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Vider une maison et toute une vie, loin d’être un long fleuve tranquille!

Il nous a fallu plus de deux mois, à ma femme et moi, pour vider la maison de sa sœur aînée. Nous avons essayé de vendre ou de donner au maximum. Une expérience doublée d’une bonne dose de tristesse, de nostalgie. Et de colère, aussi.

Ouf! Le camion du magasin de seconde main est reparti. Les hommes ont emmené des armoires de toutes tailles, des chaises, des fauteuils, des tapis, des pieds de parasol, une chaîne hifi, un grand tableau, de vieilles photos encadrées, un pèse-personne, du mobilier de jardin et des lustres. En revanche, ils nous ont laissé les meubles abîmés mais peu importe: Marc, un voisin, viendra nous aider à les mettre dans sa remorque pour les déposer au parc à conteneurs.

Pendant deux bons mois – entrecoupés de pauses – ma femme et moi avons dû vider la villa de sa sœur aînée, 91 ans, bien plus âgée qu’elle et atteinte de démence. Elle a perdu son mari voici près de deux ans et a dû être placée en maison de repos et de soins début 2023. Quelques mois plus tard, sa maison était mise en vente. Comme les nouveaux propriétaires ne voulaient rien garder, il a fallu la vider avant le jour de la signature de l’acte d’achat chez le notaire.

Ma belle-sœur et son mari n’ont malheureusement pas eu d’enfants – le drame de leur vie. Mais ils ne le savaient pas encore lorsqu’ils ont fait construire une grande villa, en 1955, avant d’y ajouter, plus tard, deux grandes cabanes de jardin.

Plus personne ne veut de dressoir

Le jour où nous avons fait le tour de la villa, nous avons eu un choc. De la cave au grenier – sans parler des cabanes – elle débordait de lourds meubles en chêne et des 1.001 objets accumulés tout au long d’une vie et jamais mis au rebut («ça pourra toujours servir»). Surtout dans le grenier, uniquement accessible par une trappe! On y a même trouvé quatre vieux poêles à gaz pesant chacun un âne mort. Mais comment ont-ils pu atterrir là-haut?

Première étape: faire appel à un brocanteur. Un homme est venu jeter un œil et a décrété que rien ou presque n’était vendable. «On ne sait plus quoi faire de tout ce lourd mobilier en chêne et plus personne ne veut de dressoir.» Les semaines suivantes allaient nous prouver à quel point il avait raison…

Le vieux tracteur tondeuse de 20 ans, peu utilisé, à trouvé preneur en 24 heures à plus de 1.000 €!

«On retrouve très souvent ce genre de meubles dans les maisons qu’on nous demande de vider», explique Sanne Vandelft, porte-parole du service vide-maison d’un magasin de seconde main. «Les gens qui aiment cela en trouvent sans problème au sein de leur famille, après un décès. Nous on prend ce genre de meubles, mais on doit souvent les confier à des brocanteurs à l’étranger ou tout simplement les jeter. Les clients qui viennent chez nous recherchent plutôt le style Ikea

Le brocanteur nous a demandé 2.000€ pour vider la maison de la cave au grenier. Nous avons trouvé cela trop cher et avons décidé de le faire nous-mêmes.

Forte demande pour les tracteurs tondeuses

Nous avons donc essayé de revendre un maximum de choses en ligne, sur Facebook Marketplace et 2ememain.be. Sur Marketplace, nous avons tout de suite eu des réactions de gens se disant intéressés et désireux de tout payer via WhatsApp, alors qu’on venait de lire qu’il fallait s’en méfier. On oublie donc Marketplace!

Sur 2ememain.be cela semblait plus correct. Le tracteur tondeuse de 20 ans, mais peu utilisé, a trouvé preneur en 24 heures à 1.050€. Par la suite, un vendeur de tondeuses m’a expliqué que les modèles d’occasion sont surtout recherchés pour les pièces de rechange. Via 2ememain.be nous avons également essayé de vendre deux jolis petits meubles et une horloge murale de style ancien. Absolument personne ne s’est montré intéressé!

Du white spirit pour le restant de nos jours

Nous avons donc dû donner une bonne partie du contenu de la maison. Des voisins ont reçu un lit avec tête de lit et une garde-robe, à condition de démonter l’ensemble de la chambre à coucher et de tout descendre au rez-de-chaussée. Grâce à des connaissances, à des groupes Facebook et à des sites de «donnerie», nous avons pu faire emporter gratuitement un petit congélateur, un frigo, le lave-linge et le séchoir, le grand écran télé, une échelle en aluminium, etc. Quelqu’un nous a proposé 200€ pour un vélo électrique. Nous avons râlé un bon coup sur des gens qui avaient assuré qu’ils viendraient chercher des meubles mais ne sont finalement jamais venus.

Il y a aussi des objets que nous avons finalement gardés. Une des deux cabanes de jardin contenait une quantité impressionnante de produits d’entretien et de pinceaux. Nous avons du white spirit pour le restant de nos jours!

Combien ça coûte?

