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L’épilepsie, une maladie méconnue et des symptômes surprenants

Comportement erratique, absence, difficulté à trouver ses mots, mouvements brusques, gestes saccadés... C’est aussi cela, l’épilepsie, une maladie connue surtout pour ses crises convulsives et dont les risques augmentent passé 55 ans.

Environ un pourcent de la population, soit 100.000 Belges souffrent d’épilepsie. La maladie est souvent associée aux enfants, mais le risque de faire des crises augmente avec l’âge, et ce pour plusieurs raisons. Ceci dit, la maladie reste méconnue et fait l’objet de pas mal d’idées reçues. « Une enquête récente a démontré qu’un Belge sur trois pense que l’épilepsie est une maladie psychique », souligne le Pr Paul Boon, neurologue et spécialiste de l’épilepsie (UZ Gent).

Un court-circuit dans le cerveau

Le diagnostic tombe en général après deux crises. « Et non après la première, car celle-ci peut être due aux circonstances, comme une grosse fatigue, un stress extrême, un traitement antidiabétique mal dosé, un excès d’alcool, etc. Environ 5 à 10% de la population connaîtra un jour une crise de ce genre. Mais le problème lors d’une première crise, c’est qu’il est très difficile de prédire s’il y en aura une autre », analyse le Pr Paul Boon.

L’épilepsie provoque des altérations temporaires de la conscience, des émotions et du comportement, elles-mêmes dues à un excès d’activité électrique dans le cortex cérébral. Il s’agit de la zone qui entoure le cerveau et qui contrôle de nombreuses fonctions cognitives, comme l’intelligence, le langage, la mémoire et la personnalité. D’importants groupes de cellules nerveuses y sont actifs et communiquent avec le restant du corps, tant via les neurotransmetteurs (des substances chimiques) que via un courant électrique. Lorsque trop de cellules s’activent en même temps, cela provoque un court-circuit et un black-out du système, autrement dit une crise d’épilepsie.

Un comportement anormal

Ce qui rend l’épilepsie particulièrement complexe, c’est le très large éventail de crises possibles. Lorsque le court-circuit ne survient que dans une zone bien déterminée du cerveau, on parle de crise focale ou partielle. Mais elle peut annoncer une crise de plus grande ampleur.

Les antiépileptiques fonctionnent bien, mais attention aux effets secondaires et aux interactions avec d’autres médicaments.

« Selon l’endroit où ils surviennent, ces phénomènes peuvent provoquer un mutisme soudain, des tensions (grimaces) autour de la bouche, des picotements dans la main ou dans la jambe, une sorte de flash devant les yeux, un mauvais goût dans la bouche ou encore une sensation de nausée. On constate aussi parfois un comportement socialement inadéquat, comme se mettre à se frictionner ou se frotter contre les autres, sortir d’un magasin sans payer ou traverser au feu rouge... Autant de signes de crise focale qui font que la personne est absente pendant quelques minutes. Par la suite, elle ne se souvient de rien. Comme les symptômes peuvent être extrêmement divers, il est souvent difficile de reconnaître qu’il s’agit d’épilepsie. »

Une grosse crise

Les symptômes listés ci-dessus semblent assez éloignés de l’impressionnante crise d’épilepsie qu’on imagine souvent, dite tonico-clonique, qui voit le court-circuit toucher plusieurs zones du cerveau. « La personne tombe avec un cri, est inconsciente et a le corps tout tendu, à cause de crampes musculaires. S’ensuit une phase de choc: le corps est alternativement tendu et détendu. Au bout de quelques minutes, la phase de détente prend le dessus, jusqu’à ce que tout le corps s’apaise. Cela peut s’accompagner de pertes d’urine, d’une morsure de la langue ou d’un écoulement de salive. »

Le diagnostic

Passé 55 ans, le risque d’épilepsie augmente, mais comme il s’agit en général de crises focales, la maladie passe souvent inaperçue. « La plupart des symptômes peuvent faire penser à un léger AVC, à des troubles du rythme cardiaque, des problèmes de tension artérielle, un diabète, voire une démence. A moins que l’épilepsie en soit une conséquence. D’où la nécessité d’investiguer plus avant. »

