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Trop tard pour un mandat

Le mandat de protection extrajudiciaire permet de prendre des décisions pour une autre personne sans devoir recourir au juge de paix. Mais quid si la personne n’est déjà plus capable?

La mère de Nathalie n’allait pas très bien depuis un moment. Elle avait de plus en plus souvent de moments d’oubli et de confusion. Mais Nathalie et son frère ont mis du temps à comprendre que quelque chose clochait. Leur mère n’avait que 63 ans, elle était encore jeune. Jusqu’au jour où le diagnostic est tombé: démence précoce.

« Depuis le diagnostic, nous n’avons plus réussi à parler d’avenir avec notre mère, explique Nathalie. J’espérais toujours que nous arriverions à la convaincre de régler certaines choses pendant un moment de lucidité, une prochaine fois. On s’est finalement rendu compte qu’elle ne savait même plus qu’elle était propriétaire de la maison qu’elle habitait, achetée vingt ans plus tôt... Nous avons compris qu’il était trop tard pour un mandat de protection extrajudiciaire. Il fallait recourir au juge de paix pour désigner un administrateur habilité à décider pour maman. Comme je suis sa fille, je pourrais être nommée administrateur à condition de savoir ce que cela implique exactement. Son partenaire peut-il agir en tant que personne de confiance et en quoi consiste cette mission précisément? Ces démarches sont indispensables car nous réglons déjà un tas de choses pour elle. Que pouvons-nous et ne pouvons-nous pas faire en l’absence d’administrateur dûment désigné? Pouvons-nous louer sa maison, vendre sa voiture? »

PAS DE MANDAT S’IL Y A INCAPACITÉ

« Le notaire ne peut établir un acte que pour une personne qu’il estime être capable d’exprimer sa volonté, explique la notaire Carol Bohyn, porte-parole du site Notaire.be. S’il a le moindre doute, il peut exiger un certificat médical. Si le notaire soupçonne la personne de ne plus être en état d’exprimer sa volonté, il n’actera pas. Toute personne incapable ne peut en principe pas conclure de contrats ni prendre de décisions entraînant des conséquences juridiques. Elle ne peut pas choisir elle-même son centre de soins et de résidence, ni faire de donations à ses enfants. »

BLOQUAGE AU NIVEAU DE LA FAMILLE

Dans la pratique, nombreux sont les enfants qui rendent toutes sortes de services au parent concerné. Dans la plupart des cas, ils ne sont pas mandatés. Le parent donne sa carte de banque pour que son fils ou sa fille puisse faire les courses, retirer de l’argent, payer les factures... en toute confiance. Mais il y a des limites.

« Ainsi, par exemple, vous ne pouvez pas vendre la voiture de votre mère à sa place, précise la notaire Carol Bohyn. Il faut sa signature. Si elle est jugée incapable, sa signature n’est pas valide et le contrat de vente peut être considéré comme nul. De la même façon, un bien immobilier ne peut être ni vendu ni loué au nom de votre parent. Si un mandat n’est plus possible, la famille n’a d’autre choix que de faire nommer un administrateur par le juge de paix pour pouvoir procéder à la vente de la maison ou de la voiture. »

LA JUSTICE DE PAIX

Un enfant, un membre de la famille ou tout autre personne intéressée peut introduire une requête auprès du juge de paix compétent pour le lieu de résidence (domicile ou centre de soins) de la personne à placer sous protection extrajudiciaire. Les informations donnent au juge des indications sur le réseau social de la personne à protéger, sa situation familiale, morale et matérielle. Il est aussi possible de faire des suggestions: qui peut être nommé administrateur, les actions que votre parent n’est plus en mesure d’entreprendre, selon vous. Il est toujours possible par la suite de demander au juge de compléter la liste des actes devenus impossibles à accomplir.

La requête doit être complétée par une attestation de domicile et de lieu de résidence, ainsi que d’un certificat médical circonstancié établi par un médecin (qui n’est pas de la famille ni lié au centre de résidence et de soins), daté de 15 jours au plus. La requête est inscrite au rôle du tribunal compétent après paiement de 22?.

CE QUE L’ADMINISTRATEUR PEUT/DOIT FAIRE

Le juge de paix convoque tous les intéressés et décide de nommer un administrateur, soit pour la personne (choix du lieu de résidence par exemple), soit pour les biens, soit pour la personne et les biens. L’administrateur sera de préférence un membre de la famille mais ce peut aussi être un professionnel, un avocat par exemple.

« Le prononcé du juge de paix précisera ce que l’administrateur doit faire et ce que la personne protégée peut ou ne peut plus accomplir seule, analyse la notaire Carol Bohyn. Pour les décisions importantes, telles qu’une vente immobilière, une donation, l’acceptation ou le renoncement à un héritage, la contraction d’un emprunt, l’administrateur doit obtenir l’autorisation préalable du juge de paix (sur requête). D’autres décisions ne nécessitent pas d’autorisation: paiement de factures, vente de voiture... »

L’administrateur doit faire un rapport de sa gestion, généralement plusieurs fois par an: solde du compte à vue, compte d’épargne, compte titres éventuel mais aussi des conditions de vie, etc. S’il a reçu une mission de représentation (pouvoir de décider à la place de quelqu’un) et pas seulement d’assistance (dans ce cas, la personne protégée décide elle-même, avec son aide), l’administrateur doit en outre rendre un rapport initial.

LE RÔLE DE LA PERSONNE DE CONFIANCE

Peut également être désignée une personne de confiance qui apporte une aide physique, psychique et sociale. Elle a droit de regard sur la gestion du représentant et demander des explications. Dans le cadre d’une administration comme pour la mère de Nathalie, le partenaire et personne de confiance apporte une aide supplémentaire et veille au respect des souhaits de la mère de Nathalie.

Où trouver des modèles?

Le site du SPF Justice met à disposition plusieurs modèles de documents:

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