Certaines entreprises de déménagement proposent de faire du vide-maison. Elles ont de l’expérience, du personnel adéquat et du matériel spécialisé pour agir efficacement, mais cela a un prix. «Contrairement aux brocanteurs, nous n’essayons pas ensuite de revendre certaines pièces, explique Yannick Devoddere de la société DVH. Chez nous, tout finit dans un parc à conteneurs. En général, la famille veille à enlever de la maison tout ce qui peut encore servir ou qui a une valeur affective. Nous faisons le reste. Important à savoir: s’il s’agit de vider la maison d’une personne décédée et qui a des héritiers, la facture pour les frais de vide-maison peut être remise au notaire qui la fera entrer dans les documents de la succession pour autant que vous ayez fait appel à une firme reconnue. Cette facture est ensuite déduite des frais de succession.

Des bocaux des années 60

Après tout ça, il restait encore beaucoup de choses... Il n’y avait donc plus qu’à faire venir un magasin de seconde main et à jeter le rebut au parc à conteneurs. Mais pour cela, il fallait d’abord tout descendre au rez-de-chaussée, car les gros bras des magasins de seconde main ne grimpent pas les escaliers. Il nous a fallu des jours pour vider le grenier, avec courbatures et maux de dos à la clé. D’abord faire tout passer par la trappe et imaginer un système D de poulie improvisée. Puis, au premier étage, tout jeter par la fenêtre dans le jardin. Chaque fois que nous sortions un objet du grenier, nous découvrions quelque chose que nous n’avions pas vu… y compris une collection de bocaux des années 60.

«En principe, on emporte tout, assure Sanne Vandelft, sauf ce qui contient de l’amiante, les petits déchets dangereux, les médicaments, les aliments, les poubelles et les pianos. Beaucoup de choses seront quand même vendues dans nos magasins. Les vêtements, les miroirs en pied et les lustres, par exemple, mais aussi de la brocante (les jeux Meccano! ) et les objets design des années 70 et 80.»

Pendant ce vide-maison, nous avons vécu de véritables montagnes russes émotionnelles.

Il y a une solution que nous n’avons pas tentée: le garage sale. Dans la plupart des cas, il suffit de demander la permission à la commune un mois à l’avance. Mais, là non plus, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Francine Rijnders, qui habite à Berlaar, a organisé, fin septembre, un garage sale pour vider la maison de sa belle-mère. «Les préparatifs m’ont demandé un travail fou. Malheureusement, en près de huit heures j’ai vendu à peine pour 25€, surtout de la vaisselle et des casseroles. La plupart des objets partaient à 1 ou 2€, et malgré tout presque rien n’a trouvé preneur.» Certaines communes organisent des garages sales pour les habitants que cela intéresse. Contre un montant raisonnable (+/- 5€), on s’occupe pour vous de l’autorisation, de l’assurance et de la publicité (taper sur google: garage sale + nom de votre commune).

Gros coup de blues

Pendant ce vide-maison, nous avons vécu de véritables montagnes russes émotionnelles. Tristesse, d’abord: nous avons dû faire disparaître la vie de deux personnes, ce qui nous a rappelé à quel point nous sommes éphémères. Inévitablement, des souvenirs ont refait surface. Beaucoup de nostalgie, aussi. Surtout pour ma femme qui est tombée sur un album photos avec des clichés du village de son enfance. Ou encore sur de la vaisselle et des bijoux qui avaient appartenu à sa mère. Des avis de décès de personnes qu’elle avait connues dans sa jeunesse. Moi-même, j’ai eu les larmes aux yeux en découvrant dans le grenier des dessins de nos enfants, datant de l’époque où ma belle-sœur et son mari s’occupaient d’eux.

Il y a eu aussi pas mal de points d’interrogation et de colère. Comment se fait-il que ce soit ma belle-sœur qui ait eu le sac-bijou du soir qui appartenait à ma mère? Et pourquoi fallait-il qu’elle garde des plantes, des carrelages, des poêles à bois et quantité de bocaux dans son grenier? Quoi qu’il en soit, nous voilà riches d’une nouvelle expérience de vie.

D’émotion en émotion

Déception, amertume, joie, gratitude, fierté, méfiance, colère, incompréhension: quand on vide la maison de ses parents ou d’un proche, les émotions se bousculent. «Comme pour un deuil, il est important de laisser libre cours à ces émotions, assure Amber Haedens, psychologue. Cherchez un appui auprès d’amis ou de membres de votre famille. Parlez-leur avant de commencer à vider la maison, mais aussi pendant et après.»

Etre anxieux ou inquiet est normal, car vous décidez à la place de quelqu’un d’autre de ce que vous allez jeter ou garder. On n’est pas non plus à l’abri de surprises, parce qu’on est confronté à des aspects de la vie – de vos parents, par exemple – que vous ne connaissez pas. Lettres d’amour, disputes, dettes… Vous serez peut-être obligé de revoir l’image que vous vous faites d’eux. Qui était réellement votre mère ou votre père?

«De la colère peut aussi surgir, à cause de souvenirs douloureux qui refont surface ou parce que vous avez du mal à gérer le temps et l’énergie que demande le fait de vider une maison. Les émotions sont toujours le signal de besoins sous-jacents, de conflits ou de manques.

La colère peut signifier que vous aviez ou auriez eu besoin d’un lien plus fort avec la personne dont vous videz la maison. Si cette personne vit encore, il peut être bon de l’impliquer d’une façon ou d’une autre.»

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