Témoignage: « À cause du psoriasis, je n’ai pas refait ma vie »
S’interdire les manches courtes même en été, ne pas pouvoir aller à la piscine, porter une frange pour cacher son visage: Irène, 79 ans, vit avec le psoriasis depuis des décennies. Il y a douze ans, un nouveau traitement a révolutionné son quotidien.
«C’est comme si j’étais guérie». Irène a pourtant été malade toute sa vie. D’abord à cause d’une polyarthrite invalidante et ensuite à cause de ces plaques rouges et de ces squames qui lui dévoraient le corps et le visage de manière inexpliquée. «Au début, on a cru à des allergies, de l’eczéma...». Irène n’a pas de théorie sur le pourquoi du comment. «L’idée que le stress aurait avoir avec le psoriasis, j’ai toujours dit que je n’étais pas d’accord! À mon sens, c’est une vaste couillonnade. Il y a des bébés qui ont du psoriasis, mais les bébés ne sont pas stressés... Et puis, on n’est pas stressé trente ans d’affilée!»
Le traitement biologique
Pendant des décennies, Irène a vidé des tubes de pommade à la cortisone. «Un demi-tube après chaque douche dont je ressortais rouge comme une écrevisse. J’avais une sensation de brûlure sur tout le corps, équivalente à une brûlure au deuxième degré car mon psoriasis était généralisé», raconte-t-elle. Et puis un jour, il y a une douzaine d’années, Irène est allée à une conférence sur le psoriasis. Elle a entendu parler de l’infliximab (Remicade). Elle a consulté une spécialiste qui le lui a prescrit. «Cela fait douze ans que je me rends à l’hôpital toutes les huit semaines. C’est un traitement par perfusion. Ça dure deux à trois heures. Cela ne marche pas chez tout le monde , mais moi, après quelques semaines, je n’avais plus rien.»
L’infliximab fait partie des traitements dits «biologiques» qui ont permis d’améliorer le quotidien de nombreux patients touchés comme Irène par des formes sévères de la maladie. Une molécule fabriquée grâce à des techniques de biologie moléculaire qui permet de bloquer la formation des lésions à la manière des anticorps produits naturellement par l’organisme.
Des années de repli
Pour Irène, ce fut une renaissance. Arrivée bien tard à son goût. «Le psoriasis m’a empêchée de faire beaucoup de choses. Par exemple, quand ma mère était encore en vie, elle aurait voulu faire une croisière. Mais qu’est-ce que j’aurais fait sur une croisière en pull à manches longues?» Car si le psoriasis provoque des douleurs et des démangeaisons, il est aussi visible et provoque souvent des regards de travers... «Je portais une frange pour cacher mon front car j’en avais aussi sur le visage. Parfois, il suffit de se retourner et vous avez plein de pellicules sur le col de votre veste...»
Une situation qui a pesé sur sa vie sociale et amoureuse. «À cause du psoriasis, je n’ai pas refait ma vie. Je me suis beaucoup renfermée. Quand on a 35 ans, on n’a pas envie de sortir avec quelqu’un qui s’habille comme RoboCop, qui ne peut pas sortir, aller à la piscine, etc. J’ai toujours pensé qu’on ne devait pas imposer cette vision aux autres. Et puis à la piscine, à l’époque, je ne sais même pas si on m’aurait laissé entrer...»
Comme beaucoup de patients atteints d’une maladie chronique difficile à soulager, Irène a parfois testé les remèdes les plus improbables. «On n’a rien à perdre!» Un jour, en Espagne, elle s’est liée d’amitié avec des locaux qui lui ont conseillé d’essayer l’huile de moteur... «Pour vous dire jusqu’où ça va! Oui, tout ce qui est gras soulage...»
Aujourd’hui, Irène parcourt les routes en camping-car dès qu’elle en a l’occasion. Elle s’est liée avec un groupe de camping-caristes belges dans lequel d’autres femmes voyagent seules. Quand il y a une plage, elle peut désormais enfiler son maillot, se baigner, «être normale».
Le psoriasis
Le psoriasis touche environ 3% de la population, soit quelque 350.000 Belges. Maladie inflammatoire, il se caractérise par des zones de peau rouge (érythème) et par un renouvellement accéléré et immature des cellules de l’épiderme: en moyenne tous les 4 jours au lieu de 28. Ces cellules s’accumulent et forment d’épaisses plaques de peau qui se détachent sous forme d’«écailles» blanches. Les plaques apparaissent le plus souvent sur les coudes, les genoux, le bas du dos et le cuir chevelu. Le psoriasis évolue par poussées avec des périodes de rémission. S’il ne se guérit pas encore, les traitements biologiques ont permis de faire diminuer, voire d’éliminer les symptômes des patients sévèrement atteints.
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