© Getty Images

Comment utiliser l’ia au quotidien

Les agents conversationnels ia, tels ChatGPT, simplifient le quotidien ou les tâches professionnelles. À condition de les utiliser pour ce qu’ils sont: des assistants pleins de bonne volonté et érudits… mais finalement un peu stupides.

Lorsqu’on n’y connaît rien, la façon la plus simple de découvrir les potentialités de l’intelligence artificielle est encore de le faire via un agent conversationnel (ou chatbot, dans la langue de Shakespeare). Soit un programme de discussion, accessible via ordinateur, tablette ou smartphone, et dont l’interface assez basique n’est pas sans rappeler n’importe quelle application de messagerie. En d’autres termes, si vous utilisez déjà des applications telles que Whatsapp ou Messenger, vous ne débarquerez pas dans un univers complètement exotique…

A l’heure actuelle, ChatGPT est l’un des chatbots les plus évolués, et probablement le plus accessible pour les particuliers. Ce dernier est capable d’entretenir une conversation, de répondre à des questions pointues, de produire du texte -en respectant un style bien défini ou inspiré d’un modèle-, mais aussi de synthétiser ou traduire un document, une conférence, voire de créer une image.

Mais encore faut-il savoir s’en servir correctement… «Pas de panique: c’est beaucoup plus facile à utiliser que n’importe quel autre logiciel, car il suffit de savoir discuter, rassure d’emblée Diederick Legrain, ancien journaliste devenu formateur en ia. Enfin… C’est à la fois très facile, mais aussi très déroutant, car il va falloir apprendre à converser longuement, non pas avec une autre personne, mais avec une machine.»

Bonjour, ChatGPT !

La principale erreur, celle que tout le monde commet au début, serait en effet de considérer ChatGPT (ou un de ses équivalents) comme un simple super Google. Les premières interactions se limitent bien souvent à poser des questions simples, des requêtes identiques à celles posées à un moteur de recherche, telles que «Trouve-moi une recette de tarte aux pommes pas trop sucrée» ou «Quelle météo fera-t-il ce week-end à la Côte?». «Vous pouvez fonctionner de la sorte, mais ça n’a pas beaucoup d’intérêt, explique le formateur. ChatGPT va vous répondre, mais n’exploitera pas ses potentialités. Pour que ce soit le cas, et aussi stupéfiant que ça puisse paraître, il faut lui parler comme à une personne bien vivante. C’est vraiment via la discussion qu’il offre une plus-value. Heureusement, l’ia fait assez bien illusion…»

Partant de là, la chose à faire lors de vos premières incursions sur ChatGPT est de vous comporter comme face à un prestataire de services humain, ou à un assistant. Commencez par vous présenter un peu: dites qui vous êtes, quel âge vous avez, pour quoi vous pensez faire appel à elle, demandez-lui ce qu’elle pourrait vous apporter… «Il ne faut pas non plus hésiter à demander concrètement de l’aide à ChatGPT, à lui dire texto, «Tiens, j’ai besoin de ton aide pour ceci ou cela…», car cela va l’inciter à aller plus loin que la simple requête, à proposer des choses qu’on n’aurait pas nécessairement imaginées…»

Commenter les réponses, demander des éclaircissements, une reformulation ou éventuellement expliquer à l’ia qu’elle s’est complètement plantée dans une de ses suggestions est également important. La fonction vocale facilite l’échange, puisqu’il est possible de «parler» avec l’ia. «Au bout d’un moment, l’ia va vous connaître un peu mieux, et répondre à vos questions de façon contextualisée, en tenant compte de vos préférences et exigences, explique Diederick Legrain. C’est donc beaucoup plus qu’un fournisseur de réponses toute prêtes: c’est un processus, une aide qui se souvient de ce qu’on a dit auparavant et qui peut reprendre une conversation.» Un exemple: votre médecin vous a signalé que vous deviez manger plus équilibré et vous cherchez des idées de repas adaptés avec ChatGPT. Si vous avez précédemment dit à celui-ci que vous n’aimiez pas les carottes, que vous n’aviez pas beaucoup le temps de cuisiner en soirée et, lorsque vous cherchiez un resto, que vous êtes amateur de cuisine asiatique, il s’en souviendra et adaptera ses suggestions.
Bien sûr, il y a là de quoi être un peu inquiet: au fur et à mesure de son utilisation, l’intelligence finit par cerner quantité de nos traits et accumuler les données à notre propos. Chez Open AI, concepteur de ChatGPT, on assure «que les informations retenues ne sont accessibles que dans les conversations et sont traitées de manière confidentielle.» En d’autres termes, elles sont associées au compte de façon anonyme et ne seraient pas accessibles à d’autres utilisateurs. Il reste toutefois possible d’accéder aux informations retenues et de demander de les effacer, totalement ou en partie.

