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Vasectomie, la contraception au masculin

La vasectomie a le vent en poupe. C’est qu’elle constitue la meilleure méthode de contraception pour les hommes ne désirant pas/plus avoir d’enfant... et la moins contraignante.

Déjà papa de deux enfants, j’ai choisi de me faire vasectomiser en septembre dernier. En tant que journaliste, c’est l’occasion pour moi de raconter par le menu ce que les médecins, souvent, ne peuvent formuler: le ressenti de cette opération et de ses suites. Le genre de récit qui provoque automatiquement un rictus de douleur sur le visage du public masculin. Alors, autant le dire déjà: après coup, ce n’est franchement pas la mer à boire...

Mais même en étant bien informé sur le sujet – j’ai pu poser toutes mes questions auparavant – je dois pourtant avouer que ce jour-là, j’arrive à l’hôpital avec un brin d’appréhension. Appréhension qui se renforce quelque peu en voyant les personnes opérées avant moi sortir du bloc sur leurs deux pieds et le visage serein, certes, mais avec une démarche qui n’est pas sans rappeler celle d’un manchot empereur de l’Antarctique. C’est mon tour: je pénètre dans le bloc. Une urologue et une infirmière sont à la manoeuvre et me demandent de me dévêtir en-dessous de la ceinture, derrière un paravent. Je me demande toujours l’utilité de ce dernier, puisque la partie la plus privée de mon anatomie sera bientôt attentivement scrutée. N’ayant pas pour habitude d’exposer mon petit Jésus à l’assemblée, j’essaye de détendre l’atmosphère et (surtout) de dissiper mon malaise en entamant la conversation lorsque je m’allonge sur la table. En réalité, on comprend vite que le médecin et l’infirmière n’y voient qu’une pièce anatomique à traiter. L’embarras se dissipe rapidement, pas l’appréhension. Heureusement, je ne verrai rien de l’opération. La zone à opérer est rapidement isolée par une toile verticale, qui m’empêche de jeter un oeil sous mon nombril.

L’anesthésie s’avère pratiquement indolore. Ce sera une constante durant tout l’opération: je ne peux pas dire qu’à un seul moment, j’ai souffert. De là à dire que c’est agréable... La manipulation des cordons irradie parfois dans le bas-ventre. À certains moments, les mains crispées, je ne peux pas m’empêcher de scruter très attentivement le plafond – je n’aurais jamais cru qu’un néon puisse être aussi intéressant. C’est le cas lorsque retentissent les coups de ciseaux fatidiques ou que les moignons du cordon sont cautérisés. Une rapide suture plus tard, me voilà déjà en train de me rhabiller. L’intervention, d’un bout à l’autre, aura duré à peine plus d’une demi-heure. Soulagé, je me rhabille et constate, chez moi aussi, une démarche un peu pataude. Toujours pas de douleur pour autant: la zone est juste ressentie comme gonflée et engourdie.

Ce n’est franchement pas la mer à boire

Je suis ravi les premières 24 h: la douleur est anecdotique et je n’ai même pas besoin de prendre d’analgésiques. C’est formidable! Pour les besoins de mon article (hum), je décide néanmoins de tester les petites joies des effets indésirables de l’opération. Deux jours après la vasectomie, la zone opérée gonfle et prend une couleur bleutée, d’un beau bleu schtroumpf. Je dois probablement plaider coupable, ayant déplacé entre-temps une très lourde armoire sur plusieurs étages. J’avais bien compris que je ne pouvais pas faire de sport pendant une dizaine de jours, mon incompétent de cerveau aurait dû compléter par « pas d’efforts violents non plus ». La prise d’anti-inflammatoires et d’antidouleurs s’impose, le temps que l’hématome se résorbe. Je subis une rechute inflammatoire quelques semaines plus tard et file aux urgences, en pleine nuit, la douleur s’avérant plutôt costaude. Une échographie plus tard, l’inflammation est jugulée avec des anti-inflammatoires. C’est le seul moment, je crois, où je me suis dit « Mais quelle c... j’ai faite. » Car oui, cette zone, quand elle fait mal, fait très très mal.

