Anne Vanderdonckt

Moi et moi-même vont au resto

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Les débuts d’années ouvrent la porte aux spéculations sur les tendances qui marqueront les 365 jours suivants. Et qui ne se vérifieront jamais, sinon peut-être dans de petits cénacles. Les plus crédibles sont celles qui s’appuient sur des mouvements déjà existants appelés à se développer. C’est le cas de ce qu’on présente comme un fait de société estampillé 2025, qui n’est pas né aujourd’hui et qu’on verra croître demain: manger seul au restaurant. On ne parle pas ici de gargotes, bien utiles, servant les sandwiches et bolos du midi, mais de vrais bons restaurants munis d’une carte dont les intitulés allusifs exigent un développement sur place.

Manger au restaurant est vu comme un acte social. Manger seul ne s’inscrit pas dans la norme et, pire, réveille notre peur de l’abandon et du rejet sous le regard de l’autre. Ce n’est donc pas a priori facile de s’attabler seul en public. Il n’empêche que quelque 30% des repas pris au restaurant se feraient en solo. Et que de plus en plus de maisons de bouche s’adaptent avec, notamment des tables d’hôtes, des places au bar ou de petites tables face à la salle de manière à ce que le client ne se retrouve pas au milieu du jeu de quilles, ce qui est particulièrement désagréable. Portée par la génération Z et les réseaux sociaux, phénomène remarqué par les inspecteurs du guide Michelin, cette tendance n’est pas à lire comme une apologie de l’asocialité ou une montée inéluctable de la solitude. Même si on sait que dans une société qui se replie de plus en plus, il est difficile de se faire des amis. Et même si, aujourd’hui, 36% des ménages se composent d’une seule personne (environ 60% escomptés d’ici 2060).

30% des repas pris au restaurant se feraient en solo

Ce qui se cache derrière cette tendance, c’est l’envie de profiter d’un moment à soi (autre tendance bien installée). Pourquoi vous priver d’une dégustation qui éveille votre curiosité si vous n’avez trouvé personne pour vous accompagner ce soir-là? Les adeptes du resto en solo avancent l’expérience gustative incroyable que cela procure. Et en effet, il y a quelques semaines, j’ai eu le bonheur de visiter une toute bonne table de ce pays avec des convives de choix. J’ai passé une soirée merveilleuse, mais, mis à part un plat spectaculaire, je ne me souviens d’à peu près rien de ce que j’ai avalé, et les explications compétentes du serveur à chaque plat et vin, qui venaient interrompre de joyeuses conversations, m’ont plutôt barbée.

On observe souvent aussi des couples attablés l’un face à l’autre, qui s’ennuient. Seuls l’un avec l’autre. Où est le plaisir? S’attabler seul, expliquent les psychologues, est bénéfique pour la santé mentale. C’est un moment privilégié qu’on peut transformer en une véritable expérience d’introspection. On observe les gens, on écoute, on goûte… on a tous les sens aux aguets. Eventuellement, on s’accompagne d’un bon bouquin pour combler les temps d’attentes. Surtout, on laisse son téléphone dans sa poche.

Autre tendance, traditionnellement annoncée par Pantone: la couleur de l’année. En 2025, notre penderie et notre intérieur seront… «Mocha Mousse». Soit couleur mousse au chocolat. Comme il se doit, je vous avais gardé le dessert pour la fin.

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