© WIM KEMPENAERS

Un éléphant sur un trampoline

Je descends l’escalier en pyjama. Cette nuit, la sonnerie de mon téléphone m’a déjà réveillée plusieurs fois et je n’ai pas le courage de me changer une fois de plus... Au passage, le secrétaire me donne une petite tape encourageante sur l’épaule. Pendant ses heures de garde, il reste éveillé toute la nuit, alors que moi j’essaie toujours de glaner quelques heures de sommeil. Mais cette fois, il semblerait que ce soit peine perdue...

Un couple se trouve dans la salle d’attente. Ils ont l’air aussi épuisés que moi. L’homme est assis, penché en avant ; sa femme fait les cent pas. Dès qu’ils me voient, lui se met à grogner et elle lève les yeux, soulagée. Elle a eu toutes les peines du monde à inciter son mari à consulter un médecin. Il pense qu’elle s’en fait pour rien...

Je me fais du souci en le voyant se lever. Son regard trahit sa souffrance. « C’est comme si un éléphant faisait du trempoline sur ma poitrine, au rythme de ma respiration! », explique-t-il. Le couple aurait mieux fait de téléphoner avant de venir: j’aurais tout de suite appelé les urgences. Calmement, je leur conseille de se rendre à côté, aux service des urgences, mais l’homme renâcle. « C’est vraiment nécessaire? Donnez-moi des antidouleurs! » Finalement, il se laisse convaincre, mais seulement s’il peut y aller à pied...

Entre-temps, j’ai appelé une de mes consoeurs urgentistes. Tandis que je me rends aux urgences avec le couple, je lui donne mon avis par téléphone. Nous n’avons pas encore refermé la porte d’entrée que je la vois venir à notre rencontre avec un fauteuil roulant. « Bonjour! », lance-t-elle. La médecin urgentiste parvient à convaincre mon patient de prendre place dans le fauteuil roulant. Et les voilà qui franchissent les portes coulissantes à vive allure. L’épouse et moi tentons de suivre le rythme. A peine avons-nous rempli les formalités d’inscription que je vois le coin de ses yeux s’humidifier.

« Tout va bien se passer », ai-je envie de lui glisser. Mais il y a des choses que les médecins ne peuvent pas promettre, hélas. En revanche, je lui dis à quel point je suis soulagée qu’elle ait réussi à convaincre son mari de venir. « Grâce à vous, il est en de bonnes mains. » Une infirmière s’approche avec un appareil ECG (électrocardiogramme) et semble prendre l’épouse en charge.

Je n’ai plus été tirée du lit cette nuit-là, mais je n’ai pas retrouvé le sommeil. J’ai donc éteint mon réveil avant qu’il ne se mette à sonner. Après mes heures, je suis allée demander des nouvelles à ma consoeur urgentiste. Comment cela s’est-il passé? C’était une inflammation du péricarde, pas un infarctus. Pendant mon trajet de retour chez moi, à vélo, je me rends compte que plusieurs signaux cliniques penchaient déjà en faveur de ce diagnostic. Pourtant, mieux vaut ne prendre aucun risque quand il est question d’éléphant qui fait du trampoline! L’épouse de cet homme l’avait, fort heureusement, bien compris...

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