Depuis lors, heureusement, tout semble être rentré dans l’ordre, malgré une sensibilité qui persiste. Je fais partie des 5% d’heureux élus, bénéficiaires du syndrome douloureux post-vasectomie. Au quotidien, je l’oublie le plus souvent et la gêne s’amenuise de plus en plus. Pour le reste, même au niveau intime, tout est comme avant, la sérénité en plus. Précisons enfin que mon cas, avec ses soucis post-opératoires, n’est pas représentatif de la majorité des opérations. Néanmoins, si vous craignez les « complications » les plus courantes, vous avez désormais une idée de ce à quoi elles ressemblent. Rien de dramatique, bien que ce soit désagréable.

Jusqu’à présent, la contraception était avant tout une affaire de femmes. Les choses seraient-elles tout doucement en train de changer? La vasectomie, qui assure aux hommes une stérilité complète, est en tout cas de plus en plus pratiquée en Belgique. En 2021, selon les chiffres de l’Inami, pas moins de 21.569 de ces opérations ont été réalisées en Belgique. À titre de comparaison, aux alentours 2007, le chiffre tournait plutôt autour de 8.000 hommes nouvellement vasectomisés chaque année. Si l’âge médian des opérés est actuellement de 39 ans, il existe une proportion notable d’hommes de plus de 45 ans. Ils étaient ainsi plus de 4.600 en 2021.

Dans la plupart des cas, il s’agit d’hommes ayant déjà des enfants, mais ne désirant pas en concevoir davantage, et dont la partenaire n’est pas ménopausée. Le choix d’une méthode contraceptive définitive se posant, la vasectomie apparaît bien souvent comme la solution la plus simple à mettre en place, moins invasive, contraignante et risquée que la ligature des trompes chez la femme. « D’ailleurs, beaucoup de patients qui viennent pour ça ont été orientés ici par leurs compagnes, constate François Triffaux, urologue au CHU de Liège (Sart-Tilman). Après avoir géré la contraception du couple pendant des années, celles-ci demandent à leur mari de prendre le relais. »

Sur le papier, la vasectomie n’offre que des avantages, puisqu’il s’agit d’une intervention légère, sûre, rapide à réaliser et n’ayant aucune conséquence sur la vie sexuelle. « Il s’agit d’interrompre le canal déférent, qui relie le testicule au reste des voies spermatiques, précise François Triffaux. De ce fait, il n’y a plus de spermatozoïdes mélangés aux sécrétions prostatiques et le sperme éjaculé n’offre plus la possibilité de féconder un ovule. » Car oui: l’intervention ne modifie aucunement la capacité à éjaculer, plus de 90% du sperme n’étant pas produit par les testicules, mais par la prostate.

« C’est l’une des deux premières choses que je dis lorsque je rencontre le patient. L’autre, c’est que le testicule produit toujours de la testostérone, qui n’est pas acheminée dans le corps par le canal déferent, mais par les vaisseaux sanguins, auxquels on ne touche pas. En termes de vie sexuelle, de sexualité, l’intervention ne change absolument rien. » Pas d’impuissance, ni de perte de virilité ou de plaisir à la clé. Que du contraire, même, puisque certains opérés mentionnent après coup une libido du couple en augmentation, la sexualité étant débarrassée de tout risque de grossesse.

Cadre légal? Quel cadre légal?

En Belgique, il n’existe aucune loi relative à la vasectomie. Tout au plus une proposition de loi a-t-elle été déposée en 2003, fortement inspirée de la législation française. En l’absence de cadre légal spécifique, ce sont les règles relatives aux opérations chirurgicales qui s’appliquent. La plupart des hôpitaux imposent néanmoins un entretien préalable, un examen clinique, un délai de réflexion et la signature d’une formulaire de consentement avant toute intervention. Celle-ci est toutefois remboursée par la sécurité sociale.

Rapide et (presque) sans douleur

Concrètement, l’opération ne prend que quelques dizaines de minutes. Le patient est installé sur une table d’opération, la plupart du temps sous anesthésie locale. La peau des bourses est alors endormie via une injection. « On incise ensuite légèrement la peau de chaque côté du scrotum ou on fait une incision centrale, détaille l’urologue. Le canal déférent, qui ressemble à un spaghetti cuit, court sous la peau et est assez facile à repérer. On le fait légèrement sortir et on travaille dessus. »

Suivant le praticien, le canal peut être coupé, ligaturé, cautérisé... Il existe pas moins d’une quinzaine de techniques. « L’incision ne fait pas mal. Pour le reste, la manipulation, la cautérisation... C’est un peu comme les soins dentaires. Ce n’est pas agréable, mais l’intervention ne provoque pas de douleur insupportable. » La peau est ensuite suturée avec un ou deux points de suture résorbables, et le tour est joué!

