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La voiture électrique, aussi une source de stress

Autonomie, temps de recharge, peur de la panne, coût d’achat exorbitant, etc. Rouler à l’électricité implique une charge mentale. Mais de nouvelles technologies pourraient vite changer la donne.

Vous vous rendez chez des amis en bord de mer pour le week-end, à une distance de 200 km de votre domicile, raconte Victor, 55 ans, qui conduit une voiture 100% électrique depuis un an. À peine arrivé, avant même de saluer vos amis, la première chose que vous avez à l’esprit c’est de brancher votre véhicule le plus vite possible. La recharge prend beaucoup, beaucoup de temps sur une prise standard. C’est ça la charge mentale de la voiture électrique! »

Fini l’insouciance

Bien entendu, les récits de personnes qui sont descendues dans le sud de la France, voire en Espagne avec leur voiture électrique (VE en abrégé) se multiplient. Mais cela demande une organisation du tonnerre. Fini, le temps de l’insouciance, des itinéraires bis, des chemins de campagne. Il faut installer des applications sur son smartphone, planifier ses étapes, prendre le temps de s’arrêter au minimum 30 minutes pour faire le « plein »... Il faut aussi penser aux mauvaises surprises, aux bornes occupées ou en panne et avoir prévu des plans B. Le stress vient également du côté « aléatoire » de l’autonomie de ces voitures. Les écarts de consommation sont très différents selon les contextes. Rouler en ville au printemps à vide consomme +/- 12 kWh et avec bagages et passagers sur autoroute en hiver +/- 25 kWh. Bref, la consommation passe du simple au double.

Dans un zoning perdu

Anticiper les imprévus, c’est aussi ce que doit faire Nicole depuis qu’elle roule en voiture de société 100% électrique. Elle habite une maison de rangée en ville et ne peut pas installer de borne. Elle ne peut donc compter que sur les bornes publiques que lui propose son application. Quand, pour son métier, elle se rend aux quatre coins du pays, elle redoute toujours de tomber en panne de batterie. Elle s’est déjà retrouvée dans des zonings reculés où les bornes de recharge n’étaient plus accessibles, priant alors que la voiture ait encore un peu d’énergie pour rejoindre un autre point de recharge, mais pas n’importe lequel. Car même si elle voulait payer de sa poche pour faire le « plein », elle devrait souvent posséder un badge, une carte ou une application spécifiques. Au boulot, même combat, c’est la course contre la montre pour se brancher à une borne avant qu’un collègue ne fasse de même.

Sus aux squatteurs

Pourtant, selon des chiffres officiels, la Belgique comptabilisait, au deuxième trimestre de cette année, quelque 32.000 bornes de recharge, dont 1.500 bornes rapides. Des chiffres en constante évolution. Mais les bornes sont très mal réparties sur le territoire. La Flandre comptabilisait, elle, plus de 25.000 bornes publiques. Alors le stress monte quand on se retrouve en pleine campagne avec une autonomie de batterie de moins de 20%. Ou quand les bornes sont squattées par des véhicules déjà rechargés. La Région bruxelloise réfléchit d’ailleurs à pénaliser ce type de comportement en infligeant une pénalité de 25 €.

Plus de crevaisons!

Outre les pompiers, les dépanneurs s’arrachent les cheveux avec l’électrification du parc automobile. L’assistance routière VAB a noté que, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce ne sont pas les batteries déchargées qui sont la panne la plus fréquente, mais les... crevaisons! Les véhicules électriques ont un couple élevé et un poids plus important, ce qui met les pneumatiques à rude épreuve. Le remorquage d’un véhicule électrique est aussi plus compliqué, car si les roues tournent, elles produisent de l’électricité et cela peut endommager la batterie. Il faut donc les déplacer sur une dépanneuse équipée d’un plateau.

Sortir du cercle vicieux

« Bien que l’autonomie des voitures électriques s’améliore, les automobilistes veulent pouvoir parcourir encore plus de kilomètres avec une batterie chargée à 100%, explique Joost Kaesemans de l’organisation Touring. Cela implique des batteries encore plus grosses et donc des véhicules plus lourds et plus chers. Alors que le prix d’achat est déjà le principal obstacle. Pour sortir de ce cercle vicieux, nous devons miser sur un réseau solide et étendu de bornes de recharge. Actuellement, la voiture électrique moyenne chargée à 100% a une autonomie de +/- 350 km. Les acheteurs de VE aimeraient pouvoir parcourir au moins 400 km avant que les batteries ne soient déchargées. »

Immobiles 95% du temps

Alors faut-il jeter bébé avec l’eau du bain? Bien sûr que non, la voiture électrique a aussi de nombreux défenseurs. Philippe Quatennens (Fleet TV, spécialiste automobile) a relativisé ces problèmes: « Pourquoi les gens se préoccupent des temps de recharge quand on sait que la flotte belge est immobile en moyenne 95% du temps. ». Il est vrai que les automobilistes belges ne parcourent en moyenne « que » 32,5 kilomètres par jour. Une moyenne qui, bien entendu, cache des réalités bien différentes. « Mais les EV présentent de nombreux autres avantages, ajoute Philippe Quatennens. En plus des atouts écologiques évidents, ils nécessitent moins d’entretien que les modèles à moteur thermique et, en fonction du nombre de kilomètres parcourus et de l’endroit où vous chargez, vos frais de transport seront réduits. » La conduite est aussi plus agréable, grâce au silence du moteur, à la boîte automatique, à un espace intérieur plus zen et plus cosy.

