Ce que révèlent vos repas de famille

Pour les uns, un repas de famille est source de joies et de tendresse partagée. Pour les autres, il débouche sur des conflits. Car ce repas a le don de faire resurgir des secrets et des sentiments enfouis qui, à l’heure où les langues se délient, peuvent faire beaucoup de mal ou de bien...

Contenu :

Le grand rassemblement
Pas envie !
Amour, jalousie et autres tracas
On s’aime mais...
Etre bien ensemble
Comme au cinéma

Cette année, huîtres, dinde et bûche au chocolat ! Comment ça, c’est toujours la même chose ? Pas du tout, l’année passée, c’était bûche glacée au chocolat ! Et faites-moi le plaisir de ne pas vous payer la tête de Tante Sylvie cette année. Elle n’a que nous. Oui, elle râle tout le temps mais c’est comme ça.  » Ces quelques phrases vous rappellent des souvenirs, vagues ou précis, de repas interminables régis selon un code préétabli où le rire le disputait à la lassitude ? Le repas de famille est un moment riche de symboles, où tout est possible, le meilleur comme le pire !

Le grand rassemblement

La famille, valeur refuge par excellence, se retrouve inévitablement à l’avant-plan, en ces périodes de fête. Le sacro-saint repas familial se situe aujourd’hui entre tradition et modernité, moins guindé, plus convivial, plus ouvert, sans doute à l’image de cette famille en complète mutation.

Pour Marie-Thérèse Casman, sociologue à l’université de Liège et spécialiste de la famille, la famille reste la valeur principale pour la plupart des gens, mais les temps changent. Et il ne faut pas oublier que de plus en plus de personnes vivent seules.  » Cependant, la famille représente toujours LA valeur refuge dans un monde très insécurisé, tant au niveau professionnel qu’affectif, précise-t-elle. Lors du repas de famille, cette symbolique demeure. On participe à un moment de rassemblement, fédérateur. C’est l’occasion de se revoir pour ceux qui se sont éloignés, géographiquement ou affectivement. C’est aussi le moment de rassembler plusieurs générations. Le repas de famille est à l’image de ce qu’est la famille concernée : s’il s’agit d’une famille recomposée, avec l’arrivée, par exemple, d’un nouveau compagnon, ça se passera souvent bien mais ce sera aussi parfois le prétexte de conflits.

Il existe aujourd’hui différents modes familiaux et les repas de famille suivent cette évolution. Ce moment symbolique est aussi l’occasion de laisser éclater une crise ou au contraire de la résoudre. Des liens se renforcent ou se brisent, les langues se délient d’autant qu’on a souvent bu un petit verre ! Dans le repas de famille traditionnel, on mettra l’accent sur l’aspect intergénérationnel, la famille se réunit autour des plus âgés. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé, notamment au niveau de la préparation du repas. Il y a un siècle, c’étaient la grand-mère et la mère qui préparaient tout. Désormais, on assiste à un mode de fonctionnement plus égalitaire avec partage des responsabilités et des lieux. C’est une réalité, la famille de l’an 2000 est plus égalitaire, plus démocratique.  »

Pas envie !

Que vos origines culturelles se situent au nord ou au sud, le fonctionnement du repas de famille sera sûrement différent. C’est également vrai pour le statut social.

 » Le taux de pauvreté dans nos sociétés a fortement augmenté, un vrai grand repas de Noël coûte cher, explique Thérèse Casman. Alors qu’on soit aisé ou en difficulté, on agira différemment, on commandera chez un traiteur ou on fera un repas simple. Mais l’envie de partage demeure. Bien sûr, il y a des gens qui ont horreur des repas de famille, qui ne trouvent pas cela agréable du tout !  » Les personnes seules, encore davantage confrontées à leur solitude alors qu’elles se trouvent attablées avec des couples, tenteront de fuir ce type de réunion. Mais c’est aussi un moment où on a envie de tendresse, d’affection.