L'épilepsie, une maladie méconnue et des symptômes surprenants
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Le patient épileptique est rarement conscient de ses crises, si bien qu’il revient souvent au conjoint ou à la famille de décrypter ce qui se passe. « Le récit du patient et celui de son entourage est couplé à un examen d’imagerie cérébrale (EEG) qui mesure l’activité électrique dans le cerveau. On vérifie ensuite grâce à une IRM la présence ou non d’anomalies cérébrales qui pourraient expliquer la crise. Il peut s’agir d’une atrophie cérébrale, de dommages cérébraux consécutifs à un traumatisme, d’un AVC, d’une infection, d’un abcès cérébral ou, très rarement, d’une tumeur. On trouve parfois une cause génétique, mais dans la moitié des cas la source reste inconnue. »

Les traitements

En général, quand on souffre d’épilepsie, c’est à vie et la maladie impacte le quotidien. « Le diagnostic n’est pas facile à entendre et demande un accompagnement psychologique afin que la personne puisse s’y adapter. Il y a aussi des aspects pratiques à aborder, comme l’interdiction (temporaire) de prendre le volant. La bonne nouvelle, c’est que deux patients sur trois sont débarrassés de leurs crises grâce à des médicaments. » Le domaine des antiépileptiques est en plein développement, même si on ne parvient pas encore à guérir la maladie. La plupart des médicaments visent à réduire la sensibilité du cerveau à la transmission électrique, ce qui permet d’éviter les grosses crises. Mais ils peuvent provoquer des effets secondaires, comme de la fatigue, des difficultés à se concentrer, des troubles de la mémoire, des éruptions cutanées ou des problèmes d’érection. Par ailleurs, les antiépileptiques peuvent interagir avec un médicament prescrit dans le cadre d’une autre maladie chronique. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas les associer, mais il faudra se montrer prudent ou adapter le dosage, surtout en association avec un traitement hormonal de substitution (THS).  »

Une personne dépressive court un risque accru de crise épileptique. Les épileptiques, eux, sont plus vulnérables à la dépression.

La dépression et les troubles cognitifs

Il reste malgré tout plusieurs sortes d’épilepsies difficiles à traiter. Là aussi, les recherches sont en cours, d’autant que l’épilepsie serait en lien avec la dépression et les troubles cognitifs.  » Une personne dépressive court un risque accru de crise épileptique et, inversement, on constate que les épileptiques sont plus vulnérables à la dépression. C’est sans doute dû à un déséquilibre des neurotransmetteurs. Quand les crises se répètent, les dommages cognitifs s’accumulent. Plus les crises sont nombreuses (et sévères), plus les séquelles sont importantes sur la mémoire et la concentration.  »

Les nouvelles techniques et le régime cétogène

La neurochirurgie peut aider dans certains cas les patients atteints d’épilepsie focale. Le traitement consiste à retirer la petite zone atteinte du cerveau. Parmi les autres solutions envisageables, citons la neurostimulation via une électrode implantée dans le cou (nerf vague) pour prévenir les crises, ou encore la stimulation cérébrale profonde.

« De nouvelles pistes de recherche sont en pleine exploration, notamment la chimiogénétique qu’on pourrait comparer à une thérapie anticancéreuse extrêmement ciblée. Il s’agit d’injecter dans le cerveau une protéine capable de cibler certaines cellules et pas d’autres. » Autre source d’espoir: la stimulation cérébrale sans intervention chirurgicale, qui pourra agir sur les stimuli électriques en excès via un dispositif externe.

Les avantages d’un régime cétogène – composé principalement de graisses et de protéines, et quasi dénué de glucides – n’ont pu être démontrés (jusqu’à présent) que chez les jeunes enfants.  » Les cétones limiteraient la survenue des crises mais ce genre de régime, très restrictif, n’est pas évident à adopter.  »

Premiers secours en cas de crise

  • Veillez à ce que la personne qui fait une crise ne puisse pas se blesser. Ecartez tout ce qui peut présenter un danger.
  • Allongez, si possible, la personne sur le côté, pour qu’elle respire plus facilement. Restez dans les parages, mais à une certaine distance. Il arrive que la personne agrippe ou frappe (inconsciemment) ceux qui se tiennent à proximité.
  • Ne placez jamais rien entre ses dents!
  • Appelez les urgences: formez le 112

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