© frédéric raevens

Témoignage: « Quand on a un Crohn, on est marié avec son gastro »

Julie Luong

Xavier, 58 ans, ingénieur, est atteint de la maladie de Crohn depuis ses 28 ans. Son mantra? «Inventer la vie qui va avec», même si cela demande une bonne dose de philosophie.

«Ça a commencé en 1994, se souvient Xavier. Je me relevais au moins une fois la nuit pour aller aux toilettes et j’avais des diarrhées sanglantes, suivies de selles normales. Je travaillais, je venais d’avoir un enfant... Je ne m’inquiétais pas trop.» Mais un jour, les douleurs et les diarrhées deviennent plus fortes. Son médecin se veut rassurant: Xavier a probablement «mangé une crasse». Il lui prescrit des analyses de selles... qui se révèlent parfaitement normales. «J’ai entendu à sa voix que ce n’était pas une bonne nouvelle. Il m’a prescrit une coloscopie.» Le verdict tombe: Xavier est atteint de la maladie de Crohn, une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI).

Trouver le bon

Xavier entame un traitement de 5-ASA, un anti-inflammatoire intestinal qui s’avère efficace. En plein chantier de construction de sa nouvelle maison, il pense que le problème est réglé, diminue les doses. «Mais avec le stress, ça a recommencé de plus belle. J’ai alors essayé la cortisone, qui fonctionnait mais seulement à fortes doses, avec tous les effets secondaires qu’on connaît: le visage gonflé, les kilos en trop...»

Au fil du temps, Xavier comprend qu’un traitement par lavements est ce qui le soulage le plus. Mais son gastro-entérologue juge que c’est trop contraignant... «Moi ça me convenait et cela ne posait pas problème au niveau médical... Il faut savoir que quand on a un Crohn, on est marié avec son gastro! C’est super important d’en trouver un qui soit à l’écoute, avec qui on s’entend bien au niveau humain. J’ai dû en faire quatre pour trouver le bon.»

En 96, Xavier est victime d’une embolie pulmonaire, une manifestation rare dite «extra-intestinale» de la maladie. «J’ai failli y rester.» Dans les mois qui suivent, il devient très anxieux, sa santé mentale se dégrade. «J’étais devenu complètement hypocondriaque. Je suis allé voir un psychiatre qui m’a aidé en six mois,.» Xavier décide alors de parler de sa maladie de Crohn à son patron, qui se montre très à l’écoute. Enseignant dans une école d’ingénieurs, il demande à avoir son bureau à l’étage des toilettes. Depuis, le mercredi, il est en télétravail: c’est le jour de consultation de son gastro.

Les MICI en bref

En Belgique, environ 30.000 personnes souffrent d’une MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin). Près de 500 nouveaux cas de maladie de Crohn, et 350 cas de rectocolite hémorragique sont diagnostiqués chaque année. Ces maladies, très proches, se caractérisent par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, due à une dérégulation du système immunitaire. Dans la maladie de Crohn, les lésions sont généralement localisées sur un ou plusieurs segments de l’intestin grêle et/ou du côlon (gros intestin), plus rarement au niveau du duodénum (première partie du grêle) et de l’estomac. Dans la RCUH, seuls le rectum et/ou le côlon sont atteints.

Faire du bien aux autres

Comme toutes les personnes atteintes de MICI, Xavier évite certains aliments qui ont tendance à déclencher ou aggraver les crises. Il lui a fallu des années pour apprendre à vraiment bien se connaître... «Les aliments qu’on supporte, c’est très individuel. Moi par exemple, je ne supporte pas du tout l’ail et comme je voyage beaucoup, j’ai appris à dire le mot «ail» dans toutes les langues! Cela m’évite les mauvaises surprises.»

Xavier n’hésite pas à le dire: la maladie lui a fait perdre certains copains, de ceux qui n’acceptent pas qu’un convive boive plus raisonnablement ou refuse certains plats. Pourtant, Xavier n’a rien d’un triste sire: bon vivant, il aime aujourd’hui rappeler à ses étudiants qu’on peut profiter de la vie et avoir une brillante carrière avec un Crohn. «En début d’année, je me présente d’emblée à mes étudiants comme un crohnard. Il y en a toujours un qui vient me trouver après pour me dire qu’il a quelqu’un de concerné dans son entourage...»

En 2003, Xavier a rejoint l’association Crohn-RCUH asbl, pour laquelle il assure depuis une permanence téléphonique. «Je me souviendrai toujours du premier appel. Après notre conversation, cette personne avait repris courage. Elle m’a dit un merci qui venait du fond du cœur.» Quand Xavier étudiait pour devenir ingénieur, l’un de ses profs répétait à chaque début de cours: Les affaires sont les affaires, le temps c’est de l’argent et l’argent, c’est le pouvoir! «J’ai été formé comme ça. Mais avec la maladie, j’ai compris qu’il y avait autre chose que le business.»

Site de l’association Crohn-RCUH asbl: www.mici.be

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