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Retrouver son goût et son odorat après le covid

L’agueusie et l’anosmie font régulièrement parler d’eux depuis que sévit le Covid. Il existe heureusement des techniques pour rééduquer les papilles gustatives.

La sagesse populaire prétend que des goûts (et des couleurs), on ne discute pas. Et, en effet, rien n’est plus personnel que le sens du goût. « Il n’y a pas deux personnes qui goûtent les choses de la même manière, analyse Lobke Van den Wijngaert, chef en ingénierie gastronomique. Cela s’explique par notre profil génétique, notre éducation, nos expériences sensorielles et gustatives. « 

Le sens du goût résulte de l’association ingénieuse d’une série de stimuli sensoriels. Trois systèmes sont impliqués: les papilles gustatives, l’odorat et le nerf trijumeau. La langue, elle, compte assez peu dans l’expérience du goût. Les papilles gustatives distinguent cinq saveurs de base lorsque celles-ci sont mélangées à la salive: le salé, l’acide, l’amer, le sucré et l’umami (saveur proche du bouillon). La majeure partie du goût provient de l’odorat. C’est pourquoi nombre de troubles gustatifs sont liés à un problème de nez. Le troisième acteur, le trijumeau, assure la distinction entre la texture des aliments, comme le croquant, le piquant, le fibreux...

LE RAPPORT GUSTATIF

En cas de troubles du goût ou de l’odorat liés à une chimiothérapie, au Covid ou d’autres facteurs, la solution passe souvent par une prise en charge individualisée. « Nous ne parvenons pas à guérir l’agueusie mais, grâce à une technique de rééducation du goût, nous pouvons faire en sorte que les patients retrouvent le goût en activant d’autres zones de leur système gustatif. Pour ce faire, on utilise des saveurs que les patients apprécient encore et qu’on leur propose de goûter. »

Un grand nombre de troubles gustatifs sont liés à un problème de nez.

On détermine la cause exacte de l’agueusie avant de procéder à un test de dégustation approfondi, mené en aveugle. « Nous recherchons ce que la personne est encore capable de goûter. On commence par des goûts assez doux, puis on va crescendo, jusqu’à des concentrations très fortes. L’idée est que la personne retrouve les saveurs qu’elle aime. Une fois ces préférences cartographiées, nous déterminons dans quelle mesure elles s’accordent avec le système lingual du goût. On procède en associant les saveurs préférées avec les cinq saveurs de base. On arrive ainsi à des associations qu’on peut appliquer chez soi. Parfois, une saveur de base, comme l’amer, peut être si perturbée qu’il faut l’éviter complètement dans les recettes. Tout est consigné dans un rapport gustatif personnalisé. »

PAIN ET RACINE DE RAIFORT

Pour passer à la pratique, les préférences gustatives du patient sont transposées dans des recettes. « Nous rédigeons les premières recettes nous-mêmes, car ce n’est pas évident. Elles doivent être suivies méticuleusement – de préférence au gramme près – pour obtenir le meilleur résultat. On part souvent d’une recette de pain, parce que cela reste pour beaucoup l’aliment de base, celui qu’on consomme deux fois par jour. Et le pain se prête parfaitement au contrôle du goût. Notre technique peut ensuite être étendue aux repas chauds. Nous avons déjà mis au point des pizzas, des tajines marocains, des pains garnis norvégiens et des plats méditerranéens sur base des tests et du rapport gustatif. »

Ces recettes réservent parfois des surprises, comme le pain à base de raifort, de chocolat noir et de bouillon de boeuf, ou le pain au jus de pomme, au miel et à la moutarde. Cela peut sembler bizarre pour quelqu’un qui n’a aucun problème de goût, mais pour ceux dont ce sens est altéré, ces associations audacieuses passent très bien! « Il faut arriver à une façon complètement différente de penser la cuisine. Il faut se détacher de la manière traditionnelle de composer les plats et partir purement de ses préférences gustatives individuelles pour les décliner en recettes. »

UNE BOMBE GUSTATIVE

Avec l’âge, l’odorat perd de son acuité, de sa finesse. C’est ce qui explique qu’on mette quasi systématiquement sur le compte de l’âge les pertes de goût qui surviennent chez les personnes âgées.

« La meilleure solution consiste à se concentrer sur les stimuli olfactifs. Nous l’avons démontré lors d’un test mené sur base de deux desserts au mascarpone que nous avons fait déguster à l’aveugle à des personnes d’âges différents. La première version était un dessert normal, la deuxième était beaucoup plus aromatisée. Par la suite, lorsqu’on a interrogé les participants, on a constaté une forte différence. Le premier dessert a eu la préférence très nette des jeunes adultes, alors que le second a davantage plu aux participants plus âgés. Pour booster la saveur du dessert, on y a mis de véritables bombes gustatives, comme la cannelle et la vanille. Parfois, on a juste modifié la préparation, par exemple en caramélisant la crème au mascarpone, en la cuisant au four, en la passant au gril, ce qui renforce les parfums et la couleur du dessert. »

Comment perd-on le goût ou l’odorat?

L’anosmie (perte de l’odorat) et l’agueusie (perte du goût) comptent parmi les symptômes les plus frappants chez de nombreux malades du Covid-19. En général, l’odorat finit par revenir spontanément, mais ce n’est pas toujours le cas. Les médicaments sont d’autres facteurs pouvant provoquer une anosmie ou une agueusie. La chimiothérapie est, elle, le déclencheur le plus connu. De nombreux patients atteints d’un cancer perdent l’appétit car ce qui leur semblait savoureux a soudain un goût de métal ou de carton. Les traumatismes cérébraux causés par un accident, un zona, une infection virale, voire certains soins dentaires peuvent aussi perturber le système gustatif.

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