Après l’opération, environ 60% des patients n’éprouvent pas la moindre douleur. Les 40% restants peuvent par contre ressentir des effets post-opératoires pendant les premières semaines, allant de la petite gêne à la douleur relativement impactante. Cette dernière est le plus souvent due à la présence d’un hématome, qui peut se marquer par un gonflement bleuté.

En termes de sexualité, l’intervention ne change rien.

« Un effort de toux ou un effort physique peuvent suffire à refaire saigner les petits vaisseaux cautérisés et à ce qu’il y ait un petit écoulement de sang autour du cordon testiculaire. Comme la zone est particulièrement bien innervée, la moindre variation de volume peut faire souffrir. » Il existe aussi de faibles possibilités d’infection et d’inflammation. Afin de limiter tout risque, il est recommandé aux patients d’éviter les efforts physiques intenses et de ne pas se baigner pendant une dizaine de jours. Les douches restent permises.

La littérature scientifique a également identifié, depuis peu, un « syndrome douloureux post-vasectomie », défini comme un phénomène douloureux persistant plus de trois mois après la chirurgie. Il toucherait environ 5% des hommes vasectomisés. « Il s’agit le plus souvent d’une gêne plus que d’une douleur, rassure François Triffaux. Mais pour 1% des patients concernés, cela a tout de même un impact significatif sur leur quotidien. Ces douleurs pourraient résulter d’une production très importante de spermatozoïdes: après l’opération, les testicules continuent à produire des spermatozoïdes tout un temps. Il pourrait dès lors y avoir une surpression dans le bout de canal partant du testicule. Laisser le canal ouvert de ce côté plutôt que de le cautériser pourrait limiter le risque... »

Considérée comme définitive

La stérilité n’est pas immédiate après la vasectomie: il reste encore de nombreux spermatozoïdes vivants dans le circuit du bas-ventre. Il est donc nécessaire de faire un spermogramme de contrôle après 3 mois et une trentaine d’éjaculations, pour objectiver l’absence de spermatozoïdes vivants dans le sperme. « Ceci étant, le taux de succès de la vasectomie est de 99,5%, ce qui, avec le préservatif, en fait l’une des deux seules méthodes de contraception fiable en pratique courante chez l’homme. Il existe bien d’autres solutions (retrait, slip chauffant, méthode hormonale...) mais elles sont contraignantes et pas aussi efficaces. »

Quid si le patient a des remords change d’avis après l’opération? Il est théoriquement possible de reperméabiliser le canal déferent, mais l’opération n’est pas toujours couronnée de succès. C’est qu’on l’a dit: après l’opération, les testicules continuent à produire des spermatozoïdes tout un temps, mais cette production va en s’amenuisant pour s’interrompre totalement après quelques années. Le sutures d’une reperméabilisation doivent par ailleurs se faire au microscope, ce qui s’avère souvent compliqué. « La proportion de réussite est de moins de 50%, raison pour laquelle la vasectomie doit être considérée comme irréversible. » Mieux vaut donc bien réfléchir avant de se lancer... ou, par précaution, faire congeler un peu de sperme avant l’opération.

Pas de réelle contre-indication

La vasectomie est accessible à toute personne majeure. L’opération peut toutefois être compliquée par la présence de varicocèle (des varices au niveau du cordon spermatique) ou d’hydrocèle (une accumulation de liquide dans une poche entourant le testicule). Certains antécédents chirurgicaux doivent également être pris en compte, par exemple le traitement d’une cryptorchidie.

Il n’existe néanmoins pas de réelle contre-indication. « En cas de situation plus difficile, de stress excessif ou de douleurs conséquentes lors de l’examen clinique, on peut toutefois remplacer l’anesthésie locale par une sédation plus importante. Il ne s’agit pas vraiment d’une anesthésie totale, plutôt un « gros apéro » pour bien déconnecter le temps de l’opération. »

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