 » Je crois qu’il faut voir un repas de famille comme une petite parenthèse dans un quotidien parfois difficile, une trêve où on fera en sorte que ça se passe bien, estime Thérèse Casman. Je me souviens des repas de famille comme des fêtes agréables pour tout le monde... sauf pour ma mère ! La pression était trop forte, la charge trop lourde à porter. Mais ce n’est que plus tard que je m’en suis rendu compte. Franchement, le repas de famille doit être un plaisir partagé. Et si conflit il doit y avoir, et bien autant en parler... calmement.  »

Amour, jalousie et autres tracas

Professeur à l’ULB , le neuropsychiatre Mony Elkaïm dirige l’Institut d’études de la famille et des systèmes humains. Il vient d’écrire un ouvrage intitulé Comment survivre à sa propre famille (Couleur Psy, Seuil), riche de témoignages, édifiant quant à la difficulté de chacun à trouver sa place au sein de sa cellule familiale.

 » Les fêtes de fin d’année sont ces moments où on retrouve ses parents, ses frères et soeurs... Evidemment, tout un vécu ancien refait surface. Ma mère préfère mon frère à moi. Ma mère n’arrête pas de me poser des questions et envahit ma vie... Que se passe-t-il quand les membres d’une même famille sont partis et se retrouvent à l’occasion de ces repas ? Profitent-ils de leur autonomie acquise et du recul pris par rapport à cette famille ou se retrouvent-ils plongés dans un univers avec le risque de revivre les mêmes problèmes ? Comment éviter que le repas ne tourne mal ? Ce n’est pas toujours facile de quitter sa famille en paix. Pour qu’il y ait une véritable autonomie, il faut accepter que les autres membres de sa famille puissent avoir des failles, des manques. Mais dès qu’on retrouve ceux avec lesquels on a vécu, les vieux réflexes ressurgissent. Pour tous ceux, nombreux, qui ont vécu des événements douloureux avant de quitter leur famille, les repas, les réunions peuvent raviver de pénibles souvenirs. Faut-il courber l’échine et laisser passer ce moment ? Ou régler ses comptes et profiter de l’opportunité de dire enfin ce qu’on pense devant tout le monde ? Que faire ? La réponse varie d’une situation à l’autre. Mais il y a un point commun : pour que le repas se passe bien, il faut qu’il y ait alliance.

Nous sommes incapables d’écouter une critique si une alliance minimum n’a pas été installée au préalable. Celle-ci permet d’accepter la critique non pas comme une attaque personnelle mais plutôt comme la manifestation du vécu de notre interlocuteur. Exemple : si je dis à mes parents que je les aime, que je sais qu’ils m’aiment aussi mais qu’il y a des mots ou des attitudes difficiles à vivre, ils peuvent l’accepter et le comprendre. Mais si je les attaque directement, ils fermeront portes et fenêtres !  »

On s’aime mais...

Le repas de famille est l’expression même du partage : preuve d’amour de la personne qui l’a préparé, efforts faits par les membres qui se retrouvent, cadeaux, embrassades... Et dans tout cet amour, il peut y avoir quelques fausses notes.  » Comme les parents sont convaincus qu’ils aiment leurs enfants, toute critique est vécue comme une ingratitude et comme un rejet de leur amour. Tel amour peut contenter un enfant et étouffer l’autre. Un repas de famille c’est un questionnement dans les deux sens : comment vont réagir les enfants en retrouvant le reste de la famille ? Et comment vont réagir les parents en retrouvant leurs enfants ? Il faut ouvrir le dialogue et le repas de famille est une bonne occasion. En effet, les membres de la famille ne vivent peut-être plus tous ensemble, ne sont plus pris par le tourbillon de la vie quotidienne. La distance puis les retrouvailles peuvent pousser au dialogue.  »

–  » François, reprenez-donc du gratin !  »
–  » Maman, François c’était avant, maintenant c’est Daniel. Et je crois qu’il n’a plus faim.  »
–  » Et pourquoi, il n’est pas bon mon gratin ?  »

Caricatural ? Pas vraiment... Les repas de famille offrent aussi le cas de figure bien connu des gendres, nouveaux petits-amis, futures belles-filles et autres fraîches relations amoureuses qui, séduits et amusés dans le meilleur des cas, abasourdis et mal à l’aise dans bien des exemples, doivent trouver leur place tout en voyant évoluer leur chéri(e) dans le cadre familial d’origine.