« Tu divagues, ma pauvre ! »

Si les réponses d’une ia sont parfois bluffantes, il faut néanmoins garder à l’esprit qu’en soi, l’intelligence artificielle est tout sauf réellement intelligente. Concrètement, ChatGPT fonctionne à partir d’une base de données, enrichie de milliards de documents en tous genres et accessibles instantanément: il ne réfléchit pas ex nihilo et s’inspire toujours de ce qu’il a vu ailleurs. A partir de cet énorme corpus, des algorithmes et des calculs de probabilité vont ensuite permettre de restituer l’information d’une nouvelle façon, pour répondre au mieux à la demande. L’ia est donc parfaite pour rédiger un résumé, un brouillon de lettre de motivation ou un rapport d’activité (les exemples desquels elle s’inspire sont légion) mais sera moins efficace pour le travail créatif ou innovant. En d’autres termes, elle ne pense pas «out of the box».

Si elle ne trouve pas la réponse adéquate à une demande, il lui arrive aussi d’inventer, on parle alors d’hallucinations. Dans la génération d’images par ia, cela se traduit par des aberrations telles que les mains à sept doigts ou les bouches remplies de dents. Il existe un équivalent dans les réponses écrites, parfois fautives, absurdes ou imaginaires. «L’ia a davantage tendance à halluciner lorsqu’on lui pose des questions vraiment très spécifiques, détaille Diederick Legrain. Mais c’est de plus en plus rare au fil des nouvelles versions, et elle ne délire plus tant qu’on reste dans des sujets plus globaux.» Dans le doute, rien n’empêche de demander à l’ia d’y regarder à deux fois et de vérifier sa réponse. «Quand on demande à l’ia d’évaluer sa réponse sur 10, elle répondra souvent 7 ou 8, car si elle exploitait toutes ses capacités, avec le nombre d’utilisateurs actuels, les serveurs exploseraient. Donc il faut parfois lui demander d’aller un peu plus loin, quand c’est important. En quelque sorte, on peut résumer l’ia comme un assistant plein de bonne volonté, doté d’une mémoire encyclopédique extraordinaire, mais finalement un peu stupide…» Lui faire une confiance aveugle, sans y regarder à deux fois, serait une erreur.

Enfin, l’ia a été entraînée par des humains, qui ont choisi les documents auxquels elle a accès. Il existe donc l’un ou l’autre biais, volontaire ou non. Elle est d’ailleurs bridée sur certains sujets, mais c’est probablement une bonne chose: elle ne donnera pas, par exemple, de conseils médicaux sans suggérer d’aller demander l’avis d’un professionnel. Inutile, également, de demander comment assassiner quelqu’un et faire disparaître le corps…

Ne pas louper le coche

Malgré ces limites, ChatGPT ou ses équivalents restent cependant de formidables outils pour le quotidien, puisqu’on peut aussi leur soumettre des documents (en cliquant sur le petit trombone). «Personne ne lit jamais, par exemple, un contrat d’abonnement avec ses 40 pages de petits caractères: il suffit de le lui soumettre et de lui demander un résumé. Il sera correct, complet, et permettra facilement de faire un comparatif avec un autre offre. L’ia peut aussi analyser votre contrat d’assurance et vous dire directement si tel ou tel dégât est couvert, en fonction de tel ou tel alinéa. Elle connaît par ailleurs presque tous les modes d’emploi au monde. Et vous pouvez aussi envoyer une photo du menu du resto dans lequel vous êtes et lui demander quels sont les plats les plus appréciés de la clientèle. Ou lui demander de le traduire si vous êtes à l’étranger. Sur tous ces points, elle est vraiment redoutable.»

Autant de raisons qui devraient pousser tout un chacun à se familiariser dès aujourd’hui avec cette technologie, sous peine d’être complètement largué dans le futur. On peut ici faire le parallèle avec l’informatique: les générations qui ont fait leurs armes sur les premiers PC basiques, dans les années 70/80/90, sont aujourd’hui paradoxalement mieux armées pour comprendre le fonctionnement d’un ordinateur que les jeunes utilisateurs, qui ont directement eu accès à une technologie mature, où tout était prémâché. «Or, il faut se dire que l’ia à laquelle vous avez accès aujourd’hui est sûrement la pire avec laquelle vous dialoguerez jamais, conclut Diederick Legrain. Dans quinze jours, trois mois, cinq ans, elle sera 10 fois, 20 fois, 30 fois plus performante. Mais au moins, à l’heure actuelle, il est plus facile de comprendre les limites de cette technologie…»

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire