même les solutions. Il existe par ailleurs des séminaires de préparation à la retraite, comme ceux que proposent l’UDA (anciennement l’Université des aînés, associée à l’UCLouvain) et dans lesquels cet aspect est abordé. Ceux-ci sont loin d’être gratuits mais peuvent parfois être financés par l’employeur d’un travailleur en fin de carrière. Dès lors, pourquoi ne pas le demander?

Une approche trop légère

Or, bien souvent, si les futurs retraités s’enquièrent de l’avenir de leurs finances ou de leur santé, ils sous-estiment l’impact psycho-social qu’impliquera ce chamboulement. « Les gens ont parfois des a priori trop positifs, une approche trop légère, reconnaît Alice Doornaert. Car même si on a plein d’idées pour s’occuper, ce n’est pas pour autant que ça va remplacer le travail et toutes ses fonctions. Penser sa retraite, ce n’est pas juste remplir son emploi du temps d’activités plaisantes: encore faut-il le meubler par des choses qui ont du sens pour soi, qui entrent en résonance avec nos valeurs. »

Et, au premier abord, il n’est pas toujours évident de savoir vers où se diriger. « C’est une question complexe à laquelle peu de gens sont préparés, accordent Gaëlle Ryelandt et Vincent De Waele, coachs proposant des parcours de développement personnel pour les plus de 45 ans (Sense+). La vie professionnelle et la vie familiale ont souvent mis en sourdine nos aspirations profondes, il fallait avant tout assurer des rentrées d’argent. La retraite débarrassant – au moins théoriquement – la vie des questions financières, elle doit vraiment être vue comme une nouvelle phase de vie, avec une remise en question, ce qui peut être très sain et constructif. Mais pour certains, c’est comme se retrouver face à un gouffre. »

Retraite, mode d’emploi

Pour ceux-ci, comment retrouver des activités qui font sens? Chaque profil étant différent, il n’existe pas de recette toute faite. Tout au plus peut-on suggérer un cheminement et quelques pistes de réflexion. « L’idéal est de ne pas attendre la pension avant d’y réfléchir, conseille Vincent De Waele. Pour éviter un décalage trop fort lors de l’arrivée à la retraite, mieux vaut entamer une mutation progressive. On aménage sa fin de carrière, on réduit ses responsabilités, pour avoir le temps d’essayer d’autres activités et qu’un équilibre puisse se mettre en place plus naturellement... »

1. IDENTIFIEZ VOS VALEURS

La première étape consiste à identifier vos besoins profonds, vos moteurs de vie. Pour y arriver, les coachs de Sense+ suggèrent quelques questions. Prenez le temps de vous poser, pourquoi pas avec un bic et un papier, pour y répondre. Qu’est ce qui vous donne de l’énergie quand vous n’avez pas de contraintes? Quelles sont vos motivations qui ne sont pas spécialement liées à un résultat?

Vous séchez? « Pensez à votre travail, recommande Alice Doornaert. Que vous apportait-il que vous aimeriez retrouver à la retraite? ». Il est aussi possible de pousser la réflexion plus loin dans le passé. « Votre vie familiale et professionnelle vous a incité à plein de concessions qui n’étaient parfois pas cohérentes avec vous-mêmes, rappelle Liliane Charenzowski. Autant de compromissions que la personne rebelle que vous étiez à 16 ans n’aurait pas accepté. Revenez aux valeurs de cette époque, à cette période où vous cherchiez à établir votre identité, ce qui vous était essentiel. Quels étaient vos rêves à l’adolescence? Écrire? Vous occuper des autres? Si vous parvenez à remettre de mots là-dessus, vous tiendrez quelque chose de très fort. » Demander aux proches quels sont vos talents peut aussi être révélateur.

2. IDENTIFIEZ VOS FREINS

Une fois ces moteurs trouvés, quantité d’activités s’offrent à vous. Elles permettront par la suite de restructurer votre vie, de jouer le rôle de « fil du collier ». Pour autant, au moment de choisir, vous risquez rapidement de vous auto-limiter, d’éliminer quelques-unes de ces activités un peu trop rapidement ou d’en favoriser d’autres qui ne vous conviennent pas. « Nous avons tous des freins inconscients, qui nous incitent à ne pas nous écouter, à ne pas oser faire des choses qui nous plaisent... et à faire des choses qui ne nous plaisent pas vraiment », fait remarquer Vincent De Waele. En avoir conscience permet de débloquer certaines réticences.

L’altruisme, les relations sociales et la transmission sont souvent des valeurs mises en avant à l’âge de la retraite, mais sachez que vous avez aussi le droit d’avoir d’autres intérêts et envies profondes. Le tout, c’est de se l’avouer: aimer résoudre des problèmes complexes, ressentir l’adrénaline avant de monter en scène, bricoler seul et peinard dans son coin, vouloir être reconnu dans son domaine ou s’adonner à la médiation/contemplation en solitaire n’ont rien d’honteux. « Si vous acceptez un poste de trésorier bénévole dans une asbl, demandez-vous si c’est pour votre propre plaisir. Si oui, c’est parfait! Mais si c’est avant tout pour faire plaisir aux autres, parce que vous avez une expérience dans ce domaine, réfléchissez-y à deux fois. Idem pour vos petits-enfants: oui, vous pouvez les garder régulièrement, mais en vous demandant si cela vous fait vraiment plaisir. Vous avez le droit de ne pas avoir envie de jouer au taxi tous vos mercredis. »

Nous avons tous des freins inconscients, qui incitent à ne pas nous écouter.

A contrario, si vous êtes passionné de course automobile, il va de soi que votre ambition d’ado de faire carrière comme pilote sur le circuit de Spa Francorchamps ne se réalisera plus. Désolé de vous l’annoncer. Pour autant, faut-il jeter l’entièreté de ce rêve à la poubelle? En cherchant bien, il est presque toujours possible de trouver des activités en lien avec ses passions et respectant ses valeurs, moyennant parfois quelques aménagements. Dans ce cas-ci, il existe des clubs de fans, des postes bénévoles de commissaires de course, etc. « Négligez les préjugés que vous avez contre vous-même et reprenez confiance, ajoute Liliane Charenzowski. Vous aimeriez faire du dessin mais vous vous trouvez nul? Quand bien même ce serait le cas, au fond, est-ce vraiment un problème? » Et puis, ce n’est pas parce qu’on commence tard une discipline qu’il n’y a pas de marge de progression...

3. CHERCHEZ DE L’INSPIRATION ET DE L’AIDE

Vous avez identifié vos valeurs mais vous ne trouvez pas d’activité en lien? Ou vous n’osez pas vous lancer? Parlez à d’autres gens à la retraite, lisez, trouvez des modèles inspirants: les pages « C’est ma vie » de ce magazine ne sont par exemple pas là pour autre chose! « Osez le parrainage, insiste la psychologue. Contactez ces gens qui vous inspirent, demandez comment ils ont fait. » Dans la plupart des cas, il s’agit de passionnés qui ne rechigneront pas à vous mettre le pied à l’étrier ou à vous inclure dans leur projet. Le plus dur sera alors fait! Libre à vous, ensuite, de vivre pleinement ce nouveau chapitre de votre vie...

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