Pas de gel, pas de canicule

Des points positifs, il y en a! Et d’autres qui le sont moins. La météo peut être une autre source de stress. En hiver, en cas de gel, certains modèles perdent jusqu’à un tiers de leur capacité de batterie sans bouger d’un mètre. Un système de contrôle de la température pompe en effet de l’énergie afin de maintenir une température optimale pour protéger la batterie.

C’est le paradoxe, mais en cas de forte chaleur, il ne faudrait utiliser qu’avec parcimonie la climatisation. Les batteries lithium-ion sont par ailleurs sensibles aux fortes chaleurs, ce qui entraîne des pannes. Des conducteurs se sont déjà retrouvés coincés dans leur auto en pleine canicule suite à des défaillances.

Et la sécurité?

Les incendies de véhicules électriques sont spectaculaires, mais il n’existe aucune preuve indiquant que ces automobiles s’enflamment davantage que leurs homologues thermiques. Cependant, éteindre un incendie sur un véhicule électrique est un défi de taille pour les pompiers.

Autre avatar, celui du piratage et du vol de ces véhicules modernes bourrés d’électronique. Il apparaît que les bornes de recharge constituent désormais une porte d’entrée pour les pirates informatiques.

Les apps qui facilitent la vie

Waze: très prisée pour sa fonction gps avec infos trafic en temps réel, cette app indique désormais les bornes de recharge lors du calcul d’un itinéraire.
Chargemap: cette app offre la possibilité d’acheter une carte de recharge compatible avec de nombreux opérateurs européens pour 19,90 €, et ce sans abonnement. Elle permet de planifier des itinéraires en optimisant les arrêts pour la recharge.
Shargy: grâce à cette app vous pouvez mettre votre borne de recharge à disposition d’autres conducteurs ou charger votre VE sur la borne d’un autre particulier.
ABRP: cette app réputée pour planifier ses voyages dans l’Europe entière est actualisée par les utilisateurs. La version premium s’afficher sur l’écran de la voiture via Apple CarPlay ou AndroidAuto.
Facebook propose, pour la majorité des modèles de voitures électriques, des groupes de discussion où leurs propriétaires peuvent partager leurs expériences, problèmes et solutions...

Une révolution pour les riches

Si aujourd’hui, un Belge sur trois a une attitude négative à l’égard de la voiture électrique, il ne faudrait pas oublier le grief principal: le prix! Certes, certains de nos concitoyens sont prêts à débourser plus pour une voiture électrique que pour une voiture à essence. « Mais, selon une enquête de Touring, avec une disposition à investir estimée à 27.000 € en moyenne, les possibilités restent limitées. Parmi les 20 modèles électriques les plus vendus, aucun n’entre dans la catégorie des voitures de moins de 30.000 € et seuls deux modèles affichent un prix compris entre 30.000 et 40.000 €. Tous les autres se situent au-dessus de cette fourchette. »

Certains pensent qu’on leur met déjà « un couteau sous la gorge » en voulant leur faire délier les cordons de la bourse puisque l’Europe a décidé de passer au tout électrique en 2035. Luca de Meo, le PDG de Renault, estime que « produire une voiture électrique coûte plus cher qu’une voiture traditionnelle en termes d’investissement, de technologie embarquée et de composants. C’est, comme je l’ai toujours dit, une révolution pour les riches. »

« Les consommateurs belges sont moins enclins à acheter un nouveau véhicule, principalement en raison de l’inflation et de l’inquiétude face à leur capacité financière future, ajoute Aled Walker du bureau Deloitte.

Avec 44% des consommateurs qui retardent encore leurs achats importants (le prix de la plupart des véhicules électriques démarre à 50.000 €), le fossé entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas de véhicule électrique va devenir de plus en plus évident. »

Des solutions contre ce stress

Reste que deux, voire trois des gros stress dus à la voiture électrique, ceux de l’autonomie, du temps de chargement et même du coût, pourraient disparaître à moyen terme et enfin dorer le blason de la voiture électrique auprès d’un public plus large.

Deux nouvelles sont à prendre un compte. La première nous vient de Toyota. Le constructeur japonais a inventé une batterie solide. Sans rentrer dans des détails trop techniques, on passe des électrolytes liquides à des solides. Ce qui permet une autonomie de 1.200 kilomètres en une seule charge! Et la recharge de la voiture de 10% à 80% peut s’effectuer en seulement 10 minutes. Le coût de production de cette batterie solide, qui sera produite en masse dès 2027, est par ailleurs diminué de moitié.

Autre nouvelle, chez nous cette fois, ce sont les chercheurs d’Epowers de la VUB qui ont développé un outil pour charger entièrement un véhicule en moins de dix minutes et rouler jusqu’à 1.000 kilomètres avec un nombre de recharges limité. Et ce, grâce à l’aide de technologies de pointe et de circuits à haute tension. « Cette nouvelle infrastructure permet de réduire considérablement les coûts et d’alléger la pression sur le réseau pendant le processus de charge », avance le Pr Omar Hegazy de la VUB. L’avenir nous dira si ces paris technologiques auront pu s’imposer.

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