Anne Vanderdonckt

Et si Marilyn avait eu 50 ans...

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Une fin de matinée inhabituellement calme à la rédaction. On perçoit vaguement le doux bruissement des bambous plantés en face de la porte-fenêtre. Marie, la maquettiste, et moi sommes en train de chercher une photo de Marilyn Monroe sur une banque d’images. Marilyn, tellement touchante, émouvante. Sublime. Penser à relire Blonde de Joyce Carol Oates.

Marilyn est morte le 4 août 1962, à 36 ans. Il y a soixante ans. Quel âge aurait-elle eu aujourd’hui sans la surdose de médicaments/le suicide/l’assassinat? 96 ans. Vous imaginez? Non.

Elle n’a même jamais atteint les 50 ans!

C’est vrai, elle a échappé à tous les stéréotypes, poncifs et lieux communs, à toutes ces petites phrases clichées qui nous font bondir et qui l’auraient dévastée. Ecrites ou dites, y compris par les féministes ou wokistes les plus acharné(e)s. S’en prendre à l’âge des gens, cette ségrégation ordinaire et tolérée. Inconsciente le plus souvent, tellement le conditionnement a fait son oeuvre.

Donc, ou bien on aurait reproché à Norma Jeane de vieillir naturellement. Comme on le fait pour cette autre icône qu’est Brigitte Bardot. Affreuse! Elle aurait les moyens de se faire faire un lifting! Et ces cheveux gris! Pourquoi ne prend-t-elle pas soin d’elle, pourquoi se montre-t-elle comme ça?

Ou bien on lui aurait reproché de ne pas le faire. Trop de botox, elle n’arrive plus à bouger le front! Tellement liftée qu’on ne la reconnaît pas! A un certain âge, ce blond platine, ça vieillit. On dirait un alien ; elle fait peur. Brrr, c’est comme Madonna!

Elle vieillit bien. Elle vieillit mal. Elle vieillit.

Elle porte un bikini, Marilyn. La vendeuse l’avait pourtant judicieusement guidée: « Même si vous êtes encore bien pour votre âge, préférez un maillot, plus de votre âge ». Elle est sortie sans rien acheter. Elle s’est engouffrée dans sa limousine. A pleuré de désespoir sur ses coussins de soie. La presse people a cru en connaître la raison, balancée en légende d’une photo volée: la MGM lui aurait imposé un rôle de grand-mère. Et un fils fictionnel en la personne d’un acteur aussi âgé qu’elle. C’est ça, ou c’est rien, aurait rugi le sosie de Berlusconi derrière le bureau!

Et quand même, toujours belle, en dépit de ses 50 ans, Marilyn. Un compliment? Non. Lisez bien tous ces mots qui sonnent comme un rappel de la date de péremption. La beauté ne dure pas. Il est l’heure maintenant de devenir invisible et asexuée. Il y a un temps pour tout. En tout cas, pour sortir au bras d’un homme plus jeune que soi. Elle, cougar! Lui, c’est pour l’argent!

Mais peut-être un jour, en passant dans le hall marbré d’un palace, elle aurait capté ceci, s’échappant du brouhaha avec la légèreté joyeuse d’une bulle de savon: c’était une jolie femme de 20 ans ; c’est aujourd’hui une jolie femme de 50 ans.

Elle aurait aussi été une jolie femme de 96 ans, Marilyn. Pou pou pi dou!

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