 » Ici encore, la notion d’alliance est primordiale. Alliance avec les parents ET avec le conjoint. Observer et ressentir ce que ma famille témoigne à l’égard de mon conjoint et ce que mon conjoint ressent face à telle ou telle parole ou réaction. Etre attentif aux uns et aux autres. Si je me rends au repas en étant persuadé que de toute façon, mon père préfère ma soeur, je guetterai tous les signes qui ne feront que conforter mon impression ! Donc je vais tirer la tête. Donc mes parents vont s’énerver. Et je vais créer ce que les Américains appellent la prophétie autoréalisatrice. Je vais créer ce que je crains de voir arriver !

Alors, un conseil : n’essayez pas de faire le décompte des éléments négatifs que vous vous attendez à trouver. Car si vous le faites, non seulement vous allez les trouver mais vous allez les amplifier et vous isoler de votre famille ! Comptez plutôt les éléments positifs que votre famille vous apporte.  »

Etre bien ensemble

 » La tradition reste mais, aujourd’hui plus que jamais, le sens du repas de famille est de passer un bon moment ensemble, de se faire du bien, de se retrouver pour se montrer qu’on s’aime. J’insiste sur le mot  » ensemble « . C’est important d’être bien ensemble. Par exemple, je connais une famille vivant aux USA où chacun passe au frigo quand il le désire. Ils ne mangent jamais ensemble. Les règles et les limites sont des notions primordiales à installer au sein d’une famille. Pour trouver sa place, il faut qu’il y ait frontière. En l’occurrence ici, il est important de préserver des moments où on est ensemble et de les vivre comme des instants de partage priviligiés.  »

Il ne faut jamais oublier, quelles que soient les circonstances, que nous ne sommes pas seulement un fils, une fille, un père ou une mère. Nous sommes aussi citoyen, travailleur... Mes parents n’ont pas été QUE mes parents ! Ils ont été eux-mêmes enfants, dans un contexte peut-être difficile. L’entrevoir, y réfléchir, c’est prêcher la tolérance. Et la tolérance n’est possible que s’il n’y a pas besoin de régler des comptes. Tant que je veux que l’autre ait tort, il n’y a pas de place pour la tolérance. Si vous voulez réussir votre repas de famille, laissez la place au dialogue et positivez !

Comme au cinéma

Matière à rire, ou à pleurer, les repas de famille ont donné lieu à bien des scénarios, et bien des films où on s’aime, se déchire, se rabiboche, s’étripe et s’enlace entre le foie gras et les profiteroles !

Quelques titres à glisser sous le sapin, histoire de détendre l’atmosphère :

Mon beau-père et moi (Meet the parents) de Jay Roach avec Robert De Niro, Ben Stiller... Quand beau-papa voit arriver, l’air mauvais, son futur gendre plutôt gaffeur. Lequel, terrorisé, s’illustrera de façon éclatante lors du premier repas de famille...

Week-end en famille (Home for the Holidays) de Jodie Foster avec Holly Hunter, Anne Bancroft... Un repas de famille à l’occasion de Thanksgiving, redouté par toute la famille, va finalement célébrer les retrouvailles de tous dans la joie et la bonne humeur.

La Bûche de Danièle Thompson avec Emmanuelle Béart, Sabine Azéma, Charlotte Gainsbourg... Un repas de Noël où s’affrontent joyeusement trois s£urs au caractère diamétralement opposé et tiraillées entre leurs parents divorcés !

Esprit de famille (The Family Stone) de Thomas Bezucha avec Sarah Jessica Parker, Luke Wilson, Diane Keaton... Les fêtes de Noël dans une famille bohême, bousculées par l’arrivée de la petite amie du fils chouchou, une coincée pur jus !

Festen de Thomas Vinterberg avec Ulrich Thomsen... Un repas de famille qui tourne au cauchemar, des secrets révélés, une ambiance plombée... Un drame percutant qui a fait sensation.

Edward aux mains d’argent (Edward Scissor Hands) de Tim Burton avec Johnny Depp, Wynona Ryder, Diane Wiest... Pour le plaisir de voir Johnny Depp attraper ses petits pois avec ses longs doigts en ciseaux sous l’oeil ébahi des membres de sa famille adoptive et le sourire réconfortant de sa protectrice ! Un chef-d’oeuvre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire