Anne Vanderdonckt

Peut-on porter les cheveux courts et être une femme?

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Cela a fait les grands titres, partout, en décembre: Miss France 2024 porte les cheveux courts. Et en plus, ils sont marron. Pas blonds. Du haut de ses 20 ans, la ravissante ressortissante du Pas-de-Calais, vivement critiquée, revendique son bob charbonneux comme un signe de «diversité de la femme». Depuis que les concours de beauté n’osent plus dire leur nom, les candidates sont en effet censées porter un message. Celui d’Eve Gilles sera de «défendre les valeurs des femmes fortes». Cheveux courts, idées longues. Une sorte de juste retournement de ce que les bonnes gens disaient à l’époque des yéyés: cheveux longs, idées courtes.

Mais trêve de plaisanterie, on se demande comment, alors que le XXIe siècle est en voie de clôturer son premier quart, ceci peut encore être un sujet. Comment les journaux peuvent-ils commenter ce non-événement par un «elle a osé». Osé? Les premières garçonnes des années folles, elles, ont osé. Elles, elles ont réellement bousculé l’ordre établi, en tout cas pour un temps. On a admis que, désormais, une miss pouvait être mariée, avoir un enfant, être transgenre, tatouée, multi diplômée, être très âgée (style 27 ans)… par contre, les cheveux courts, on n’y avait pas pensé. On ne peut pas penser à tout.

Faisons maintenant un bond dans le temps. Et si notre jolie miss avait plutôt 50 ou 60 ans? Voire plus. Voire un peu moins, même. Son coup d’éclat pour défendre les femmes fortes consisterait alors à inverser le processus et à porter les cheveux longs. Car il faut bien en convenir, la maturité apporte son lot de déboires capillaires qui se règlent souvent par «Il faut couper un peu (ndlr: selon le système métrique propre aux coiffeurs), cela se verra moins». De toute manière, «une coupe courte remplit mieux le visage qui, contrairement au reste du corps, a tendance à se creuser et à marquer l’avancée en âge». «C’est un vrai travail d’être belle avec les cheveux longs si on n’a plus 20 ans», confie une coiffeuse-star (qui n’a sans doute pas vu notre mannequin du mois, Diana, 51 ans).

Si la Miss avait plutôt 50 ou 60 ans, son coup d’éclat consisterait à porter les cheveux longs

Mais surtout, il y a ce préjugé qui perdure: à 50 ans, les cheveux longs, ça-ne-va-plus, ce n’est plus de cet âge. Une idée reçue qui va de pair avec celle-ci, collante comme le sparadrap du capitaine Haddock: la séduction a une date de péremption. Car dans l’inconscient collectif, les cheveux sont liés à la féminité, c’est un fait. Or, il se trouve qu’aujourd’hui, de plus en plus de femmes 50+ ne renoncent plus sous le poids des diktats à leurs longue chevelure. Cette chevelure qui fait partie d’elles, qui est en quelque sorte leur signature. Certaines la laissent même grisonner, tabou capillaire ultime qu’elles brandissent comme un manifeste: de longs cheveux gris, non? ! Eh bien, oui! Je suis moi et j’en suis fière, lancent-elles. Renoncer pour être dans le cadre, non merci. Au même titre, mais sans doute pour la raison inverse, que la jeune Miss France et ses cheveux courts, avec leur longue chevelure argentée, ces femmes matures s’attirent de nombreux commentaires haineux.

L’avancée sociétale ne serait pas tant de pouvoir porter les cheveux courts que de les garder longs. Et no comment. Ceci n’est ni un détail ni une futilité.

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