Anouk Buelens - Terryn

Confiance brisée: « Non, il ne peut absolument pas s’agir d’une MST! »

Anouk Buelens - Terryn Dr. Anouk Buelens - Terryn est médecin généraliste en formation et écrit sur la pratique quotidienne

Anouk Buelens-Terryn est médecin généraliste. Elle écrit sur sa pratique quotidienne.

Elle s’adresse à moi d’une voix ferme et assurée. Non, il ne peut absolument pas s’agir d’une maladie sexuellement transmissible (MST). Elle est mariée, tout se passe bien au sein son couple: leur relation, monogame, est basée sur la confiance. Il y a, certes, des tas de gens qui trompent leur conjoint en secret, mais pas eux. Elle me lance un regard un peu outré.

Je n’ai peut-être pas pris assez de précautions au moment de poser ma question... Je lui renouvelle mes excuses d’aborder un sujet aussi délicat, mais elle m’interrompt en m’assurant qu’au contraire, elle apprécie mon ouverture d’esprit et le fait que je ne néglige aucune piste concernant ses soucis urinaires. Au début, elle a pensé qu’il s’agissait d’une cystite, car ça lui arrive régulièrement, mais les antibiotiques prescrits par le médecin de garde semblent inefficaces. On lui a ensuite prescrit une autre classe d’antibiotiques, sans plus de succès.

Mais s’agit-il réellement d’une infection urinaire? Les derniers tests en laboratoire n’indiquent rien en ce sens. Comme les MST présentent des symptômes souvent proches de ceux d’une cystite, je me dis que cela vaut la peine d’investiguer pour ne rien laisser au hasard. «Les tests ne donneront rien, vous savez. Pour la prochaine consultation, tâchez de trouver d’autres causes probables!» plaisante-t-elle au moment de quitter mon cabinet.

Hélas, quelques jours plus tard, au moment de lui communiquer les résultats, les nouvelles ne sont pas bonnes. Les tests sont positifs: c’est un chlamydia. Ma patiente reste quelques instants sans voix, puis se met à poser des questions en rafale. Son souci numéro un est de savoir si son mari est allé «voir ailleurs»… Car en ce qui la concerne, cela fait vingt-cinq ans qu’elle n’a de relations sexuelles qu’avec lui.

Je vais lui acheter les livres d’éducation sexuelle que nous avons offerts à nos enfants!

En fait, elle connaît déjà la réponse. Tout son monde s’écroule devant mes yeux. «Le week-end va être pénible…» grommelle-t-elle. Elle se rend compte qu’elle devra entamer une sérieuse discussion avec son mari, sans tarder. Le traitement doit dans l’idéal être suivi simultanément par les deux partenaires, pour éviter la recontamination mutuelle. Le mari devra consulter son propre généraliste pour obtenir une prescription.

En début de semaine, je revois ma patiente. Son chagrin s’est transformé en colère noire. «Il savait qu’il avait le chlamydia! Mais comme il n’osait pas m’avouer son infidélité, il a décidé de se taire!» me lance-t-elle avant même d’avoir eu le temps de fermer la porte du cabinet. Elle-même semble effrayée par le volume de sa voix et poursuit un ton plus bas. Elle reconnaît avoir perçu des signaux qui auraient dû lui mettre la puce à l’oreille, mais elle se voilait la face. Maintenant, ce qui la met le plus en rage, c’est le manque de respect total pour sa santé à elle! «Il s’est dit que les préservatifs, c’était bon pour les jeunes, et qu’à son âge on n’attrapait plus ce genre de maladie… Vous vous rendez compte? ! Je vais acheter et déposer sur sa table de chevet les livres d’éducation sexuelle que nous avons offerts à nos enfants!».

Contenu partenaire